« Dérives sectaires gazeuses » et thérapies alternatives : ce que les chiffres de la Miviludes ne disent pas

Où l’on constate que les « sectes » soi-disant surannées sont toujours nettement plus dangereuses pour la société que les praticiens de médecines alternatives.

Dans son rapport d’activité pour l’année 2021 (dernier en date), la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) écrivait (p. 20 et 21, souligné par moi) :

[C]es dernières années, (…) la MIVILUDES constate (…) un émiettement des dérives sectaires dans des domaines bien plus larges que la spiritualité tels que la santé. 
Des manipulateurs isolés et parfaitement autonomes ont pu aisément exploiter ce contexte  pour propager leur doctrine sur les réseaux sociaux. En procédant ainsi, ces « gourous 2.0 » ont pu s’offrir, non seulement une véritable vitrine publicitaire pour leur activité, mais aussi un espace pour réunir et contrôler une communauté virtuelle dont la souffrance est – quant à elle – bien réelle.
L’offre sectaire s’est largement accrue, chacun pouvant proposer son propre corpus de contre-vérités et sa panoplie de promesses miracles face aux maux des citoyens. La MIVILUDES observe un phénomène sectaire « à l’état gazeux » : le groupe est bien là, mais il est mobile, changeant et impalpable. Ses membres y adhèrent ou se désolidarisent facilement en créant d’autres groupes, selon la lecture qu’ils font du contenu doctrinal. Certains pourront alors sans mal l’essaimer à l’identique ou avec des variantes.
(…)
Les réseaux sociaux ont continué à jouer un rôle central dans l’atomisation du phénomène sectaire en constituant un vecteur de propagation pour un ensemble diffus de microgroupes, de nébuleuses informes de personnes, plus ou moins liées autour de méthodes et de doctrines qui ne se rencontrent qu’épisodiquement voire parfois ne se connaissent pas. (…)
Une importante particularité de l’offre sectaire contemporaine tient au fait que, au-delà des groupes et individus, ce sont parfois des pratiques qui unifient ces communautés. La dérive sectaire est alors invisible et peut frapper en tous lieux puisque ces communautés ne sont pas fondées sur l’autorité d’un meneur spécifique mais uniquement sur un ensemble de méthodes. Cela se confirme particulièrement dans le domaine de la santé en ce qui concerne les pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique

Pour résumer, la Miviludes estime aujourd’hui que le paysage français des « dérives sectaires » a radicalement changé, par rapport au début du siècle. Le règne des “sectes traditionnelles” (Église de scientologie, Témoins de Jéhovah, Église de l’Unification (dite “secte Moon”), Église raélienne…) aurait cédé la place à la prévalence des mouvances informes, dans lesquelles de simples individus (toujours plus nombreux) fédèrent autour de leurs pratiques un petit nombre d’adeptes.

Selon la Mission, c’est dans ce bouillonnement qu’aurait jailli la figure du thérapeute alternatif aux pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique (PNCÀVT), ou « dérapeute », avatar de la dérive sectaire « gazeuse ».

En 22 ans d’existence, la Miviludes a donc progressivement mais sensiblement modifié ses priorités, pour aujourd’hui focaliser son action sur une menace informelle (les PNCÀVT), au détriment du suivi des organisations sectaires structurées. Cette priorisation s’est particulièrement accentuée ces dernières années.

On a pu le voir récemment avec l’implication médiatique de la Miviludes dans le contexte de la rédaction et du vote de ce qui allait devenir la Loi du 12 mai 2024 sur la lutte contre les dérives sectaires. La Mission avait en effet clairement pris fait et cause pour le clan des rédacteurs qui souhaitaient élargir au maximum l’arsenal répressif à destination des praticiens de médecine alternative (cf. notamment les articles 11, 12 et 13 de ladite Loi). Ainsi, pour le Chef de la Miviludes, Donatien Le Vaillant, le principal apport de ce texte réside dans la nouvelle incrimination de provocation à l’abandon de soins en situation de PNCÀVT.

Mais cette orientation de la Miviludes sur les médecines alternatives transparait depuis des années à travers les données statistiques qu’elle publie dans ses rapports d’activité « annuels ». L’idée force qui en ressort est la suivante :

  • le nombre de signalements adressés à la Mission concernant les “sectes traditionnelles” est faible ;
  • le nombre de signalements concernant des entreprises unipersonnelles de médecines alternatives a explosé ;
  • en conséquence, il convient de prioriser le suivi des « dérives sectaires » non structurées dans le domaine de la santé, car elles présentent un plus grand danger pour la société.

En particulier dans son Rapport d’activité 2021, la Miviludes met clairement en évidence l’importance – selon elle – de concentrer ses efforts sur les pratiques de soins non conventionnelles. Ce thème figure en effet en bonne place dans le tableau de la page 38 (reproduit ci-dessous), avec un nombre de saisines bien supérieur à ceux des autres thèmes répertoriés. Tandis qu’on y relègue aux derniers rangs les trois grandes organisations sectaires que sont les Témoins de Jéhovah, l’Anthroposophie et… l’Église de scientologie !

Une priorisation par le chiffre qui pose question

Cette approche quantitative présente trois problèmes majeurs.

a) La qualité des chiffres publiés par la Miviludes

Il faut tout d’abord signaler que les statistiques fournies par la Miviludes dans ses rapports sont partielles. Nombre d’observateurs des dérives sectaires demandent depuis des années que la Mission publie bien davantage de données.

Par exemple, dans le tableau ci-dessus, la Mission montre qu’au cours de l’année 2021, elle a traité 16 fois plus de saisines à propos de PNCÀVT que concernant l’Église de scientologie. Mais toutes les saisines ne se valent pas. De quelles natures étaient-elles ? Combien de signalements au Parquet ont-ils été effectués suite à ces saisines ? Pour quelles infractions ?

