Selon l’auteur d’une thèse de doctorat en sociologie, les organisations religieuses controversées que l’on appelle communément « sectes » ne seraient pas néfastes ; au contraire, elles amélioreraient la vie de leurs adeptes. Devant la méthodologie de ladite thèse, le concept de science molle prend tout son sens.
Note – Cet article a été mis à jour le 17 aout, suite aux échanges que j’ai eus avec le doctorant, dans les commentaires, reproduits au bas de cette page.
J’ai coutume sur ce blogue – lorsque je le juge nécessaire – de critiquer les institutions chargées de lutter contre les sectes. Mais j’éprouve un intérêt similaire à démonter le discours d’universitaires qui se complaisent dans la défense systématique de ces mêmes organisations religieuses controversées. Me revoici donc de retour en Terra cognita.
Se convertir à soi en contexte « sectaire » : subjectivation et agentivité des membres de l’Église de Scientologie et du Mouvement Raëlien en France au prisme des rapports sociaux
Tel est le titre d’une thèse de doctorat que rédige un étudiant en sociologie, Guillaume Roucoux, à l’origine sous la direction de Régis Dericquebourg, à l’École pratique des hautes études (EPHE) à Paris.
Le doctorant entend prouver que l’Église de scientologie et le Mouvement raëlien ne sont pas néfastes, mais permettent au contraire d’« améliorer la vie de [leurs] adhérents.»
Pour ce faire, Guillaume Roucoux a étudié ces deux mouvements de l’intérieur, en vivant ouvertement au sein de leur communauté d’adeptes durant plusieurs semaines.
Il était récemment l’invité de Radio-Thésards (sur France Culture Plus), émission au cours de laquelle il est revenu en détail sur les tenants et les aboutissants de son travail universitaire.
Merci au journaliste Jonny Jacobsen de m’avoir adressé ce lien.
M. Roucoux y expliquait que sa démarche reposait notamment sur une volonté de tordre le cou aux idées reçues propagées par ceux qu’il appelle les « anti-sectaires » et pour mettre en lumière leur manque d’éthique [1’35”] et leurs biais méthodologiques [7’48” ; 13’27”].
Mais, ce faisant, Guillaume Roucoux a tant et si bien pris le contrepied de ses adversaires que, à l’autre bout du spectre, il a introduit d’autres biais méthodologiques au moins aussi importants que ceux qu’il entend dénoncer.
Je ne peux certes pas préjuger du contenu de la thèse mais je puis émettre une opinion sur la méthodologie qui lui sert de fondement. Ce qui me permet de remettre sérieusement en question l’objectivité de cet universitaire.
1 – Confiance aveugle
Le premier – et certainement le plus important – biais méthodologique de M. Roucoux repose dans la totale confiance qu’il voue à priori aux groupes religieux qu’il se propose d’étudier – alors même qu’il prend préalablement acte de la controverse qui entoure ces groupes.
Dès le début de son travail, il a estimé qu’il n’avait aucune raison de se méfier d’eux. Dans l’entrevue reproduite ci-dessus [1’18” ; 15’40”], il se gausse même de ses collègues qui craignaient que les adeptes mentent en répondant à ses questions. Comme si l’idée était en soi totalement grotesque…
Refuser d’envisager que les adeptes puissent mentir est aussi aberrant que de refuser l’idée qu’ils puissent dire la vérité. En écartant de prime abord l’une de ces hypothèses, le doctorant perd déjà sa neutralité.
On ne s’étonnera donc pas de voir Guillaume Roucoux intégrer les communautés d’adeptes avec la candeur d’un Forrest Gump.
Au bout de quelques semaines de vie commune avec des scientologues et des raëliens, et après avoir suivi quelques cours et séminaires à leur côté, M. Roucoux n’a assisté à aucune des exactions que l’on reproche à ces deux organisations. Dès lors, pour lui, la preuve est faite : l’Église de scientologie et le Mouvement raëlien sont des groupes religieux parfaitement inoffensifs, qui améliorent la vie de leurs ouailles.
Que penser de cette approche ? Je m’en voudrais d’émettre un jugement de valeur. Aussi, je me bornerai ici à la réflexion suivante.
Guillaume Roucoux nous explique en fin d’entrevue [16’35”] qu’il souhaite poursuivre ses recherches sur des groupements stigmatisés. Imaginons qu’il souhaite pousser le bouchon très loin en ce sens, en étudiant la mafia italienne. Tout ce qu’on raconte sur Cosa Nostra n’est peut-être qu’un tissu de mensonges… Pour le prouver, il décide d’aller vivre quelques semaines au sein d’un clan mafieux de Little Italy, à New York. M. Roucoux a bien sûr préalablement obtenu l’assentiment des mafiosi pour les observer dans leur environnement naturel et pour publier ensuite un article universitaire relatant son expérience.
À l’issue de son immersion, le sociologue déclarera en substance : «Les mafieux italiens, des délinquants ?! Allons bon… Certainement pas ! J’étais avec eux tout le temps : nous avons passé nos journées en cuisine à manger des pâtes et des boulettes de viande…»
Les deux mêmes mafieux, une fois que Guillaume Roucoux sera sorti faire sa promenade digestive :
2 – Confusion entre secte et adeptes de secte
Le second biais méthodologique de M. Roucoux repose sur sa confusion entre :
- le mouvement religieux, objet de son postulat et de sa conclusion,
- les adeptes dudit mouvement, objet de ses observations.
Pour lui, l’observation des adeptes permet de tirer des conclusions sur le mouvement dont ils sont membres. C’est rien moins que faux.
M. Roucoux semble vouloir nous livrer un scoop : il a rencontré des scientologues heureux. Désolé, mais je ne suis pas en état de choc.
Car oui, les adeptes peuvent trouver dans leur engagement spirituel un réconfort et un sens à leur vie. Comme je ne cesse de le dire depuis des années, la scientologie est une religion et ses pratiquants doivent pouvoir vivre en accord avec les principes de leur foi (tant que l’expression de ladite foi ne transgresse pas la loi).
J’ai d’ailleurs ouvertement critiqué (ici et ici) la Ville de Londres qui refusait aux scientologues le droit de s’y marier religieusement. Le mariage est un élément essentiel de la vie d’un couple. Pourquoi ne pourrait-il pas le vivre religieusement ? Mais cela ne veut pas dire que l’organisation qui célèbre leur union est nécessairement exempte de tout reproche.
Rappelons – car c’est apparemment nécessaire – que, au Moyen-Âge, c’était la même Église catholique qui, d’une part, célébrait les mariages et, d’autre part, dirigeait l’Inquisition.
3 – Immersion… en surface
À en croire son entrevue, Guillaume Roucoux s’est livré à une étude en immersion. En fait, question profondeur, ce n’était pas dans le bassin de plongeon, mais bien plutôt dans le pédiluve.
3.1 – chez les scientologues
En scientologie, il existe un processus d’épanouissement spirituel, le Pont vers la liberté totale. Et tout scientologue est tenu de le suivre à la lettre.
