Quel avenir pour les programmes « registered traveler » – 1 an après

Il y a un an, j’écrivais ici-même tout le bien que je pensais de la disparition du programme CLEAR de la société Verified Identity Pass. Arguant d’une sécurité technologique accrue, la compagnie américaine avait en effet mis en place un modèle de contrôle préembarquement pour VIP qui constituait une faille considérable dans le système de sureté des aéroports américains.

La crise économique avait eu raison de CLEAR, mais la guerre aux programmes trusted traveler n’était pas gagnée pour autant. D’autres sociétés et même les douanes américaines commençaient à développer des initiatives similaires. J’espérais que la Secrétaire d’État à la sécurité intérieure, Mme Janet Napolitano, réaliserait, au vue d’une évaluation alors en cours de ces programmes, l’erreur grossière que commettaient en la matière le secteur public comme le privé.

Un an plus tard, force est de constater que le privé semble avoir retenu la leçon. Pas le secteur public…

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À quoi servent les chasseurs de l’armée qui escortent les avions de ligne ?

Le 15 mai dernier, un vol Hong-Kong-Vancouver de la Cathay Pacific a terminé son périple au-dessus de l’océan escorté par deux chasseurs CF-18 de l’Armée de l’air canadienne. Ceux-ci avaient été dépêchés en urgence par le NORAD (North American Aerospace Defence Command), après que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) avait fait état d’une menace d’attentat à la bombe à bord de l’avion de ligne.

Quand on demande audit NORAD la raison d’un tel déploiement de force autour d’un appareil civil en plein vol, il répond par la bouche de sa porte-parole, le Major Holly Apostoliuk :

Considering the time available when information is received about a potential threat to an aircraft, one does not have time for a full investigation, and neither would anyone want us to do so. The point is, based on the information, to do all we can to ensure a safe landing of the aircraft.

On ne s’inquiéterait pas outre mesure de ce genre de déclaration à l’emporte-pièce si elle n’avait pas été malencontreusement confirmée par un professeur en science politique de l’Université Simon Fraser (Colombie-Britannique), le Pr Stuart Farson, que La Presse canadienne présente comme un « terrorism expert » :

I think it’s just being appropriately cautious. The guys at NORAD just don’t have the time to identify what the threat actually is. You have to take some sort of action.

« Vous devez agir, d’une manière ou d’une autre » ? Certes, mais pas n’importe comment. Or, en pareil cas, envoyer la chasse pour intercepter un avion de ligne ne présente pas la moindre utilité.

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De Times Square à la « No Fly List »

La récente tentative d’attentat à la voiture piégée sur Times Square, à New York, nous ramène brutalement – et étonnamment – à la question des no-fly lists. En effet, le 3 mai dernier, soit 53 heures après la découverte fortuite de l’engin explosif, l’auteur de l’attentat manqué était arrêté par les autorités, à bord d’un avion de la compagnie Emirates sur le point de décoller à destination de Dubaï.

On a déjà à peu près tout écrit et tout dit sur la regrettable incapacité du FBI et consorts a empêché le terroriste, Faisal Shahzad, de monter dans l’avion, alors que :

  1. il était inscrit sur la No fly list, la liste la plus restrictive parmi les quatre utilisées aux États-Unis pour assurer la sûreté aérienne,  (cf. ce précédent article, § 2.1)
  2. il était recherché pour un acte terroriste déjà commis (tout du moins tenté).

Ce qui doit ici davantage retenir notre attention est ailleurs. Ainsi, on constatera tout d’abord que si Faisal Shahzad a été arrêté avant le décollage, c’est grâce à une procédure mise en place juste après le 11-Septembre : celle-ci impose à toutes les compagnies aériennes d’adresser aux Douanes américaines le manifeste de leurs vols (depuis ou vers les États-Unis) 30 minutes avant le départ de l’avion. Continuer la lecture de « De Times Square à la « No Fly List » »

Avion, autocar et train – La TSA rate sa correspondance

Some people just never learn.

On a vu précédemment de quelle étrange façon la TSA conçoit le contrôle aléatoire antiterroriste aux portes d’embarquement des aéronefs.