Les chiffres rendus publics sont par ailleurs partiaux : ils orientent le lecteur dans la direction voulue, sur l’air connu de « Les chiffres ne mentent pas ». Au risque d’accumuler les biais. Ainsi, une étude en deux parties (12) réalisée par des universitaires suisses se révèle particulièrement critique à l’endroit des statistiques publiées par la Miviludes. Selon ses auteurs :

  • « Les chiffres de la MIVILUDES concernant les signalements dans le domaine de la santé manquent cependant de précision, en particulier ceux relatifs aux pratiques de soins non conventionnelles.»
  • « Les rapports de la MIVILUDES présentent des analyses basées sur des données imprécises et ne bénéficient pas d’une expertise scientifique. Ils font l’objet d’une communication active très relayée médiatiquement, lui conférant ainsi un rôle d’influence politique.»
  • « [L]a méthode de travail de la MIVILUDES reste opaque » (p. 182).
  • « [Les données publiées] manquent de précision, sont largement relayées dans les médias par une communication qui semble manquer de recul critique » (p. 188).

b) Un signalement = une victime

Lorsque la Miviludes reçoit un signalement, il correspond généralement à la situation d’une victime. Or, le niveau de dangerosité sociale que présente un individu ou un groupe ne se mesure pas au nombre de victimes qu’il cause (concept de droit civil), mais est fonction du nombre d’infractions qu’il commet (concept de droit pénal).

c) L’escamotage du « chiffre noir »

Ériger en indicateur primordial le nombre d’actes délictuels déclarés conduit à nier l’ampleur des actes non déclarés – ce que criminalistes et criminologues appellent le “chiffre noir”.

Or, pour les entreprises unipersonnelles de médecine alternative, il est très difficile d’évaluer ce chiffre noir. Compte tenu de la faible empreinte interlope, de l’absence de dogme structuré de ces praticiens et du manque d’informations sur leur patientèle, il est quasiment impossible d’établir en amont tous les types d’activités illégales auxquelles ils se livrent probablement, et dans quelles proportions. Leur dangerosité ne peut donc être évaluée qu’à postériori, à partir des signalements reçus par les autorités.

Or, en matière de « dérives sectaires », les statistiques sur les faits dénoncés aux autorités donnent une fausse représentation de leur degré de nuisance – comme nous allons le voir.

Pour ces raisons, nous proposons ici une autre approche, qualitative celle-là, pour estimer la dangerosité sociale du phénomène sectaire. À l’aide d’un indicateur chiffré spécifique, le facteur de dangerosité sociale (1), nous allons calculer la dangerosité que représentent les PNCÀVT en France, selon l’approche quantitative prônée par la Miviludes (2), puis la dangerosité sociale que représente l’Église de scientologie en France, selon une approche qualitative basée sur l’étude objective de ses activités (3) ; avant de conclure par la comparaison de ces deux résultats.

1 – Le facteur de dangerosité sociale

Comme je l’ai précédemment rappelé, la lutte contre les « dérives sectaires » doit porter non pas sur l’aide aux victimes mais sur l’action des pouvoirs publics contre les délinquants auteurs et complices de ces actes. L’arsenal juridique relève donc ici bien davantage du droit pénal – et dans un moindre mesure du droit fiscal, du droit du travail et du droit des libertés publiques.

Dans le cas du droit pénal, l’action publique (autrement dit la poursuite par le Ministère public) vise à punir le délinquant non pas pour le préjudice subi par la victime, mais en raison de sa violation de normes sociales impératives. Le droit pénal a pour objectif de protéger la société dans son ensemble, et non les victimes dans leur individualité – ce qui relève en revanche du droit civil. Lutter efficacement contre les sectes, c’est donc prioriser la répression des personnes ou entités qui violent le plus ces valeurs sociales – et non simplement celles qui font le plus de victimes.

Pour illustrer cette idée, prenons un exemple totalement fictif volontairement simplifié. Imaginons que, dans un secteur géographique donné, les statistiques criminelles fassent état chaque semaine d’environ :

- 50 vols de téléphones portables,
- 3 viols.
Comment établir objectivement celui de ces deux enjeux qui doit être priorisé par l’action publique ?

On peut utiliser un indicateur articulé sur deux données :

  • d’une part, le nombre d’infractions considérées,
  • d’autre part, la gravité de ces infractions.
    Pour la chiffrer de façon objective, on prendra comme valeur de référence le quantum de la peine privative de liberté, c’est à dire le nombre maximum d’années d’emprisonnement – ou de réclusion – prévu par la loi en répression de ces infractions.

Ces deux chiffres sont ensuite multipliés entre eux pour chaque infraction, puis les produits sont comparés.

Ainsi, dans l’exemple énoncé plus haut, on obtient :

InfractionsVols de téléphones dénoncésViols
dénoncés
Nombre503
Quantum de la peine3 ans15 ans
Résultat50 × 3 = 1503 × 15 = 45

Considérant que 150 est largement supérieur à 45 , les autorités pourraient considérer comme légitimes de faire primer la lutte contre les vols de téléphones portables.

MAIS ce serait ignorer le « chiffre noir », autrement dit le nombre d’infractions non déclarées aux autorités. En effet, différentes études estiment que, pour la France :

  • les vols simples (sans violence) de téléphones portables sont dénoncés aux autorités dans une proportion d’environ 54% (plaintes + déclarations de main courante) :
Source : Les vols de téléphones portables : caractéristiques des faits et profil des victimes, p. 3
  • Mais les victimes de viols et autres violences sexuelles physiques dénoncent les faits aux autorités dans seulement 6% des cas (plaintes + déclarations de main courante) :

On connaît d’ailleurs les raisons pour lesquelles ces victimes ne déclarent que rarement l’infraction commise à leur encontre :

Source : Vécu et ressenti en matière de sécurité – Victimation, délinquance et sentiment d’insécurité, p. 33.