Qu’en est-il du parcours de Guillaume Roucoux en scientologie ?
À l’en croire [5’32” ; 5’50”], il a suivi UNE séance d’audition. C’est tout de même un peu court, quand on sait que tout scientologue qui se respecte va en suivre des centaines.
Selon le commentaire de Guillaume Roucoux en date du 7 aout (cf. ci-dessous), l’émission de radio a été enregistrée huit mois avant sa diffusion. Le doctorant précise que, durant ce laps de temps, il a eu l’occasion de suivre une centaine d’heures d’audition supplémentaires. Toutefois, il s’agit d’audition de dianétique sans électromètre, Autrement dit, ces séances ne visent pas à traiter le mental de la personne. En effet, selon le dogme scientologique, seul un électromètre permet d’attester, en audition, la disparition des blocages mentaux.
Ce type d’audition ne permet donc pas de progresser sur le Pont vers la Liberté totale. Il figure d’ailleurs tout en bas dudit Pont, sous l’intitulé La Route de l’Audition d’Introduction de Scientologie.
Mais ce n’est pas tout : avant de pouvoir commencer les séances d’audition (pour purifier leur mental), tous les scientologues doivent avoir terminé avec succès le Processus de purification (pour détoxifier leur corps physique).
Guillaume Roucoux a-t-il suivi le Processus de purification ? Non.
A-t-il subi des Security Checks ? Non.
A-t-il subi le Processus d’introspection ? Non.
Enfin, M. Roucoux explique à trois reprises [0’30” ; 1’50”; 14’40”] qu’il était en contact fréquent avec des collègues universitaires et des amis hostiles à la scientologie. A-t-il été contraint de pratiquer à leur endroit la déconnexion ? Non.
Comment Guillaume Roucoux peut-il prétendre rendre compte de l’intérieur des bienfaits de la foi des scientologues, s’il n’a pas été exposé à ces importantes composantes ?
3.2 – chez les raëliens
Dans son entrevue, le doctorant explique [4’25”] que l’une des limites à son implication dans le Mouvement raëlien a été le refus d’implications amoureuses et sexuelles avec les adeptes. Après tout, il n’y a pas que le sexe dans la vie…
Sauf que, dans la vie des raëliens, le sexe tient une place essentielle. Les preuves abondent, mais je me contenterai ici d’un seul exemple récent : au Québec, il y a deux semaines, s’est tenu un grand rassemblement de raëliens dont a rendu compte Hugo Meunier, journaliste à La Presse. Il nous rappelle que tout participant à ce genre de séminaire doit porter au poignet une ficelle d’une couleur spécifique, affichant ainsi à la vue de ses coreligionnaires ses propres attentes sexuelles pour la durée du stage :
Blanc : Vous ne cherchez pas de sollicitation sexuelle.
Vert : Vous souhaitez une relation exclusive.
Rose : Vous avez une préférence pour une rencontre sexuelle du même sexe.
Jaune : Vous souhaitez seulement découvrir la sensualité sans sexualité.
Rouge : Vous êtes ouvert à toute sollicitation, rencontres et expériences sexuelles.
La grande liberté sexuelle qui a cours entre adultes raëliens consentants n’a rien de répréhensible. Et à vouloir nous en persuader, Guillaume Roucoux défonce des portes ouvertes.
La vraie question est plutôt la suivante : comment le doctorant peut-il prétendre avoir pénétré la communauté des adeptes raëliens – et ainsi compris comment leur foi améliorait leur vie – s’il a :
- refusé toute interaction sexuelle avec des raëliens,
- échoué à pratiquer le jeûne [10’40”],
- essayé très superficiellement la méditation [10’50”] ?
Et lorsqu’on lui demande ce que son immersion chez les raëliens lui a apporté, il donne comme exemple… l’utilisation des savons sans parabène [10’20”].
Pour une immersion spirituelle en profondeur dans le Mouvement raëlien, on est prié de repasser.
4 – Confusion entre les activités et le contexte dans lequel prennent corps ces activités
Guillaume Roucoux veut nous persuader que l’audition en scientologie est une authentique expérience émotionnelle. [5’50”]
Désolé, mais je ne suis toujours pas en état de choc.
Comme je l’ai précédemment écrit, ce n’est pas l’audition de scientologie en elle-même qui pose problème. Prétendre localiser des blocages mentaux avec un galvanomètre, ce n’est pas plus stupide que l’interprétation des rêves en psychanalyse freudienne. (J’écrivais d’ailleurs récemment que l’audition n’est PAS une «psychanalyse facile.»)
En revanche, ce qui coince – et constitue une escroquerie en droit français – c’est la façon frauduleuse dont on présente l’audition afin de vendre des séances à l’adepte. Rappelons que l’article 313-1 du Code pénal français ne punit pas le fait qu’une personne ait été trompée par un escroc, mais le fait qu’un escroc ait trompé une personne. Nuance.
Bref, du point de vue de l’adepte – et de Guillaume Roucoux -, l’audition peut être une expérience émotionnelle, spirituelle, transcendantale,… Je n’en disconviens pas.
Mais du point de vue de celui qui la lui a vendu – et du juge pénal -, c’est une escroquerie. Parlez-en aux scientologues lyonnais condamnés pour escroquerie en 1996-97, pour avoir vendu des séances d’audition.
5 – Le financement de la thèse
Suite aux échanges que j’ai eus avec Guillaume Roucoux dans les commentaires de cet article (cf. son commentaire du 8 aout), il appert que le financement de cette thèse de doctorat pose question.
En effet, le doctorant y déclare (je souligne) :
(…) le financement de ma thèse (…) est quasi-exclusivement un auto-financement. J’ai tout de même obtenu une bourse régionale pour mes déplacements à l’étranger, qui m’a permis d’être défrayé pour un des trois stages raëliens, mais qui règle principalement mes frais de colloques et universités d’été.
Je laisserai le lecteur apprécier le fait que la participation de M. Roucoux à l’un des séminaires raéliens ait été financée par de l’argent public.
Qu’il me soit toutefois permis de m’attarder sur le financement de son étude de la scientologie. À ce propos, le doctorant déclare tout d’abord (je souligne) :
Et je remercie la scientologue qui m’a invité à la rencontre de l’IAS [International Association of Scientologists ; NdA] à Saint Hill en 2012 (pour des frais très importants que j’ai découverts quelques années après).
Guillaume Roucoux a donc laissé « une scientologue » (on ne connait pas son rang ni sa fonction dans l’organisation) payer l’intégralité de ses frais de participation, sans sourciller le moins du monde, sans s’interroger sur les motifs de cette gracieuseté. Sans même se demander si l’argent ne viendrait pas plutôt des caisses de l’Église de scientologie, via la mystérieuse bienfaitrice. Deux ou trois ans plus tard, lorsqu’il découvrira que les frais en question étaient « très importants », le doctorant se gardera bien de se questionner quant à cette générosité… Mais il y a pire.