Mais l’administration fédérale semble persuadée d’avoir là réinventé le fil à couper le beurre. Elle a ainsi fait grand cas d’une récente opération similaire à l’embarquement dans les autocars. Jeudi dernier, 690 passagers de la gare routière Greyhound d’Orlando (Floride) sont ainsi passés au crible de 50 agents issus de la TSA, de la police d’Orlando, du Bureau du Shérif d’Orange County et des Douanes, ainsi que de chiens dressés pour la détection des explosifs et des drogues. Rien que ça.

Dans le cadre du programme VIPR (Visible Intermodal Prevention and Response), lancé en décembre 2006, la TSA a ainsi orchestré ce qui se voulait une opération dans le but de «keep off guard terrorists and others who mean harm.»

Aucune menace spécifique ne pesait sur la gare routière. Il s’agissait juste d’une opération de contrôle aléatoire pré-embarquement dans les autocars. Après tout pourquoi pas ? Malheureusement, si l’opération visait à déstabiliser les terroristes et autres bad guys ciblant les autocars, tout cela s’avère n’être qu’un considérable gâchis de temps de la fonction publique et d’argent du contribuable américain. Et une façon particulièrement efficace d’agacer le voyageur lambda qui n’a rien à se reprocher.

Car de bad guys – menace à la sûreté des transports, ce jour-là, la task force de la gare routière n’en arrêta pas. Et pour cause…

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Où l’on reparle de la détection comportementale et du profilage racial

L’édition électronique du Times vient de publier un article absolument remarquable signé par Philip Baum, un spécialiste de la sécurité de l’aviation : en une page et demie, le rédacteur en chef de la revue Aviation Security International y explique parfaitement pourquoi le profilage des usagers des aéroports et de l’aviation civile est une nécessité.

Du côté de la Transportation Security Administration (TSA), on croyait l’affaire entendue : parmi nombre de systèmes de sûreté qu’elle a mis en place dans les aéroports américains, il y en avait au moins un qui répondait admirablement aux besoins tactiques et stratégiques de sûreté de l’aviation civile : le programme S.P.O.T. (Screening Passengers by Observation Techniques). Il s’agit là de la première application au milieu aéroportuaire de la détection comportementale (Behavior Detection ou Behavior Pattern Recognition – BPR) en Amérique du Nord.

Durant des années, on a pu apprécier la démarche de la TSA qui, contre vents de particuliers et marées de journalistes, expliquait continuellement – et à raison – que le BPR n’était pas du tout du profilage racial. Malheureusement, cette dernière phrase est écrite au passé. En effet, depuis quelques mois, plusieurs cas apparemment isolés nous démontrent que l’administration américaine est, selon toute vraisemblance, retombée dans les ornières dont elle avait peiné à s’extirper au cours des dernières années.

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Le terroriste ultime

Pour être qualifié de terroriste, il n’est PAS nécessaire qu’un attentat soit motivé par une quelconque idéologie.

La loi canadienne doit, sur ce point, être modifiée.

Heath Ledger n’a pas démérité de son Oscar posthume. Dans Le chevalier noir (2008), il campe un Joker proprement fascinant. Il est vrai que les deux scénaristes ont su conférer au personnage une profondeur qui fait date. Après le fou rigolard des BD classiques, le prince du crime timbré du film de Tim Burton, puis le génie du mal des comics de Frank Miller, le Joker du film de Christopher Nolan incarne désormais le terroriste ultime, celui qui agit sans obéir à la moindre idéologie.

D’aucuns relèveront ici une contrevérité. En effet, dans l’inconscient collectif, un terroriste agit nécessairement dans le but d’imposer un nouveau pouvoir temporel ou spirituel.

Mais est-ce vraiment nécessaire ?

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Jean-Pierre Brard, ou l’art de marcher sur la tête

SectesSur le papier, le député-maire (apparenté communiste) de Montreuil est un spécialiste de la question sectaire. Vice-président de la commission d’enquête sur les sectes à l’Assemblée nationale (1995), il fut également le principal rédacteur du rapport parlementaire Les sectes et l’argent (1999). Secrétaire de la commission parlementaire consacré aux enfants dans les sectes (2006), il est actuellement vice-président du groupe d’études sur les sectes à l’Assemblée nationale.

Mais en pratique, cet élogieux CV fond comme neige au soleil, au gré des récurrentes tribunes médiatiques dont dispose M. Brard. L’homme est en effet coutumier des inepties juridiques et factuelles en la matière.

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