Sectes – L’allégorie du berger revue et corrigée – 2. ̷₄

Sommaire de cette série

2 – Une nouvelle représentation :
le modèle de la bergerie

Quand au mouton bêlant la sombre boucherie
Ouvre ses cavernes de mort,
Pâtres, chiens et moutons, toute la bergerie
Ne s’informe plus de son sort. (…)

André Chénier, Ïambes


Voilà des décennies que l’on représente le rapport entre un gourou et ses adeptes par l’allégorie du berger. Au-delà du lieu commun, cette représentation simpliste présente trois défauts majeurs :

  • elle crée une dichotomie stricte : dans une communauté religieuse, on est soit berger, soit mouton ;
  • elle tend à considérer tous les bergers sur un pied d’égalité, d’un groupe religieux à un autre (qu’il soit ou non dangereux) ; alors que tous les chefs de communauté religieuse ne se valent pas ;
  • elle ne fait aucune distinction parmi les adeptes, quels que soient leur rôle, leurs activités et leurs comportements au sein du groupe.

Il s’avère donc essentiel de modifier le modèle du berger afin qu’il puisse donner une vision plus nuancée des organisations religieuses et mieux rendre compte de leur éventuel degré de dangerosité.

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Sectes – L’allégorie du berger revue et corrigée – 1. ̷₄

Pour expliquer simplement la relation entre un gourou et ses adeptes, on a coutume de s’en remettre à l’allégorie du berger. Si ce modèle présente quelques vertus en victimologie, il est à proscrire dès lors que l’on s’intéresse aux mouvements religieux sous l’angle du droit criminel.

Dans cette série d’articles, je propose une profonde refonte de ce modèle, afin de mieux appréhender la dangerosité sociale du gourou et de son organisation.


Sommaire de cette série :

  1. Gourou et adeptes, une responsabilité partagée ? Vraiment ?!
  2. Une nouvelle représentation : le modèle de la bergerie
  3. Un modèle pour distinguer églises radicales et églises malveillantes
  4. Mise en application : Témoins de Jéhovah et Église de scientologie

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Témoins de Jéhovah et transfusions sanguines – La jeune fille et la mort (6/6)

Sommaire de cette série

6 –  Le rapport du coroner occulte la menace

Le 14 novembre dernier, le coroner Luc Malouin a remis son rapport sur le décès d’Éloïse Dupuis. Ce document officiel vient confirmer ce que l’on savait déjà : la jeune femme est morte des suites de son refus des transfusions sanguines.

Pour le reste, le rapport du coroner est un florilège d’erreurs (6.1), aux regrettables conséquences (6.2), qui détourne l’attention de la vraie problématique : la responsabilité des Témoins de Jéhovah dans cette affaire, notamment au pénal, sur le fondement de l’homicide involontaire coupable (6.3).

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Témoins de Jéhovah et transfusions sanguines – La jeune fille et la mort (5/6)

Sommaire de cette série

5 – Un certain manque de courage du côté de l’hôpital

Contraintes létales sur les adeptes, pressions sur le personnel médical, lobbyisme auprès des autorités,… 

Le refus des transfusions sanguines par l’organisation des Témoins de Jéhovah est la funeste manifestation d’une radicalité religieuse. Les médecins et l’administration des hôpitaux doivent prendre la mesure de l’enjeu. Et agir en conséquence.

Pourquoi l’Hôtel-Dieu de Lévis n’a-t-il pas pris les dispositions médicales et légales qui s’imposaient pour sauver la vie d’Éloïse Dupuis ?

Pour le journaliste Paul Journet, les médecins ont fait tout ce qui était en leur pouvoir :

Depuis les « estrades », on peut penser que les médecins n’en font pas assez pour protéger les patients contre eux-mêmes. Ce serait toutefois oublier qu’ils sont les premiers à être troublés par ces cas désespérants, et aussi qu’ils ont les mains liées par la jurisprudence.

Eh bien, depuis mon estrade, je pense que les médecins n’en ont pas fait assez pour protéger Éloïse Dupuis. Car ce n’était pas d’elle-même qu’il fallait la protéger ; mais de son église.

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Témoins de Jéhovah et transfusions sanguines – La jeune fille et la mort (4/6)

Sommaire de cette série

4 – La responsabilité des Témoins de Jéhovah en tant que groupe

Remettre en cause la légitimité de la mort d’Éloïse Dupuis, c’est estimer que, au-delà de la responsabilité individuelle de la jeune femme,  l’organisation des Témoins de Jéhovah a joué un rôle funeste dans cette affaire. Ce que confirme l’analyse des faits à la lumière du dogme jéhoviste.

De nombreuses voix influentes s’accordent pour dire que la responsabilité de ce drame repose sur les seules épaules de la victime, qui aurait choisi de mourir plutôt que de renier sa religion.

J’estime pour ma part que cette vision erronée nie la dangerosité intrinsèque des Témoins de Jéhovah dans ce genre d’affaires (4.1). Dans le cas d’Éloïse Dupuis, il fallait rechercher la responsabilité du groupe religieux, en relevant les éléments subjectifs (4.2) et objectifs (4.3) de la crainte qu’il a inspirée chez la jeune femme, en exerçant ou en menaçant d’exercer sur elle un abus d’autorité, en vertu de l’article 1403 du Code civil du Québec.