En effet, lors de ces même échanges avec Guillaume Roucoux, j’ai appris qu’en l’espace de huit mois, le doctorant avait suivi une centaine d’heures d’audition de dianétique.
Les heures d’audition sont traditionnellement vendues aux scientologues par packs de 12 h 1/2, baptisés Intensives. Or, si l’on en croit la grille des tarifs officiels de l’Église de scientologie au Royaume-Uni, 100 heures d’audition – soit 8 Intensives – coûtaient, en 2012, la modique somme de… 20.011 £, soit environ 28.000 €, ou 31.000 $ US.
Attention, la question arrive…
Qui a payé ces 28.000 € ? Guillaume Roucoux, avec sa bourse régionale ou ses deniers personnels ? Une mystérieuse scientologue ? L’Église de scientologie ? On n’en saura pas plus pour le moment. Et c’est bien dommage, car cela aurait pu nous éclairer davantage quant au crédit qu’il faut apporter à cette thèse de doctorat.
6 – Un universitaire menacé ?
Les vingt petites minutes de l’entrevue sont pour moi une source inépuisable de réjouissances. Mais je ne voudrais pas lasser mes lecteurs. Aussi j’en finirai ici, en évoquant les menaces dont Guillaume Roucoux prétend [0’30” ; 15’00”] avoir été victime dans son milieu universitaire.
Mais de quelles menaces est-il question, au juste ? Guillaume Roucoux demeure étonnament vague.
Le thésard évoque certes les reproches formulés à l’encontre de son protocole méthodologique « mal ficelé.» [1’10”] Mais, nous l’avons vu, ce n’est pas une menace, c’est un fait.
Alors, que faut-il penser de ces accusations ? Eh bien, pour ma part, compte tenu du contexte :
- Des menaces sur un universitaire prosectaire ?
- À l’École pratique des hautes études de Paris ?
- Au sein du Groupe sociétés, religions, laïcités ? Au milieu de Regis Dericqbourg, Jean-Pierre Willaime, Martine Cohen et autre Sébastien Fath ?
Je ne vous cacherai pas mon scepticisme…
*
* *
On l’aura compris, dans le monde de la recherche selon Roucoux, même les aventures de Jack Bauer relèvent du documentaire.
Pour ma part, je retourne maintenant dans le monde réel et je laisse au jeune sociologue le loisir de discuter du sexe des anges… euh, des thétans (l’âme des scientologues). [Authentique ⇓]
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À propos de Arnaud Palisson
Arnaud Palisson, Ph.D. fut pendant plus de 10 ans officier de police et analyste du renseignement au Ministère de l'intérieur, à Paris (France). Installé à Montréal (Canada) depuis 2005, il y a travaillé dans le renseignement policier puis en sureté de l'aviation civile. Il se spécialise aujourd'hui dans la sécurité de l'information et la protection des renseignements personnels.
Bonjour
Ce n’est pas vôtre : « Je ne vous cacherai pas mon scepticisme… », qui est intéressant, ce sont les faits.
Auriez vous (Mr Palisson) un problème avec les faits, et que tout ce que dit un individu doit être considéré comme vrai, tant que l’on ne peut faire la démonstration (par des faits) du mensonge.
(B. A. BA d’un Officier de police, il me semble).
Bonjour Monsieur Terouinard,
Et tout d’abord merci pour votre commentaire.
Permettez-moi de répondre à votre questionnement.
Vous remarquerez que, relativement à certaines des déclarations de M. Roucoux, je n’ai pas insinué que ce doctorant mentait. J’ai simplement fait part de mon scepticisme. La nuance me semble importante et je m’en explique.
Dans son entrevue, M. Roucoux nous dit clairement, à deux reprises, qu’il a été victime de menaces dans son entourage universitaire, du fait de son sujet de thèse et de son approche méthodologique.
Entendons-nous d’abord sur ce qu’est une menace, dans un tel contexte. En voici quelques définitions :
– Manifestation de violence par laquelle on signifie à autrui l’intention que l’on a de faire du mal (Trésor de la langue française informatisé)
– Parole, geste, attitude par lesquels on manifeste à quelqu’un une intention hostile (Dictionnaire de l’Académie française, 9ème éd.)
– Parole, comportement par lesquels on indique à quelqu’un qu’on a l’intention de lui nuire, de lui faire du mal, de le contraindre à agir contre son gré (Larousse)
– Le Code pénal français (article 222-17) incrimine la menace dès lors qu’elle mentionne la commission d’un crime ou d’un délit contre les personnes et qu’elle est réitérée ou matérialisée par un écrit, une image ou tout autre objet.
On comprend dès lors que le terme menace implique qu’il soit fait mention à une personne d’un futur acte violent, imposé contre sa volonté, dans le but de lui nuire.
Maintenant, compte tenu du contexte universitaire dans lequel cette thèse a été rédigée – l’École pratique des hautes études, à Paris -, je doute sincèrement que M. Roucoux ait été exposé à des actes répondant à ces éléments de définition.
Je ne dis pas que M. Roucoux a menti. Je pense plutôt qu’il a exagéré, en utilisant un mot trop fort pour décrire une situation bien différente.
En effet, dans son entrevue, il donne pour seul exemple de ces « menaces » le fait qu’on lui ait dit que son « protocole méthodologique était mal ficelé.»
Ce n’est pas une menace. C’est une critique. Il y a une sacrée différence, ne croyez-vous pas ?
(J’y vois pour ma part un fait, comme j’entend le démontrer dans l’article, mais c’est là un autre débat.)
Pour ce qui est de la nécessité de considérer les déclarations de M. Roucoux comme vraies dès lors que l’on n’a pas prouvé qu’elles sont fausses, j’avoue ne pas comprendre. Parlez-vous de la présomption d’innocence ? Si oui, pourquoi M. Roucoux devrait-il s’en prévaloir ? Il n’est pas poursuivi en justice pour des faits délictueux !
Et je ne suis pas un officier de police judiciaire chargé de l’interroger dans le cadre de l’enquête sur ces faits. (Je ne suis d’ailleurs plus policier depuis près de dix ans, soit dit en passant…)
Je suis citoyen d’un pays démocratique (le Canada). À ce titre, je jouis et use de ma liberté d’expression.
Dès lors que je ne diffame pas M. Roucoux, vous me permettrez donc, relativement à certaines de ses déclarations, de « ne pas cacher mon scepticisme.»
Bien à vous.
