Dérives sectaires – De grâce, n’intégrez pas l’emprise mentale dans la loi pénale !

La lutte contre les dérives sectaires ne doit pas se concentrer sur la notion d’emprise mentale de la victime. Il convient au contraire de focaliser sur les actes matériels et la volonté infractionnelle du délinquant.

Mme Sonia Backès est depuis quelques mois la Secrétaire d’État chargée de la citoyenneté. À ce titre, elle chapeaute la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes). Elle en est rapidement devenue le visage médiatique (et très médiatisé) – éclipsant du même coup Christian Gravel et Hanène Romdhane, respectivement président et cheffe de ladite mission.

Dans une entrevue au journal Marianne parue le 3 novembre dernier, évoquant les objectifs de la Miviludes sous sa gouverne, Sonia Backès proclamait que, pour lutter efficacement contre les «dérives sectaires», il faudra intégrer la notion d’emprise mentale dans l’arsenal législatif.

Bien sûr ! s’exclamera-t-on de prime abord. On ne peut pas être contre la vertu.

Et pourtant, c’est une très mauvaise idée. En voici l’explication, en 3 étapes.

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Lutte contre les sectes – Pour un changement de modèle stratégique – 5/5

Sommaire général


5. Pourquoi prioriser la lutte contre les organisations sectaires nuisibles

Lorsque nous avons développé le spectre des dérives sectaires, nous avons constaté que deux d’entre elles – les citoyens souverains et les groupes jihadistes – font l’objet d’un suivi par des services spécifiques de l’État. Ces deux catégories seront donc retirées de l’équation dans les prochains développements.

Les autres catégories sont susceptibles d’être suivies par les acteurs traditionnels de la lutte contre les « dérives sectaires » :‌ Miviludes, Caimades, autres services de police judiciaire, brigades de gendarmerie, Service central du renseignement territorial

Dans cette dernière partie, nous allons voir pourquoi, selon moi, ces acteurs traditionnels devraient – du moins dans un premier temps – focaliser leur action quasi-exclusivement sur les « organisations sectaires nuisibles.»

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Lutte contre les sectes – Pour un changement de modèle stratégique – 3/5

Sommaire général


3. Le spectre des « dérives sectaires »

Derrière la notion de « dérive sectaire » se cache en réalité une multitude de groupes, de courants de pensée, de causes à défendre et d’objectifs stratégiques à atteindre.

On proposera tout d’abord une typologie de ces « dérives » (3.1.).

En nous concentrant sur quatre d’entre elles, on constatera que pour certaines, à but politique, la réponse sociale la plus adaptée consiste à recourir à des services spécialisés – et non à des institutions traditionnellement engagées dans la lutte contre les « dérives sectaires » (3.2.).

La comparaison des catégories organisations sectaires et médecines alternatives mettra en évidence les différences dans les types d’exactions commises et dans la réponse adaptée des autorités à leur encontre. Ce qui introduira l’idée d’une nécessaire priorisation de l’action des pouvoirs publics sur un type de « dérive sectaire » (3.3).

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Lutte contre les sectes – Pour un changement de modèle stratégique – 2/5


Sommaire de cette série


2. La notion de « dérive sectaire »

Les pouvoirs publics français s’inquiètent du phénomène sectaire depuis un demi-siècle. Mais ils ont longtemps été réticents à définir la « secte.»

Au tournant des années 2000, le terme « secte » est supplanté par celui de « dérive sectaire.» Cette opportune pirouette lexicale permet aux diverses administrations concernées de repousser aux calendes l’énoncé d’une définition de leur champ d’études et d’action.

C’est finalement neuf ans après sa création que la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) propose une définition de son pré carré.

Mais au lieu de circonscrire son domaine de compétence, cette définition va au contraire l’étendre très largement ; et conduire ainsi les pouvoirs publics à toujours plus diluer leurs ressources et affaiblir leurs efforts dans leur lutte contre les « dérives sectaires.»

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Lutte contre les sectes – Pour un changement de modèle stratégique – 1/5



1. Un constat. Une suggestion.

C‘est un époque de pandémie, de fausses informations, de complotisme, de rejet massif du consensus scientifique et de «gourous 2.0.»

Et un terme est continuellement sur les lèvres de tous les observateurs du phénomène : la « dérive sectaire.»

Popularisée par la Mission interministérielle éponyme, cette notion est-elle bien utile dans la lutte contre ces formes d’obscurantisme ? Le modèle des « dérives sectaires » développé par ceux qui les combattent ne serait-il pas plutôt contre-productif ?

Car en englobant sous un même vocable un champ d’exactions diverses et variées, les pouvoirs publics sont induits à traiter simultanément l’intégralité du domaine des « dérives sectaires » ; ce faisant, ne diluent-ils pas leurs ressources (en temps, en argent, en personnel) – et donc leur efficacité ?

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Les critères de la secte utilisés par la MIVILUDES : une erreur d’interprétation des travaux de la DCRG

Pour définir ce qu’est une secte, la MIVILUDES recourt à une approche empirique : les fameux critères de dangerosité, issus des travaux de feue la Direction centrale des renseignements généraux (DCRG).