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Témoins de Jéhovah et transfusions sanguines – La jeune fille et la mort (3/6)

Sommaire de cette série

3 – La validité du refus des transfusions

Remettre en cause la légitimité de la mort d’Éloïse Dupuis, c’est se demander si son refus des transfusions sanguines était juridiquement valide.

Sans prétendre à l’exhaustivité, on présentera ici les éléments du droit positif québécois qui auraient dû conduire les médecins, voire un juge, à examiner avec attention le refus de la jeune femme – et à conclure à son invalidité.

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Témoins de Jéhovah et transfusions sanguines – La jeune fille et la mort (2/6)

Sommaire de cette série

2 – La liberté religieuse n’est pas absolue

Si un citoyen s’immole par le feu en place publique pour protester contre la persécution religieuse dont est victime son église, doit-on le regarder brûler jusqu’à ce que mort s’ensuive, sous prétexte qu’il exerce ainsi sa liberté religieuse ?

Si un citoyen s’immole par le feu en place publique pour protester contre la politique fiscale qui a anéanti son entreprise, doit-on le regarder brûler jusqu’à ce que mort s’ensuive, sous prétexte qu’il manifeste ainsi ses convictions politiques ?

Pour une raison que la raison ignore, nombre de commentateurs de l’affaire Éloïse Dupuis répondraient différemment à ces deux questions (cf. article précédent). Il semble en effet que, pour eux, la liberté religieuse s’impose avec une telle force, une telle évidence, qu’ils refusent à l’État toute ingérence en la matière et ce, même lorsque la vie humaine est en jeu.

La liberté religieuse est-elle plus importante que les autres libertés fondamentales ? Échappe-t-elle nécessairement au contrôle de la loi et du juge ?

Non et non, bien évidemment.

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Témoins de Jéhovah et transfusions sanguines – La jeune fille et la mort (1/6)

Les médecins ont-ils le droit de sauver, malgré elle, une Témoin de Jéhovah qui se laisse mourir plutôt que d’accepter une transfusion, après deux chirurgies consécutives qui l’ont vidé de son sang ?

Selon moi, la réponse est OUI. Mais l’explication est complexe.

Retour sur l’affaire Éloïse Dupuis, qui a divisé l’opinion publique au Québec, en octobre dernier.


Sommaire de cette série

  1. Faits, réactions et enjeux
  2. La liberté religieuse n’est pas absolue
  3. La validité du refus des transfusions
  4. La responsabilité des Témoins de Jéhovah en tant que groupe
  5. Un certain manque de courage à l’hôpital
  6. Le rapport du coroner occulte la menace

1 – Faits, réactions et enjeux

Le 6 octobre dernier, Éloïse Dupuis, parturiente de 27 ans, entre à la maison de naissance Mimosa de St-Romuald (Québec) pour mettre au monde son premier enfant. Mais après de longues heures de travail, la sage-femme n’est pas capable de mener l’accouchement à son terme. La future mère est conduite en urgence à l’Hôtel-Dieu de Lévis, à vingt minutes de voiture.

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‘iPad Bombs’: Batteries not included (4/4)

4ème partie – « Oui mais, les scanneurs à bagages peuvent être hackés ! »

Introduction et sommaire de cette série d’articles

Aviation civileNous l’avons vu, allumer son iPad Air ou son Galaxy SIII sous le nez d’un agent de contrôle avant d’embarquer ne présente aucun intérêt en termes de sureté de l’aviation civile.

Parmi les différentes raisons précédemment évoquées, la principale tient dans le fait que tous les objets détenus par un passager font l’objet d’un contrôle au scanneur à bagages amplement suffisant pour détecter un éventuel iPad piégé.

Toutefois, qu’en serait-il si un individu malintentionné parvenait à prendre indûment le contrôle de la console d’opération de ce scanneur ? C’était précisément le sujet d’une présentation fort médiatisée lors de la dernière édition du Black Hat, une conférence de hackers informatiques. On apprenait ainsi de la bouche de Billy Rios, Director of Vulnerability Research chez Qualys, que ces consoles de scanneur sont vulnérables à des attaques informatiques.

Si l’on peut pirater les scanneurs à bagage, les conclusions que j’ai précédemment tirées dans cet article sont-elles ipso facto obsolètes ? Pas le moins du monde.

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La loi américaine sur les armes à feu indétectables rate sa cible | 3/3

> Introduction et sommaire de cette série <

3ème partie – Une loi qui aggrave la situation

Aviation civileL‘enfer est pavé de bonnes intentions. Si l’on ne peut être contre la vertu, il faut tout de même constater que la loi de 1988 sur les armes indétectables fait, au final, plus de mal que de bien.

Un terroriste tente de passer dans un avion avec une bombe cachée dans une de ses chaussures ? Dès lors, dans les aéroports, on passe tous les souliers au scanneur à bagage de cabine.

Un terroriste dissimule une charge explosive dans ses sous-vêtements et réussit à l’introduire dans un avion de ligne ? On installe dans les aéroports des scanneurs corporels.

Un groupe terroriste identifié planifie de passer clandestinement des explosifs liquides à bord d’aéronefs ? On instaure dans tous les aéroports un volume limite de liquides, aérosols et gels autorisé en cabine des avions.

Mais la simple possibilité qu’un individu lambda puisse – éventuellement, dans ses rêves les plus fous – tenter de monter à bord une arme à feu en plastique et la réponse des pouvoirs publics est sans appel : on interdit la simple possession de telles armes partout sur le territoire des États-unis d’Amérique.

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