Cher monsieur,
Je me réjouis de savoir que mon travail vous intéresse au point de valoir la peine d’un aussi long billet sur votre blog. Je vous remercie d’avoir pris autant de soin à découper et à interpréter l’entretien que j’ai accordé à David Christoffel pour son émission « Radio Thésards », en janvier dernier, soit il y a à peu près 8 mois maintenant, ce qui m’a laissé assez de temps pour approfondir mes recherches. Je me permets de prendre autant de temps et de soin que vous, à vous répondre ici (en copie sur mon propre blog), car votre lecture/écoute de mon travail (réduit à 20 minutes et orienté sur son aspect méthodologique uniquement), mérite quelques éclaircissements. En outre je ne voudrais pas non plus que des gens découvrent mon travail à travers votre propre filtre socio-cognitif (pour ne pas dire votre distorsion rhétorique), plutôt que d’aller puiser à la source même; comme la plupart des gens découvrent les « sectes » par le biais – je dis bien le biais, au sens péjoratif de détour – de plusieurs histoires désastreuses rapportées par les médias.
Il faut déjà savoir, et je trouve dommage que vous n’ayez pas poussé vos recherches un peu plus loin, que l’expression « selon une récente thèse » me paraît prématurée, dans la mesure où la thèse dont vous parlez n’a ni encore été déposée, ni même été « rédigée »; alors que vous supposez que c’est le cas. Vos lecteurs comprendront mieux pourquoi vous n’avez pas pu la lire. Je n’ai donc pas non plus d’« aboutissants » à annoncer pour le moment. Cependant, il est ensuite vrai que ma thèse – ma « problématique » conviendrait mieux ici – repose bien sur l’idée défendue par les membres eux/elles-mêmes que les mouvements auxquels ils/elles adhèrent améliorent leur vie. C’est l’idée que j’ai voulu tester. En effet, mon étude cherche à comprendre comment ce processus d’amélioration de la vie des membres se réalise concrètement, qu’est-ce que ces individus veulent dire par « être plus heureux » ou « libres » et quels sont les effets observables et entendables de cette amélioration, de ce « bonheur », de cette « liberté » dans leurs relations amoureuses, professionnelles et sociales spécifiquement, alors qu’ils/elles participent de mouvements réputés produire l’exact opposé. Je récuse totalement votre propos selon lequel « Le doctorant entend prouver que l’Église de scientologie et le Mouvement raëlien ne sont pas néfastes », qui est caricatural. Votre vision dualiste-« janus-iste » du monde (si ce n’est pas noir, c’est forcément blanc) vous fait mentir et tenir un discours qui n’est pas le mien. Pour être plus clair, je crois que la thèse du « bonheur dans les ‘sectes’ » fonctionne pour des catégories de personnes, mais échoue aussi pour d’autres. Les déçu-e-s ou « victimes » des « sectes » ont souvent (eu) l’occasion d’expliquer leur parcours et son terme. C’est une très bonne chose pour eux/elles. Mais au contraire, les gens que je rencontre – des « sans-voix », membres depuis plus de 10 ans, certain-e-s jusqu’à presque 40 ans, qui ne sont généralement pas porte-parole – n’ont jamais été considéré-e-s comme source d’étude jusqu’à présent. Par ailleurs, il n’est en rien question de « défendre » qui que ce soit. Mes maigres connaissances de l’Eglise de Scientologie et du Mouvement Raëlien me permettent d’affirmer aujourd’hui qu’ils sont suffisamment dotés pour se défendre eux-mêmes.
Vous annoncez que j’ai « étudié ces deux mouvements de l’intérieur, en vivant ouvertement au sein de leur communauté d’adeptes durant plusieurs semaines. ». Or de rapides recherches sur Internet et plus particulièrement sur mon blog et mon CV universitaires vous auraient informé que ma thèse a débuté en 2012, que je travaille sur le Mouvement Raëlien depuis le printemps 2011 et le printemps 2012 pour l’Eglise de Scientologie (avant mon inscription donc). Si vous aimez tant les nuances, laissez-moi vous dire que mes recherches se mesurent en années et non en semaines.
Vous entrez ensuite dans la discussion méthodologique, mais d’ores et déjà, vous apprendrez que toute recherche comporte des biais méthodologiques (et idéologiques) – même en « sciences dures » vers lesquelles semble aller votre préférence -, et la mienne ne fait pas exception. Votre propos révèle votre naïveté dans ce domaine. Le problème en soi n’est donc pas le biais, mais le fait de ne pas le voir et d’annoncer des résultats sans en avoir pris conscience. Une étape à laquelle je ne suis pas encore rendu, mais c’est une réflexion qui me suit tous les jours. Et je vous remercie de tenter d’y contribuer. Puis dans la même veine, vous évaluez mon incapacité à la « neutralité » ou à « l’objectivité ». Malheureusement pour vous, je fais partie de ces chercheurs et chercheuses qui ne croient plus en – et ne se cachent plus derrière – « l’objectivité », mais qui sont fort conscient-e-s de travailler depuis un « point de vue situé ». En fait, rarissimes sont encore celles et ceux (que je cotoie) à croire pouvoir développer un point de vue externe au champ social, comme si on pouvait regarder des gens évoluer dans un zoo sans qu’ils/elles ne nous regardent en retour et sans y participer aussi finalement. Ce qui invite à assumer pleinement les conséquences de sa posture dans le recueil des matériaux, l’analyse et l’écriture scientifiques; contrairement à ce qui se faisait auparavant. Je vous invite à découvrir par vous-même ce débat épistémologique qui a cours depuis les années 1970, sur lequel je ne m’étendrai pas ici.
Vous évoquez ensuite le fait que je me « gaussais » des remarques de plusieurs de mes collègues. Je maintiens que ces remarques étaient grotesques (le « lavage de cerveau »…). Je dirais même qu’elles sont du niveau (non scientifique) de votre très rapide analogie des « sectes » avec la mafia. Je ne pourrai pas vous dire combien de comparaisons j’ai entendues des « sectes » avec le Front National. La génération passée évoquait plus souvent le nazisme, comme vous le savez. Une analogie usée jusqu’à la corde, qu’il faut bien remplacer. Cette rhétorique est hautement problématique en soi, surtout lorsqu’elle se base sur des a priori, une absence cruelle de connaissance empirique de première main des deux mouvements concernés, comme c’est toujours le cas avec les collègues en question. Mais peut-être êtes-vous mieux placé pour comparer la mafia et les « sectes » ? Avez-vous cotoyé des membres de la mafia pendant plusieurs années? Quelle a été votre méthode de travail? Sachez seulement que pour vous faire valoir d’une expertise (ou d’une scientificité) à mes yeux et à ceux de nombre de mes pair-e-s, vous devrez expliquer et justifier vos postulats comparatifs, ce que vous ne faîtes pas ici. Sans ça, c’est de la discussion de comptoir, sans fondement.