Autrement dit, les vols de téléphones portables sont dénoncés 9 fois plus souvent que les viols. Au vu de ces informations supplémentaires, notre tableau précédent doit donc être modifié ainsi :

InfractionsVols de téléphones
(nombre réel)
Viols
(nombre réel)
Nombre50 ÷ 54% ≈ 933 ÷ 6% = 50
Quantum de la peine3 ans15 ans
Résultat93 × 3 = 27950 × 15 = 750

Apparaît alors nettement la différence de dangerosité sociale des simples vols de téléphones portables (nombreux signalements, gravité objective faible) par rapport aux viols (infractions objectivement très graves mais rarement déclarées aux autorités).

Dans le domaine des « dérives sectaires » aussi, il existe une énorme différence de dangerosité sociale entre les PNCÀVT et les organisations sectaires.

Ainsi, les infractions commises en contexte de PNCÀVT sont dénoncées bien plus souvent que celles perpétrées dans le cadre d’une organisation sectaire nuisible. En effet, dans une telle structure sectaire, les victimes d’infractions ne déclarent pas les faits délictueux car elles ne disposent plus de la liberté et/ou de leur libre-arbitre pour le faire.

Et lorsque, des années plus tard, les victimes s’extraient enfin de l’emprise de l’organisation sectaire, dans l’écrasante majorité des cas, là non plus elles ne dénoncent pas les infractions perpétrées à leur encontre. Il existe plusieurs raisons (souvent cumulatives) à ce mutisme :

  • les victimes pensent qu’il est trop tard pour porter plainte, que ça ne servirait plus à rien ;
  • elles veulent tourner la page et ne plus avoir à se replonger dans cette période traumatisante de leur vie ;
  • elles ont honte d’avoir été trompées aussi facilement et aussi longtemps par la « secte » ;
  • elles ont peur d’être harcelées par le groupe ; d’autant qu’elles sont particulièrement vulnérables (à leur sortie de la « secte », elles se retrouvent souvent sans emploi, ni soutien familial, ni réseau social…) ;
  • elles ne veulent pas nuire à leurs proches (famille ou amis) qui sont encore dans la « secte » et qui pourraient y être sanctionnés en raison de leur promiscuité avec des apostats délateurs.

Dès lors, on comprend que l’on ne puisse pas comparer les chiffres des faits délictueux déclarés aux autorités en contexte de PNCÀVT avec ceux en contexte d’organisation sectaire.

Donc, non, les PNCÀVT ne sont pas plus dangereuses pour la société que l’Église de scientologie, sous prétexte qu’en 2021, la Miviludes a traité 520 saisines à propos des unes et seulement 33 à propos de l’autre.

Approximer le chiffre noir

Pour les vols de téléphones portables et les viols, nous disposons d’études sociologiques qui nous permettent de pallier notre ignorance quant à l’ampleur des infractions non déclarées aux autorités. Mais il n’existe pas d’études similaires concernant les infractions commises dans les organisations sectaires. Il faut donc trouver une autre façon de quantifier les faits infractionnels commis dans ces groupes.

Nous proposons ici de reprendre l’indicateur utilisé plus haut (à savoir : nombre d’infractions  ×  gravité des sanctions encourues), mais en l’élargissant à l’éventail de toutes les infractions possiblement commises.

Cet indicateur, dénommé ici facteur de dangerosité sociale (FDS) peut donc s’écrire :

FDS =  ( NbInfr.1  ×  QInfr.1 ) +  ( NbInfr2  ×  QInfr2) + … +  ( NbInfr N  ×  QInfr N )

où :

 NbInfr X  est le nombre d’infractions potentielles d’un type spécifique X, approximé à partir d’informations sur les activités interlopes de l’organisation, et

QInfr X est le quantum de la peine de privation de liberté (peine maximale) prévu par la législation pénale française pour cette infraction spécifique X.

Ainsi, dans les prochains développements, nous allons comparer, pour la France, sur une période de 10 ans (2012-2021) :

  • le facteur de dangerosité sociale des praticiens de PNCÀVT (2), en nous basant sur les données chiffrées fournies par les rapports de la Miviludes quant aux saisines reçues et aux signalements effectués par la Mission en matière de PNCÀVT,
  • le facteur de dangerosité sociale des organisations de l’Église de scientologie (3), en nous fondant sur :
    • une étude du dogme de l’organisation sectaire et
    • des faits établis à son encontre par des investigations et des décisions judiciaires.

2. Le facteur de dangerosité sociale des praticiens PNCÀVT en France, sur 10 ans

Précision terminologique

Dans les rapports de la Miviludes, l’utilisation erratique des termes « signalement » et »saisine » prête à confusion. Aussi, à des fins de clarification, dans la suite de cet article, nous utiliserons les termes suivants :

  • saisines (en italique) désignera les demandes d’avis et autres sollicitations adressées à la Miviludes, émanant de la presse, des associations, des entreprises et des autorités et établissements publics ;
  • signalements (en italique) désignera uniquement les saisines à destination de la Miviludes qui portent à sa connaissance un comportement problématique, susceptible de constituer une violation des lois et règlements ;
  • transmissions (en italique) désignera les envois d’informations effectuées par la Miviludes à destination des services aux fins d’action. Ces transmissions regrouperont ce que la Mission désigne comme :
    • « signalements au Procureur de la République » (en vue du déclenchement de poursuites pénales),
    • « transmissions à un service de l’État » (pour surveillance de comportements problématiques), et
    • « saisines pour intervention » adressées à un service de l’État.