Problème : cette approche repose sur une grossière erreur d’interprétation, commise par une commission parlementaire en 1995 et que personne dans la haute administration n’a jamais cherché à corriger. Autrement dit, depuis plus de quinze ans, la MIVILUDES définit la secte et la dérive sectaire de façon totalement erronée…

Dès 1996, les services du Premier Ministre français considèrent la surveillance des sectes comme une cause nationale. C’est en effet à cette date que l’Hôtel Matignon crée l’Observatoire interministériel sur les sectes. Lequel sera remplacé en 1998 par la Mission interministérielle de lutte contre les sectes (MILS), puis par la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES) fin 2002.

Quinze ans plus tard, force est de constater que cette dernière n’a jamais été capable de tenir son rang. La lecture du dernier rapport annuel de la MIVILUDES m’a une nouvelle fois plongé dans des abimes de consternation. Les raisons de se lamenter ne manquent pas. Il serait présomptueux de prétendre toutes les expliquer ici. Toutefois, il est assez facile de donner au lecteur une idée de l’ampleur du problème.

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Lutte contre les sectes en France – Chronique d’un naufrage annoncé

SectesH ier, le quotidien Libération a consacré cinq pages – dont la une – à la vacillante lutte contre les sectes en France :

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Organismes administratifs moribonds, enquêtes judiciaires qui s’étirent en vain, désintérêt des hautes instances de l’État,… Le constat est amer. Mais il était prévisible.

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Un vice de procédure via ce blogue ? L’Église de scientologie parisienne aura vraiment tout essayé…

Condamnée lourdement par la Cour d’appel de Paris en février dernier, l’Église de scientologie parisienne fait feu de tout bois pour obtenir l’annulation de l’ensemble de la procédure devant la Cour de cassation. Dernière tentative en ce sens : l’église se réfère expressément à un article de ce blogue et l’élève au rang de preuve formelle d’un vice de procédure. Mais l’argumentaire fait long feu, tant il est éloigné de la réalité.

Ainsi, mercredi 2 mai, devant les locaux de l’antenne parisienne de l’École nationale de la magistrature (ÉNM), s’est tenue une manifestation organisée par l’Église de scientologie locale. Il s’agissait pour l’organisation de dénoncer un récurrent séminaire de formation organisé en collaboration avec la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) à destination des magistrats. Voilà près de quinze ans que l’ÉNM accueille une telle initiative. Et l’Église de scientologie a coutume de la dénoncer.

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10 ans après, ma thèse sur la Scientologie est confirmée par la Cour d’appel de Paris

ou

La revanche d’un paria du renseignement
sur la haute administration française

Jeudi dernier, le 2 février 2012, la Cour d’appel de Paris a confirmé un jugement de première instance et a condamné deux organisations parisiennes de scientologie en tant que personnes morales pour escroquerie aggravée en bande organisée, de par l’utilisation d’un test de personnalité en vue de persuader frauduleusement les victimes d’acheter des produits et services de scientologie. La Cour a prononcé des amendes d’un montant total de 600.000 € – près d’1M$ canadiens. Il s’agit de la sanction la plus sévère jamais prononcée pour escroquerie contre une organisation en France.

Revenons en arrière de très exactement dix ans (et quelques heures). Le 1er février 2002, à l’Université de Cergy-Pontoise, je soutiens ma thèse de doctorat en droit criminel, consacrée à l’Église de scientologie. En recourant uniquement à des sources ouvertes, j’y développe notamment les idées selon lesquelles il convient :

  • de poursuivre les organisations de scientologie de France, notamment sur le fondement de l’escroquerie aggravée en bande organisée
  • et de rechercher systématiquement la responsabilité pénale de la personne morale impliquée

notamment en raison de l’utilisation du test de personnalité aux fins de persuader frauduleusement les victimes d’acheter des produits et services de scientologie.

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Délit d’abus de faiblesse : la Mission antisectes française part à la dérive

Ce n’est pas de l’acharnement mais bien plutôt l’actualité qui m’amène à consacrer un second article critique à l’encontre de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), quelques jours à peine après celui-ci.

En septembre dernier, le Ministère de la Justice français, assisté de la Miviludes, a publié une nouvelle circulaire sur les sectes (une de plus !) à destination des magistrats. Ce n’est pas un hasard du calendrier : nous entrons présentement dans le procès en appel de deux organisations de scientologie condamnées en première instance à Paris, en 2009.

Ce procès est exemplaire : il a abouti au prononcé d’amendes pénales très élevées mais surtout à des condamnations d’entités de la Scientologie en tant que de personnes morales pour escroquerie aggravée en bande organisée. Une première.

Croyiez-vous que la Miviludes allait capitaliser sur ce succès en passe d’être confirmé en appel ? Pensiez-vous que la Chancellerie allait œuvrer pour rappeler aux magistrats tout l’intérêt de recourir, en matière sectaire, à des incriminations claires, bien établies en jurisprudence, telles que l’escroquerie ?

Que nenni. Les deux institutions ont préféré mettre en avant, pour la énième fois, l’abus de faiblesse de l’article 223-15-2 du Code pénal. Il s’agit pourtant d’un chef d’accusation qui n’a jamais rien donné devant les tribunaux en termes de lutte contre les sectes. Continuer la lecture de « Délit d’abus de faiblesse : la Mission antisectes française part à la dérive »