Vous dîtes, et cela m’étonne encore, qu’« il a estimé qu’il n’avait aucune raison de se méfier d’eux », car ce n’est pas ce que j’entendais, ni ce que je continue de penser. Je reviens d’abord sur la méthodologie qui au coeur du sujet. Je défends le point de vue selon lequel la sombre notoriété de ces mouvements ne doit pas autoriser les chercheurs et chercheuses à avoir une attitude différente (pour ne pas dire irrepesctueuse) à leur égard, comparativement un groupe social mieux perçu. Et cela, tout simplement parce que la sociologie telle que je la pratique se base sur une des Règles de la méthode édictées par Emile Durkheim (1894), selon laquelle nous devons en début de toute recherche nous prémunir de nos prénotions. C’est un exercice difficile (le travail de nombreux chercheurs et autant de chercheuses en témoigne, dont celui de plusieurs collègues qui se sont penché-e-s sur les « sectes »), mais il n’est pas impossible. En tout cas, rien ni même une controverse, des procès et des exactions averrées ne doivent autoriser un-e sociologue à passer cette règle. Non loin de ça, vous parlez de « confiance aveugle », là où j’entends autorité des sources et compréhension. Mon travail repose sur des sources de première main uniquement (et je considère que les ex-membres n’en sont plus, que les documents scientologues plus ou moins obsolètes qui circulent sur Internet et le piètre travail des journalistes connu à ce jour n’ont pas cette autorité empirique). En outre, je cherche à comprendre des gens bien précis (celles et ceux qui persévèrent), leur propre logique sociale ou la logique de leur parcours et donc de leur dit « bonheur » ou de leur dite « liberté ». De même quand vous affirmez que « Refuser d’envisager que les adeptes puissent mentir est aussi aberrant que de refuser l’idée qu’ils puissent dire la vérité. » trahit encore une fois ma pensée. Cela revient à l’idée que j’évoquais plus tôt sur les prénotions, mais aussi au fait que les discours ne sont jamais ni toujours vrais, ni toujours faux. Je me référais ici à mes collègues et au fait qu’ils et elles déterminaient cette qualité de véracité/fausseté des discours à la notoriété d’une personne et/ou d’un groupe (avant même de l’avoir écouté-e), ce qui me semble aussi problématique. Je ne peux pas vous dire combien de données factuelles ou historiques erronées j’ai entendues et rectifiées, mais je peux vous apprendre, à votre grand regret, que mon travail ne consiste pas à « faire la vérité » sur quoi que ce soit. Je ne suis ni policier, ni juriste, ni avocat, ni journaliste justicier, et à ce titre mon travail n’a jamais été non plus de me concentrer sur des exactions. Il est vrai que j’ai pu observer sur plusieurs années des pratiques qui faisaient écho à celles qui avaient été reprochées à ces individus, comme si des lignes de conduite avaient été mises en place pour que cela n’arrive pas (ou plus). De fait, et pour tout ce que j’ai dit jusque là, votre propos suivant : « Dès lors, pour lui, la preuve est faite : l’Église de scientologie et le Mouvement raëlien sont des groupes religieux parfaitement inoffensifs » est une autre caricature. Mes années de recherche me permettent aujourd’hui de mettre en doute les raisons d’une panique sociale les entourant, mais il n’a jamais été question dans mon travail de statuer sur l’inoffensivité d’un groupe. Encore une fois, il s’agit de comprendre une logique sociale qui concerne certains individus. En outre, je ne me suis pas saisi de cette question des exactions car mon intérêt et ma formation ne s’y prêtent pas. D’ailleurs le terme de « preuve » (que j’évite le plus possible, de même que « délinquants » qui n’a aucune valeur scientifique et relève du jugement axiologique) souligne bien votre orientation judiciaire, qui n’a rien à voir avec mon orientation scientifique. Ce qui vous conduit à me prêter une « confusion entre mouvement et adeptes » dans laquelle je ne me reconnais pas non plus. Bien au contraire, j’ai tendance à me rappeler et à rappeler à mes interlocuteur-ice-s que les exactions sont toujours l’oeuvre d’individu(s) et non de « l’entité groupale » (pour reprendre un jargon psychologisant).
Puis, vous revenez sur mes propres expériences. Au moment de cette émission, j’avais effectivement reçu une audition, mais depuis lors, j’en ai reçu près d’une centaine d’heures (de l’audition de Dianétique plus précisément), ce qui m’a permis de mieux comprendre comment cette pratique centrale à l’Eglise de Scientologie est mise en place et « fonctionne ». De fait, votre idée selon laquelle toute personne qui veut se faire auditer doit avant tout procéder au Programme de Purification n’est pas vraie au regard des pratiques que j’ai observées et entendues. Les requérant-e-s peuvent être audité-e-s en Dianétique (sans électromètre, comme je l’ai fait) et aussi recevoir des auditions à l’électromètre pour des problèmes très précis sans être encore passé-e-s par ce Programme de Purification. Pour le moment il est vrai que je n’ai pas « suivi » de Programme de Purification, ni « subi » [sic] les autres services que vous évoquez. Mais mon travail de recherche en immersion n’implique pas que je monte tout le « Pont vers la Liberté Totale » (ou que je remplace Raël tant qu’on y est). Si j’ai supposément confondu « mouvement » et « membres » comme vous l’affirmez, vous confondez vraisemblablement « sociologue » et « scientologue », ou « raëlien » d’ailleurs. Encore une fois, mon travail ne consiste pas à tester le jeûne ou la méditation. Je ne considère pas mon propre parcours comme un étalon pour analyser celui des autres. Je suis sociologue, je teste des hypothèses. Et en tant que tel mon travail consiste à décrire et à analyser les gestes et les discours qui entourent des pratiques. J’aurais tout à fait pu me passer de m’y essayer (c’est pourquoi je n’ai que rarement fait ces exercices), mais c’est une manière de montrer aux raëlien-ne-s et aux scientologues que je n’ai pas de prénotions à leur sujet. Et à plus forte raison, j’ai appris des choses très intéressantes à titre personnel en tentant certaines expériences et en partageant leur quotidien (l’anecdote du savon, parmi d’autres), dans le cadre des limites que je me suis données et que j’ai évoquées.
A vous lire, je comprends aussi que vous ne connaissez pas bien non plus les raëliens. Certes la sexualité est importante dans leur philosophie, mais cette importance est loin d’être celle que vous fantasmez. Concernant les bracelets (un système de reconnaissance utilisé ailleurs que dans le Mouvement), là aussi vos termes sont mal choisis. Vous dites que l’individu « doit » en porter, or ce n’est pas une obligation. Et l’observation sociologique (faite à trois séminaires européens, d’une dizaine de jours) permet de se rendre compte que la plupart des participant-e-s n’en portent aucun (j’évaluerai ces individus à 40%). En réalité, ces bracelets sont principalement destinés aux nouveaux et nouvelles venu-e-s afin de faciliter les rencontres et les refus de rencontres.
Vous revenez enfin sur l’audition, et votre propos regagne mon intérêt – bien que la fraudre n’est pas du tout centrale dans mes recherches, je ne suis pas doctorant en droit et que je ne me concentre pas non plus sur la « controverse des sectes » –, car j’aimerais bien savoir quelle est cette « façon frauduleuse dont on présente l’audition », en termes descriptifs (« objectifs » si vous préférez). Déjà, de quel type d’audition parlez-vous? Existe-t-il une seule manière de la présenter? Qui dit quoi à qui et en quelles circonstances? En quels termes? Après ou avant un autre service? Lequel d’ailleurs? A quel moment dans le parcours? Combien de ces présentations avez-vous observées et comparées? Nous aurions aussi à discuter sur ce point, mais vous auriez l’avantage de mieux connaître le droit français que moi (et moi, je crois, le terrain que vous).