2.1. Le nombre de transmissions effectuées par la Miviludes

Les praticiens de PNCÀVT sont nombreux et n’appartiennent pas à une même organisation. Éventuellement relèvent-ils d’une même mouvance, dont le dogme précis est mal – voire pas – connu. Le nombre de ces thérapeutes est par ailleurs très important, ce qui rend impossible un suivi spécifique à priori de chacun d’entre eux pour déterminer toutes les façons dont ils sont susceptibles de violer la loi.

De ce fait, à l’heure actuelle, la seule façon de déterminer la dangerosité sociale des praticiens de PNCÀVT revient à considérer à postériori les faits délictuels signalés aux autorités compétentes.

Pour ce faire, nous allons nous concentrer sur le nombre de transmissions effectuées par la Miviludes aux services opérationnels de l’État, à partir des signalements reçus par ladite Mission.

En effet, ces transmissions correspondent à des cas que la Miviludes considère comme possiblement constitutifs d’infractions (principalement pénales). Ce nombre de transmissions concernant les PNCÀVT adressées sur 10 ans constituera la première donnée du facteur de dangerosité sociale des praticiens de PNCÀVT.

Ainsi, en l’espace de 10 ans (2012-2021), on peut estimer que la Miviludes a effectué environ 470 transmissions concernant des PNCÀVT.

Précisions méthodologiques

Ce chiffre de 470 est une approximation. Il est le fruit de calculs que j’ai réalisés à partir des données rendues publiques dans les rapports de la Miviludes pour les années 2012 à 2021. Le but est ici de donner un ordre de grandeur.

En ce qui concerne les 5 dernières années de la période de référence (2017-2021), le chiffre annuel des transmissions a été extrapolé en prenant pour postulat que la part de saisines pour PNCÀVT dans toutes les saisines est la même que la part des transmissions pour PNCÀVT dans toutes les transmissions.

Exemple : en 2017, parmi toutes les saisines traitées par la Miviludes, 16,6% concernaient des PNCÀVT. On considère alors qu’en cette même année, parmi toutes les transmissions effectuées aux services extérieurs, 16,6 % concernaient des PNCÀVT.

On trouvera ci-dessous une galerie de schémas expliquant les résultats.

Pour les 5 années précédentes (2012-2016), compte tenu de l’absence de statistiques précises publiées par la Miviludes, les chiffres ont été calculés par régression linéaire.

J’ai par ailleurs obtenu des chiffres assez similaires selon une méthodologie plus complexe et nettement moins digeste. Je ne la publierai pas ici afin de ne pas alourdir ma démonstration.

2.2. Les infractions à considérer

La Miviludes ne publie pas de statistiques quant aux types d’infractions considérées par les services extérieurs de l’État destinataires de ses transmissions. Nous sommes donc contraints là aussi d’approximer en nous basant sur des informations qualitatives éparses.

En contexte de lutte contre les « dérives sectaires », l’infraction qui revient le plus souvent dans les médias est l’abus de faiblesse de l’article 223-15-3 du Code pénal. Pourtant, je ne la retiendrai pas ici. Et ce, pour diverses raisons.

Tout d’abord, il s’agit d’une infraction difficile à constituer de par le nombre d’éléments constitutifs à établir et la nécessité d’une évaluation psychologique. Cette difficulté explique en grande partie le faible nombre de condamnations de ce chef en France depuis la création de cette incrimination en 2001. (Cf. sur ce point mon commentaire de la Loi du 10 mai 2024, dans la section consacrée à l’article 3).

Ensuite, pour que l’emprise du thérapeute soit reconnue, elle doit être forte. Or, par postulat, les personnes qui signalent une PNCÀVT dont elles ont été victimes sont capables de le faire précisément parce que l’emprise psychologique du thérapeute n’est pas assez forte.

Enfin, le quantum de la peine est nettement plus faible que pour des infractions voisines, telles que l’escroquerie :

  • abus de faiblesse simple : quantum de 3 ans d’emprisonnement,
  • escroquerie simple : quantum de 5 ans d’emprisonnement.

En conséquence, je considérerai ici l’escroquerie comme infraction potentiellement retenue pour justifier une transmission de PNCÀVT adressée par la Miviludes à d’autres services de l’État.

Je retiendrai également l’exercice illégal de la médecine, particulièrement adapté aux PNCÀVT.

J’écarte toutefois l’exercice illégal de la pharmacie. Si cette infraction peut s’avérer pertinente en contexte de PNCÀVT, elle est en fait susceptible d’être retenue beaucoup moins souvent que l’exercice illégal de la médecine, notamment en raison de la notion légale de médicament. (cf. art. L4211-1, L5111-1 et 5121-1 du Code de la santé publique) et de ses interprétations jurisprudentielles.

J’écarte également l’infraction du récent article 223-1-2 du Code pénal sur la provocation à l’abandon de soins, pour les trois raisons suivantes :

  • notre période de référence va de 2012 à 2021. L’article 223-1-2 n’existait pas encore ;
  • les peines encourues pour cette infraction sont très faibles (1 an d’emprisonnement maximum pour l’infraction simple) ;
  • compte tenu de la rédaction alambiquée du texte, les poursuites seront rares et les condamnations encore plus (cf. sur ce point mon commentaire de la Loi du 10 mai 2024, dans la section consacrée à l’article 12).