Enfin pour répondre à votre « scepticisme », j’ai effectivement été « menacé » (ou plutôt ma carrière l’a été), notamment au moment de mon inscription en thèse, parce que mes questionnaires devaient être distribués par Internet et que l’on m’a prétexté que ce moyen ne convenait pas parce que mes informateur-ice-s « mentiraient » (on m’a aussi invité à porter un micro caché dans ma veste… ce que j’ai bien sûr refusé; ce qui en dit encore long sur les prénotions de mes collègues). J’ai donc modifié mon protocole à la marge sur ce point pour entrer en doctorat. Mon futur statut de sociologue officiel/diplômé a été « menacé » aussi parce que je ne me référais pas à un célèbre chercheur français, que mon corpus théorique est hétérodoxe, et que ma thèse, de par son objet et son objectif, ressemble (de très loin!) à une autre thèse, célèbre pour ses positions épistémologiques extravagantes qui ne sont pas du tout les miennes. Mais rassurez-vous, ces « menaces » n’existent plus.
Au final, vous aurez compris que je ne cherche pas du tout à mettre qui que ce soit « en état de choc ». Et vous me saurez ravi de ne pas vous y avoir mis. Je ne fais pas de journalisme à sensation, encore moins la police, ma raison m’en garde. Ceci étant, j’ose espérer vous avoir un peu éclairci non seulement mon projet de recherche mais aussi le métier de sociologue tel que je l’entends, car il me semble que vous avez de bien fausses (et/ou vieilles) représentations de celui-ci. Vous comprendrez aussi que je n’aime pas que l’on m’attribue des idées que ne sont pas les miennes et de caricaturer mon propos. En espérant que vous garderez votre sens de la nuance et du détail, mais aussi et surtout que vous ferez l’effort d’approfondir vos recherches avant de vous exprimer, de prêter plus attention à ce que vous dîtes et à la manière dont vous le dîtes. Votre travail n’en sera que de meilleure qualité et mieux apprécié.
Bien cordialement,
Guillaume Roucoux.
Monsieur Roucoux,
Permettez-moi tout d’abord de vous remercier d’avoir pris la peine de m’adresser cette réponse. C’est sincère : je connais d’autres sociologues des religions (des membres du CESNUR, pour ne pas les nommer) qui n’auraient pas eu cette courtoisie. Il est vrai que la position officielle de l’organisme est énoncée ainsi par Massimo Introvigne :
(souligné par moi) – http://www.cesnur.org/2001/fr_may30_mi.htm
J’apprécie que vous soyez au-dessus de ça.
Je souhaiterais ensuite réagir sur le fait que vous mettiez votre réponse en copie sur votre blogue.
Sait-on jamais, des fois que, blessé dans mon orgueil par vos traits acérés, je me garde d’approuver votre commentaire sur ma plateforme.
Votre précaution est intéressante à deux points de vue :
– Si vous aviez, à votre tour, fouillé davantage sur mon blogue, vous vous seriez aperçu que ce n’est vraiment pas mon genre de me dérober à ce genre de dialogue.
– Vous semblez vous méfier de moi. C’est pour le moins étonnant quand on sait que, dans le cadre de vos recherches, vous vous gardez bien d’une telle méfiance à l’encontre d’une organisation religieuse condamnée en justice pour escroquerie aggravée. Mais ça doit être mon « filtre socio-cognitif » qui me joue des tours…
Parlons ensuite de ma déclaration prématurée quant à votre thèse qui est en fait en cours de rédaction. J’avoue ne pas avoir poussé bien loin mes recherches en la matière. Mea culpa. Pour ma défense, votre thèse a été enregistrée en 2012 (si, si, je l’avais vu…) ; or, la durée d’une thèse est – normalement – de 3 ans (cela dit, je suis bien placé pour savoir que cette durée peut être excédée) ; en découvrant votre entrevue à Radio-Thésards, diffusée le mois dernier, j’ai cru que cette intervention visait à souligner votre prochaine soutenance (et donc que la rédaction de la thèse était achevée). Dont acte.
Cela dit, ce n’est pas votre thèse qui m’intéresse. Je n’ai rien contre vos travaux en tant que tels. Je n’en ai lu aucun.
Je suis beaucoup plus intéressé par votre méthodologie. Car si elle est mauvaise (et je pense qu’elle l’est), le résultat de vos recherches risque fort de l’être aussi.
J’ai travaillé durant longtemps sur ce que j’appelle la mouvance prosectaire (vous ne m’en voudrez pas d’utiliser ce terme, étant donné que vous utilisez de votre côté celui d’antisectaire). Je ne connais que trop bien l’argumentaire des juristes, sociologues et historiens des religions affiliés au CESNUR (comme c’est le cas de votre directeur de thèse, Régis Dericquebourg). Votre entrevue radio était pour moi l’occasion de mettre en avant vos biais méthodologiques en ce qu’ils sont parfaitement représentatifs de ladite mouvance prosectaire.
Car de mon côté, je ne souhaite pas que d’aucuns découvrent les « sectes » par le biais des travaux d’universitaires qui ont fait de l’étude faussement naïve des mouvements religieux minoritaires un fonds de commerce (comprenez : une source de subventions) et – éventuellement – une carrière.
Vous me reprochez ma vision « dualiste, janusiste ». Outre que je sais maintenant par quoi remplacer « manichéen » lors de mes conversations de comptoir, je dirais que, question vision en noir et blanc, vous n’êtes pas en reste.
Ainsi, lorsque vous évoquez « les déçu-e-s ou « victimes » des « sectes » », vous poursuivez par « Au contraire, les gens que je rencontre – des « sans-voix », membres depuis plus de 10 ans, certain-e-s jusqu’à presque 40 ans… »
Dois-je en conclure que, dans votre recherche, vous ne rencontrez pas d’anciens membres déçus ? Sous prétexte qu’on les a trop entendus ? Parce qu’ils sont biaisés et donc non fiables ?
Janusiste, disiez-vous ?
Vous prétendez ne pas chercher à établir que l’Église de scientologie et le Mouvement raëlien ne sont pas néfastes. Pourtant :
– Dès le début de l’entrevue radio, vous vous inscrivez en faux contre la vision désastreuse des sectes colportées par les médias et répandue dans la population selon laquelle les « sectes » sont nuisibles.
– Dès le début de vos recherches, vous faites totalement confiance à des groupes particulièrement controversés (dont un, condamné au pénal en France à plusieurs reprises en tant que personne morale ou par le biais de ses responsables).
– Votre thèse entend établir que les « sectes » améliorent la vie de leurs adeptes.
– Vous ignorez les ex-adeptes déçus, voire critiques de ces mouvements.
Et vous prétendez ne pas colporter l’idée que l’Église de scientologie et le Mouvement raëlien sont inoffensifs ?!
Je ne sais pas comment vous le dire sans vous froisser : désolé, mais vous colportez l’idée que ces deux groupes ne sont pas néfastes.
Vous estimez que l’Église de scientologie n’a pas besoin de vous pour se défendre ? Alors comment expliquez-vous que, lors de ses nombreux procès, cette organisation mette systématiquement en avant les écrits d’universitaires prosectaires, afin de se présenter sous son meilleur jour ?
De ce fait, vos écrits participeront – malgré vous peut-être – à ce mouvement de défense de l’Église de scientologie. Il faut que vous en preniez conscience.
Vous évoquez ensuite votre position de chercheur ne cherchant pas l’objectivité, mais conscient de travailler « d’un point de vue situé.»
Or, il n’est pas question de vos travaux, mais de la façon dont vos travaux seront perçus par des personnes qui n’ont pas conscience ni que faire de votre point de vue situé.
Lorsque l’Église de scientologie exhibera votre thèse dans un futur procès, elle se gardera bien d’expliquer au juge que ce travail a été fait d’un point de vue situé et que vous ne recherchiez pas l’objectivité. L’organisation présentera votre thèse comme une preuve.
Vous n’aimez pas le terme « preuve » ? Soit. Mais le problème, c’est que votre thèse sera utilisée comme telle. Ça aussi, il faut que vous en preniez conscience.
Pour ce qui est de ma prétendue analogie entre sectes et mafias, je vous invite à relire le passage incriminé dans mon article : j’écris que si l’on passait des sectes à la mafia, cela serait « pousser le bouchon très loin.» Donc, non, je ne mets pas les sectes et la mafia sur un pied d’égalité. Il y a une grande différence, que je prends la précaution de mentionner.
Vous soutenez ensuite qu’il faut se débarraser des prénotions. Mais – apparemment – seulement quand elles vont dans un sens : il ne faut pas croire ce que colportent les vilains antisectes. À l’inverse, compte tenu de la position non équivoque de votre directeur de thèse, Régis Dericquebourg, en la matière, il aurait été intéressant que vous vous débarrassiez également des prénotions favorables aux groupements que vous vous proposez d’étudier.
Vous vous targuez ensuite de l’« autorité des sources » ? Mais quelles sources ?
Les seules sources qui trouvent grâce à vos yeux sont :
– des adeptes actuels (savez-vous que si un scientologue remet en cause certains aspects de son parcours en scientologie, il va se retrouver en éthique ? Je ne suis pas sûr que cela soit gage de fiabilité de son témoignage)
– les déclarations des responsables de ces groupements – que vous croyez sur parole.
Pour les autres :
– les décisions de justice : pas pertinentes car biaisées ;
– les témoignages d’anciens adeptes : pas pertinents car biaisés (« compréhension », dites-vous ?) ;
– les travaux universitaires établissant le caractère nocif de certains groupements : pas pertinents car « non scientifiques » ;
– les enquêtes de journalistes d’investigation : pas pertinents car sans « autorité empirique » ;
– les documents internes : quand ils sont problématiques, vous les écartez d’un revers de main sous prétexte que :
1. ils circulent sur Internet (comme si, en soi, c’était le signe de leur fausseté). Internet colporte beaucoup d’âneries, mais aussi beaucoup de vérités. Mais écarter des éléments issus d’Internet d’emblée est aussi absurde que de les accepter d’emblée.
2. ces documents internes sont obsolètes.
Qui vous a dit qu’ils étaient obsolètes ? Des responsables de l’Église de scientologie ?
Et peu importe que des faits (pas des racontars de journaliste « sans autorité empirique ») aillent à l’encontre de ces balivernes officielles.
Un exemple parmi tant d’autres : l’affaire Martine Boublil et le Programme d’introspection. Si vous voulez me faire bien rire, revenez ici m’écrire que l’auteur de l’article, le journaliste d’investigation Serge Faubert, n’a aucune autorité empirique quant à l’Église de scientologie…
J’en arrive au terme « délinquant » qui, dites-vous, « n’a pas de valeur scientifique ». Comme s’il s’agissait de cela !
Un délinquant est une personne (physique ou morale) qui a été condamnée par la justice pénale. Point. Allez dire à un juge qui vient de condamner un délinquant que sa décision n’est pas scientifique.
Qu’est-ce que la science vient faire là-dedans ?
Ah, la science. Ce mot dont bien des sociologues se gargarisent pour masquer leur position d’éternel indécis, qui ne juge pas, qui ne prend pas partie, mais surtout pour ostraciser ceux qui ne pensent pas comme eux : « espèce de non-scientifique ! » est à n’en point douter la pire des insultes dans les couloirs de l’EPHE et de l’EHESS.
Vous n’hésitez d’ailleurs pas à me l’asséner, lorsque vous écrivez: « votre orientation judiciaire, qui n’a rien à voir avec mon orientation scientifique ». Je sais, vous valez tellement mieux que moi…
Soit dit en passant, je suis titulaire d’un doctorat en droit privé et sciences criminelles. C’est juste pour dire…
Quant à votre affirmation selon laquelle « les exactions sont toujours l’oeuvre d’individu(s) et non de l' »entité groupale » », il faudra que vous vous adressiez aux éminents juristes qui furent les rédacteurs du nouveau Code pénal (entré en vigueur en 1994) car ils y ont intégré la responsabilité pénale des personnes morales. Rappelez-leur à cette occasion qu’ils ne sont pas scientifiques.
Pour ce qui est du fait que le Programme de purification n’est pas un préalable obligatoire à l’audition, vous remarquerez que je parle de l’audition faite par les adeptes dans le but de « purifier leur mental ».
Or, vous parlez d’audition sans électromètre. Non seulement je connais le concept (je ne suis pas totalement ignare en la matière), mais je sais également que ce type d’audition ne permet pas d’attester la disparition des engrammes (puisque c’est précisément l’électromètre qui le permetttrait). Donc cette audition sans électromètre ne vise pas à purifier le mental.
Quant à l’utilisation de l’électromètre avant la purification, bien sûr qu’elle existe (je ne suis pas ignare, vous dis-je) : les églises de scientologie l’utilisent même, dans la rue, pour faire passer des tests de stress aux passants. Ce type d’utilisation de l’électromètre ne vise pas non plus à purifier le mental.
Donc ces pratiques peuvent se faire avant le Programme de purification. Mais elles figurent tout en bas du Pont vers la liberté totale et ne permettent pas d’y progresser.
Par conséquent, je maintiens ce que j’ai écrit sur la nécessité d’avoir suivi le Processus de purification avant de purifier son mental.