2.3. Le facteur de dangerosité sociale des Praticiens PNCÀVT en France, sur 10 ans

On considérera ici que, pour chaque transmission (concernant un particulier victime d’un praticien de PNCÀVT), on peut relever à son encontre :

  • un exercice illégal de la médecine simple (art. L. 4161-1 du Code de la santé publique)
    • sans circonstance aggravante (art. 4161-5 du même Code) car l’utilisation d’un service électronique de communication accessible au public est une situation rare ; les conseils généraux de nature médicale qui ne visent pas à l’établissement d’un diagnostic ou d’un traitement pour une personne spécifique ne relèvent pas de cette infraction ;
  • une escroquerie simple (art. 313-1 du Code pénal),
    • sans circonstance aggravante (art. 313-2 du même Code) :
      • on écartera le cas des personnes objectivement vulnérables (circonstances très minoritaires en la matière) ;
      • on éludera également le cas des personnes sous sujétion physique ou psychique puisque, par postulat, l’emprise du thérapeute n’est pas suffisamment forte pour empêcher la victime de signaler l’infraction ;
      • la bande organisée ne peut pas être retenue puisque, par postulat, le thérapeute agit seul. Et s’il a éventuellement un ou plusieurs complices, l’absence de structuration (la «mouvance gazeuse») empêche de relever cette condition légale. Par ailleurs, il n’existe pas de circonstance aggravante d’escroquerie en réunion.

Toutes les données pertinentes peuvent être synthétisées dans le tableau suivant :

Infractions
potentielles
Quantum
de la peine
Facteur de dangerosité sociale
Activités de PNCÀVT
objets
d’1 transmission
par la Miviludes
1 exercice illégal de la médecine2 ans1 × 2 = 2
1 escroquerie5 ans1 × 5 = 5
Sous-total pour les actes visant
1 patient, justifiant
1 transmission
7
Total pour les 470 transmissions pour PNCÀVT en France sur 10 ans470 × 7 =
3290

Le facteur de dangerosité des praticiens en PNCÀVT, établi en fonction des faits signalés et justifiant une transmission aux services de l’État, sur une durée de 10 ans est de 3290.

3. Le facteur de dangerosité sociale de l’Église de scientologie en France, sur 10 ans

On ne cherche pas ici à comptabiliser les transmissions effectuées par la Miviludes à l’encontre de l’Église de scientologie. Au lieu de cela, on considérera :

  • les différentes infractions pénales susceptibles d’être commises au sein des organisations de scientologie (ou”orgs”) à l’encontre des scientologues. On ne prendra en compte que les infractions susceptibles de toucher l’ensemble des scientologues français ; nous éluderons donc les infractions qui pourraient viser seulement certains scientologues ;
  • le nombre de ces infractions potentiellement perpétrées à l’encontre d’un adepte-type ;
  • le nombre d’adeptes-types susceptibles d’être victimes de l’ensemble de ces infractions.

Note : dans les développements qui suivent, je ne prétends pas que toutes les infractions évoquées sont systématiquement perpétrées à l’encontre de tous les adeptes scientologues. Mon approche consiste à souligner que l’étude du dogme de l’Église de scientologie et de certaines décisions de la justice française à son encontre légitime de prendre en considération cette éventualité – laquelle ne pourra être formellement attestée que par d’autres décisions de justice.

3.1 – Estimation du nombre de scientologues en France

Selon les chiffres régulièrement avancés par la presse, la Miviludes et les associations de lutte contre les dérives sectaires font état d’une estimation de 2000 scientologues en France, au grand maximum ; dont un noyau dur de 1000 adeptes, présents dans l’organisation depuis au moins dix ans.

Ces chiffres sont en fait issus des évaluations de la Direction centrale des renseignements généraux (DCRG) au milieu des années 2000. En vingt ans, ce chiffre n’a guère changé. Même si le profil des membres a évolué depuis.

En effet, de par la mauvaise réputation traînée par l’Église de scientologie en France au cours des dernières décennies, de moins en moins de personnes sont recrutées par les organisations de façade. Le gros des troupes est donc constitué notamment par :

  • des scientologues de 1e mais aussi de 2e et 3e générations,
  • des personnes recrutées via les organisations scientologiques dites de Social Coordination (SoCo), telles que Narconon (thérapie pour toxicomanes) ou les organismes de formation affiliées à l’Église.
  • le personnel d’entreprises dirigées par des scientologues, souvent affiliées à l’organisation World Institute of Scientology Enterprises (WISE).

3.2 – Distinction entre les adeptes

Pour les besoins de notre estimation chiffrée, nous allons faire une distinction entre trois types de personnes ayant suivi des services au sein des orgs de scientologie :

  • Les scientologues proprement dits, qui ont adhéré à l’Église, parmi lesquels on distinguera :
    • les Clairs,
    • les Préclairs,
  • les personnes que l’Église de scientologie a tenté en vain de recruter via un test de personnalité :
    • elles ont le statut de Raw meat.

3.2.1. Les Clairs

L’État de Clair est un jalon important en scientologie. Il marque en effet le moment où le scientologue est considéré comme ayant totalement purifié son mental – avec des techniques de dianétique –, et peut donc désormais se consacrer à la purification de son thétan (c’est à dire son esprit, son âme) – avec des techniques de scientologie.

On considérera qu’il faut environ 10 ans en moyenne pour atteindre l’état de Clair.

On estimera également ci-après que chaque adepte du « noyau dur » de 1000 scientologues français est au moins au niveau Clair.

3.2.2. Les Préclairs

Les 1000 autres adeptes français sont considérés comme Préclairs : ils n’ont pas atteint le niveau Clair parce que, au cours de la période de référence de 10 ans :

  • certains avaient quitté la scientologie sans « attester Clair»,
  • d’autres étaient entrés en scientologie mais n’avaient pas encore « attesté Clair »,
  • d’autres enfin étaient toujours en scientologie, mais n’avaient pas l’argent pour passer (ou repasser) les niveaux nécessaires et « attester Clair ».

3.2.3. Les personnes ayant passé un test de personnalité sans adhérer à la scientologie

Il s’agit de l’ensemble des individus qui :

  • ont été convaincus de se rendre dans les locaux d’une organisation de scientologie et y ont passé le fameux test de personnalité en 200 questions, baptisé Oxford Capacity Analysis,
  • mais n’ont pas donné suite aux sollicitations de l’Église de commencer leur initiation en scientologie. Ils n’ont donc pas dépassé le statut de Raw meat (ou Raw meat preclear) (cf. L.Ron Hubbard, Technical Dictionary of Dianetics and Scientology, p.214-215).

3.3 – Le Pont vers la Liberté totale

3.3.1. La structure du Pont

La progression des adeptes en scientologie peut être visualisée sur un document de référence : le Pont vers la Liberté totale, reproduit ci-dessous (les surlignements sont de notre fait). Il est très important de comprendre sa structure.

Sous le tableau lui-même, on trouve plusieurs services d’introduction gratuits ou peu onéreux. Ils ne sont pas obligatoires pour débuter sa progression sur le Pont. En revanche, c’est à ce même niveau que l’on trouve le fameux test de personnalité Oxford Capacity Analysis (OCA). Officiellement, ce test n’est pas une étape obligatoire pour débuter son apprentissage en scientologie. Toutefois, dans les faits, quasiment tous les scientologues ont effectué ce test préalablement à leur engagement dans leur future religion. Pour cette raison, notre estimation du facteur de dangerosité sociale prendra en compte la délivrance du test de personnalité.

La colonne de droite, intitulée Audition, fait état de l’avancement spirituel du scientologue, pour lui-même. Sur l’image du Pont que nous reproduisons ci-dessus, nous avons surligné 3 grands ensembles de niveaux de progression vers la Liberté totale ; du bas vers le haut (par ordre chronologique) :

  1. purification du corps physique (en jaune),
  2. purification du mental (en vert),
  3. purification de l’esprit ou “thétan” (en bleu).

La colonne de gauche, intitulée Entraînement, illustre la progression du scientologue dans ses aptitudes d’auditeur (autrement dit, de thérapeute de dianétique/scientologie). Le scientologue est censé – et fortement incité – à évoluer en parallèle sur les deux colonnes du Pont.

Dans les marges à droite et à gauche du Pont, on trouve une série de cours complémentaires. Ils ne sont pas obligatoires mais la plupart des scientologues sont conduits à en suivre plusieurs. Toutefois, comme ils ne sont pas officiellement requis pour progresser sur le Pont, la vente et la délivrance de ces cours complémentaires ne seront pas visées par mon estimation.

3.3.2. Les infractions potentielles tout au long du Pont

3.3.2.1. La délivrance du test de personnalité

Tout d’abord, à la base du Pont, la délivrance du test de personnalité OCA relève de l’escroquerie (art. 313-1 du Code pénal).

Il a par ailleurs été établi que la circonstance aggravante de bande organisée (art. 313-2, al. 2) pouvait être retenue (Palisson, 2002, p. 337 s. ; Tribunal correctionnel de Paris, 27 octobre 2009, confirmé par Cour d’appel de Paris en 2012 puis par la Cour de cassation en 2013).

Retenez ce point essentiel : même si elle ne permet pas de recruter la personne testée, la délivrance du test de personnalité constituerait néanmoins une tentative punissable de l’escroquerie.

3.3.2.2. La délivrance de la Procédure de purification

Le premier niveau du Pont proprement dit est la Procédure de purification, qui consiste à purifier le corps physique.

Or, cette activité est considérée comme relevant à la fois :

3.3.2.3. La vente des niveaux et séances d’audition de dianétique

Après la purification du corps physique, survient la purification du mental, par des séances de psychothérapie dite audition de dianétique.

Or, chaque achat de séances d’audition relève potentiellement de l’escroquerie en bande organisée. (Palisson, 2002, p. 213 s. ; Tribunal correctionnel de Lyon, 22 novembre 1996, confirmé en appel).

Il faut gravir 14 niveaux d’Audition (de TR et Objectifs jusqu’au Rundown du Soleil) pour atteindre l’attestation définitive du niveau de Clair. Pour les besoins de cet exercice, on considérera que les achats de séances d’audition nécessaires pourraient relever d’une succession de 28 escroqueries.

Précisions méthodologiques

Si l’on se réfère aux différents témoignages publiés dans un rapport parlementaire australien de 1965, il faudrait en moyenne entre 400 et 500 heures d’audition pour atteindre l’état de Clair. Ces heures sont généralement vendues sous forme de forfaits de 12h30, qu’on appelle des intensives. Il conviendrait donc d’acheter entre 32 et 40 intensives pour atteindre l’état de Clair.

Toutefois, pour établir le nombre d’heures d’audition nécessaires, j’ai choisi de considérer d’autres informations tirées de price lists officielles émanant de l’Église de scientologie. Ainsi, l’un des documents les plus intéressants est une price list de 1994 émanant de Flag, la « Mecque » de la scientologie en Floride. En effet, ce document énonce le nombre d’intensives minimalement requises pour compléter les niveaux d’audition jusqu’à Clair (certains niveaux ne sont pas mentionnés). En me basant sur ce document, j’ai estimé que chacun des 14 niveaux d’Audition nécessitait au moins 2 intensives ; soit un total de 28 intensives.

Or, le document prévoit la possibilité pour le Préclair d’acheter l’intégralité des intensives requises pour un niveau soit en une fois, soit par intensive. Or, on sait par divers témoignages que les adeptes ont souvent acheté les intensives d’un même niveau en plusieurs fois (soit parce qu’ils ont acheté chaque intensive séparément l’une après l’autre, soit parce qu’ils ont payé d’un coup toutes les instensives prévues initialement pour le niveau mais qu’il leur a été demandé d’acheter une intensive supplémentaire pour finaliser leur niveau). On considérera donc qu’en tout, pour atteindre l’état attesté de Clair, un adepte aura acheté séparément 28 intensives.

3.3.2.4. La vente des niveaux d’Entraînement

Chaque niveau du Pont sur la colonne Entraînement comprend :

  • une partie théorique, durant laquelle le scientologue doit apprendre et maîtriser le contenu des documents correspondant au niveau considéré pour progresser dans ses aptitudes d’auditeur ;
  • une partie pratique, durant laquelle le scientologue teste ses connaissances.

La vente de chaque niveau d’Entraînement relèverait potentiellement de l’escroquerie en bande organisée.

L’adepte est censé progresser approximativement aussi vite sur les deux colonnes du Pont. Or, l’équivalence du niveau de Clair dans la colonne Entraînement est Auditeur Classe V car c’est le niveau maximum qui peut être délivré par toutes les églises Classe V (ou les Celebrity Centres). Or, il n’y a pas d’églises de niveaux supérieur en France. Aussi je ne comptabiliserai ici que les 15 niveaux d’Entraînement correspondants.

3.3.2.5. La vente de l’élecromètre

Tout apprenti auditeur est tenu d’acheter un électromètre, appareil fabriqué par l’Église de scientologie, présenté comme obligatoire pour mener des auditions. Il s’agit donc pour le scientologue d’acquérir un complément essentiel à sa progression sur le Pont.

Chaque adepte qui atteste Clair et poursuit son parcours sur le Pont doit, immédiatement après, passer le niveau Cours de Solo. Il lui est alors impératif d’acquérir un électromètre pour ce cours.

Pour ce qui est des Préclairs, certains ont également acquis un tel appareil, afin de pratiquer la co-audition. Je considèrerai qu’un peu moins de la moitié des Préclairs ont acheté un électromètre.

De nombreux ex-scientologues ont témoigné de l’obligation d’acheter deux électromètres (au cas où le premier tomberait en panne au cours d’une séance d’audition). Toutefois, je n’ai pas trouvé de textes internes imposant cette pratique. On ne comptabilisera donc qu’une seule vente d’électromètre par adepte concerné. 

La vente de cet appareil relèverait de la fraude en droit de la consommation (art. L441-1 du Code de la consommation). Ces électromètres sont généralement vendus dans des églises de classe V ou le Celebrity Centre. Leur vente constituerait alors une fraude aggravée, en bande organisée (art. L454-3) (cf. Palisson, 2002, p. 344 s.)

Note – Depuis la rédaction de ma thèse de doctorat, le Code de la consommation a subi une refonte importante. Les textes sur la fraude ont été modifiés et renumérotés. Toutefois, mon analyse de l’époque demeure entièrement valable sous l’empire des textes actuellement en vigueur.

3.4. Calcul des facteurs de dangerosité

Les informations précédemment énoncées peuvent être synthétisées dans les tableaux qui suivent.

3.4.1. Le facteur de dangerosité sociale relativement aux adeptes Clairs

ActivitésInfractions potentiellesQuantum de la peine d’emprisonnementDangerosité sociale
Test de personnalité1 escroquerie aggravée10 ans10
Procédure de purification1 ex. ill. médecine
1 ex. ill. pharmacie
2 ans
2 ans
2
2
14 niveaux sur l’Audition14 escroqueries
aggravées
10 ans140
14 Intensives complémentaires14 escroqueries aggravées10 ans140
15 niveaux sur l’Entraînement15 escroqueries
aggravées
10 ans150
Achat d’un électromètre1 fraude aggravée7 ans7
Total pour 1 Clair451
Total pour 1000 Clairs451 000

3.4.2. Le facteur de dangerosité sociale relativement aux adeptes Préclairs

On estimera ici en moyenne que les Préclairs ont atteint des niveaux d’Entraînement et d’Audition deux fois moins élevés que les Clairs (il ne s’agit que d’une approximation, afin d’établir un ordre de grandeur).

ActivitésInfractions potentiellesQuantum de la peine d’emprisonnementDangerosité sociale
Test de personnalité1 escroquerie aggravée10 ans10
Procédure de purification1 ex. ill. médecine
1 ex. ill. pharmacie
2 ans
2 ans
2
2
7 niveaux sur l’Audition7 escroqueries
aggravées
10 ans70
7 intensives complémentaires7 escroqueries aggravées10 ans70
7 niveaux sur l’Entraînement7 escroqueries
aggravées
10 ans70
Achat d’un électromètre1 fraude aggravée7 ans3 *
Total pour 1 Préclair227
Total pour 1000 Préclairs227 000

* Comme indiqué au 3.3.2.5, on considèrera qu’un peu moins de la moitié des Préclairs ont acquis un électromètre.

3.4.3. Le facteur de dangerosité sociale relativement aux Raw meat vainement démarchés par le biais du test de personnalité

Le facteur de dangerosité sera ici fonction du nombre de tests de personnalité délivrés chaque année dans les différentes orgs de scientologie en France.

3.4.3.1. Nombre d’orgs en France

Il s’agit d’abord de dénombrer les structures scientologiques susceptibles de délivrer le test de personnalité. Au cours de la période de référence (2012-2021), on dénombrait 12 orgs en France :

  • 5 missions : Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux, Nice
  • 7 grandes orgs (6 églises de classe V + 1 Celebrity Centre) ; Paris (12e), Angers, Avignon, Lyon, Nice, Clermont-Ferrand et Paris (17e).

3.4.3.2. Nombre de personnes passant un test dans une org chaque jour

En raison de l’absence de statistiques précises sur ce point, les chiffres donnés ici sont des minima.

Les Missions de dianétique

Ce chiffre est très difficile à évaluer car certaines missions de scientologie n’ont pas nécessairement pignon sur rue. On y est orienté généralement via :

  • des formulaires de tests de personnalité distribués dans la rue ou chez certains commerçants,
  • des activités de groupes de coordination sociale (SoCo) tels que Le Chemin du BonheurNarcononCommission des citoyens pour les droits de l’Homme (CCDH)…
  • la recommandation faite à un employé par son employeur, lui-même scientologue…

Certaines missions attirent davantage le chaland que d’autres (en fonction des qualités de démarcheur des responsables desdites missions, en fonction de leur localisation géographique,…). Aussi, il nous semble raisonnable d’estimer que, dans chaque mission de scientologie, on fait passer en moyenne au moins 1 test de personnalité par jour.

Les églises de classe V et le Celebrity Centre

Toutes ces orgs ont en revanche une façade publique. Il est donc plus aisé d’évaluer le nombre de curieux qui entrent dans leurs locaux et y effectuent un test de personnalité.

De par mon expérience (qui date toutefois d’une vingtaine d’années), j’ai pu constater que certaines églises recevaient un grand nombre de gens à cette fin. Dans les deux orgs de Paris (aujourd’hui transférées à Saint-Denis), on pouvait dénombrer entre 20 et 30 Raw meat par jour. Les scores étaient plus modestes dans les orgs de province.

Considérant la perte d’influence de la Scientologie en France au cours des dernières années, il nous semble raisonnable d’estimer que, dans chaque église de scientologie, on fait passer en moyenne au moins 5 tests de personnalité par jour.

3.4.3.3. Les infractions considérées

Comme expliqué précédemment (3.3.2.1), la délivrance d’un test OCA relèverait d’une tentative d’escroquerie en bande organisée, punissable d’une peine maximale de 10 ans d’emprisonnement.

3.4.3.4. Dangerosité sociale quant à la délivrance du test de personnalité

PériodePrécisionsNombre de tests délivrés
par jour5 missions (1 test/jour)5
6 Églises + 1 CC (5 tests/jour)35
Total journalier40
par anOrgs ouvertes 350 jours/an40 × 350 = 14 000
en 10 ans× 10 ans140000
Tests ayant permis de recruter un Clair/Préclair *– 2 000
Total des tests138000
Quantum de la peine (escroquerie aggravée)× 10 ans d’emprisonnement
Facteur de dangerosité sociale 1 380 000

* Ces tests ont déjà été pris en compte dans les tableaux des paragraphes 3.4.1 et 3.4.2. Ils sont donc retranchés du total des tests délivrés.

3.4.4 Le facteur de dangerosité total sur 10 ans

Le facteur de dangerosité sociale des orgs de scientologie en France sur 10 ans est donc la somme des 3 facteurs précédemment calculés (Clairs + PréclairsRaw Meat ) :

Conclusion

On peut désormais comparer les facteurs de dangerosité sociale en France sur 10 ans :

  • des orgs de scientologie : 2 058 000,
  • des praticiens de PNCÀVT signalés par la Miviludes aux services de l’État : 3 290.

Le facteur de dangerosité sociale de l’Église de scientologie est donc 626 fois plus élevé que celui des PNCÀVT (2 058 000 ÷ 3290 ≈ 626).

Si la Miviludes souhaitait pouvoir justifier de prioriser la lutte contre les PNCÀVT sur celle contre l’Église de scientologie, alors la Mission devrait adresser aux services extérieurs de l’État 626 fois plus de transmissions PNCÀVT qu’elle n’en adresse actuellement.

La moyenne entre 2012 et 2021 était de 47 transmissions par an. Il aurait fallu que, durant cette période, elle effectuât en moyenne 47 × 626 = 29 442 transmissions par an concernant des PNCÀVT !

Bien évidemment, ces chiffres ne prétendent pas quantifier précisément la différence entre les deux approches présentées ici. Il s’agit de donner un ordre de grandeur du fossé qui les sépare. Quoi qu’il en soit, on voit clairement que la stratégie de la bâtonnite prônée par la Miviludes est totalement inadaptée à la dangerosité sociale des différentes « dérives sectaires ».

Cette inadéquation est d’autant plus criante que :

  1. je n’ai ici abordé que les agissements de l’Église de Scientologie à l’encontre des scientologues lambda. J’ai en effet exclu de l’exercice :
    • les actions en lien avec le pouvoir disciplinaire des orgs (l’Éthique),
    • les actes à l’encontre de certains membres du groupe de l’élite scientologue (la Sea Organization) ;
  2. je n’ai envisagé que la seule Église de scientologie. Si l’on ajoutait les pratiques de diverses organisations sectaires, l’écart se creuserait encore davantage entre :
    • l’approche obsolète de la Miviludes, qui consiste à prioriser la lutte contre les dérives sectaires informes,
    • et celle proposée ici, qui voudrait que l’action publique se focalise sur les organisations sectaires nuisibles.

Les « sectes » nocives – que d’aucuns avaient voulu ranger au rayon des antiquités – s’avèrent donc encore et toujours considérablement plus dangereuses pour la société que les « dérapeutes ».

Dans les institutions françaises de lutte contre les « dérives sectaires », il serait grand temps de revoir les priorités.

À propos de Arnaud Palisson

Arnaud Palisson, Ph.D. fut pendant plus de 10 ans officier de police et analyste du renseignement au Ministère de l'intérieur, à Paris (France). Installé à Montréal (Canada) depuis 2005, il y a travaillé dans le renseignement policier puis en sureté de l'aviation civile. Il se spécialise aujourd'hui dans la sécurité de l'information et la protection des renseignements personnels.

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