Je trouve en revanche intéressant que vous ayez pratiqué davantage de séances d’audition. Une centaine d’heures (une intensive ?), voilà de quoi se faire une idée nettement plus précise.
Mais cela m’amène à aborder la question du financement de vos recherches :
– Qui paie vos déplacements à l’étranger pour assister à des stages raëliens ?
– Qui paie vos séances d’audition ?
Car le fait de payer pour ses séances de thérapie induit un phénomène (d’auto-persuasion ?) essentiel dans la réussite du traitement.
Si vous ne payez pas ces séances avec votre argent :
– vous manquez un aspect important de l’influence de la foi des scientologues et des raëliens sur leur vie,
– vous introduisez un biais supplémentaire dans votre démarche : l’adepte lambda paie avec son argent.
Vous considérez ensuite que je ne connais pas bien « non plus » les raëliens. Sous-entendant ainsi que je ne connais pas bien l’Église de scientologie. J’ai bien ri…
Bref, je ne connaitrais pas les raëliens car j’avance à tort que tous les participants doivent porter une ficelle d’une couleur distinctive au poignet lors de ces stages, afin d’afficher aux yeux des autres participants leurs attentes sexuelles. Vous me rétorquez que c’est faux car seulement 40% d’entre eux le feraient, principalement les « nouveaux venus, afin de faciliter les rencontres et les refus de rencontres.» Je veux bien vous croire. Mais c’est précisément parce que les habitués sont… des habitués : on connait leurs attentes sexuelles ; pour eux, la ficelle de couleur est superflue. Votre précision renforce par conséquent mon argument selon lequel le Mouvement raëlien est sexocentrique (c’est là, j’imagine, un barbarisme, mais vous avez compris l’idée).
Pour ce qui est de la fraude, relativement à l’audition, là encore, une recherche sur ce blogue, dans ma thèse ou encore dans mon livre vous aurait appris que ce n’est pas l’audition en elle-même qui constitue une escroquerie, mais la façon dont les séances d’audition sont vendues à l’adepte. Je sais, la nuance est subtile mais, comme vous le reconnaissez, je connais mieux le droit que vous, aussi sur celle-là, il va falloir que vous passiez la main.
Concernant votre assertion selon laquelle vous connaissez mieux le terrain que moi, je vous signale quand même que :
– je n’ai pas passé mon temps à ma table de travail pour rédiger ma thèse, je suis sorti un peu aussi. J’ai visité certainement plus d’orgs de scientologie que vous. l’Église de scientologie me l’a d’ailleurs suffisamment reproché ;
– j’ai été officier de renseignement sur le phénomène sectaire durant environ huit ans. Je ne suis pas allé jusqu’à me doucher avec un savon sans parabène dans les bungalows des séminaires du Mouvement raëlien, mais du terrain, croyez-moi, j’en ai fait aussi.
Bref, moi aussi, j’ai fait du terrain. Mais je n’en fais pas tout un plat.
Soit dit en passant, comme il est doux à lire et à entendre, le gargarisme avec le mot « terrain ».
Vous êtes scientifique ! Wouah !
Et en plus, vous faites du terrain ! Hey, vous êtes le phénix des hôtes de ces bois !
Concernant les menaces dont vous dites avoir été victime : dans votre commentaire, vous mettez au mot menaces des guillements que je n’ai pas entendus dans l’entrevue radio.
Mais vous conviendrez avec moi que l’utilisation que vous faites ici du terme de menace est excessive (j’allais écrire « n’est pas très scientifique » mais je me suis repris). Certes, vos interlocuteurs n’ont pas été bien malins en vous conseillant de porter des micros cachés. Mais sur le fait que les adeptes pourraient vous mentir dans leurs réponses aux questionnaires, je maintiens ce que j’ai écrit : leurs réticences ne sont pas moins fondées que votre refus préliminaire de l’hypothèse.
J’espère avoir ici répondu à votre inquiétude quant au fait que je ne prêterais pas assez attention à ce que j’écris et à la manière dont je l’écris.
Pour ce qui est de caricaturer vos travaux… Comment dire… votre texte sur le non-sexe des thétans s’en est chargé avant moi.
Bien à vous.
Cher Monsieur,
Je vous remercie de votre prompte réponse. J’aimerais revenir sur plusieurs points, mais parce que vous vous laissez vite emporter par votre condescendance, votre paternalisme et pas seulement votre manichéisme mais à l’image d’un vrai Janus, votre incapacité à regarder dans d’autres directions que celle que vous vous êtes donnée et vers laquelle vous voulez absolument que tout le monde regarde (à renfort d’italiques et de gras) : les « fraudes » financières en Eglise de scientologie et la sexualité dans le Mouvement raëlien principalement, je ne reviendrai pas sur le moindre détail de ce que vous affirmez, parfois avec de nouvelles distorsions. Et pour être honnête avec vous (comme vous l’avez été avec moi), je n’ai lu ni votre blog, ni votre thèse et ni votre livre, ni cherché d’information sur vous sur Internet. Ce seul billet m’a déjà donné l’impression que je n’ai rien à apprendre de votre travail ; mais qui sait, je pourrais me tromper ? Contrairement à vous, je ne suis pas obtus (je remets en cause mes prénotions). Je suis foncièrement capable d’être « alternatif » et pour moi ça n’est pas qu’un label accolé au titre d’un blog.
Parmi tout ce que vous évoquez, il y a d’abord la méthodologie. Très grande question, d’autant plus grande que nous ne relevons pas de la même science. Je me demande bien donc comment vous pouvez juger de manière pertinente une méthode sociologique, n’étant pas sociologue vous-même. Soit, je suis ouvert à vos remarques, la transdisciplinarité et l’épistémologie m’intéressent. Mais je ne m’y attarderai pas autant que ça, car il faut dire que les heures que vous avez passées sur le terrain, et votre doctorat en droit et votre diplôme en « sciences criminelles » ne sont pas pour moi gages irréfutables de scientificité. Ils ne valent que pour une reconnaissance de vos pair-e-s (qui ne sont pas les mien-ne-s). Au contraire, et malheureusement pour vous, je fais partie de celles et ceux qui voient d’un très mauvais œil les « sciences criminelles », et qui se sont réjoui-e-s à leur suppression par le CNU. Pseudo-science ? Je ne sais pas. Il est certain qu’il ne suffit pas de se dire science (ou religion), d’avoir quelques revues, des diplômes, de parler méthodologie, de créer des lois, pour en être et en faire.
Vous parlez de l’utilisation, ou de l’instrumentalisation de mes recherches. Vous évoquez (bien prématurément) d’hypothétiques mises en scène de mon travail en tant qu’il constituerait un jour ou l’autre une « preuve » (statut que je ne lui accorde pas). Tout-e auteur-e est bien sûr responsable de ses écrits, mais d’aucune manière un auteur est responsable des lectures qui sont faîtes de son travail (je dis bien des lectures, car en sociologue, les lectures sont forcément multiples). C’est ce qui s’appelle l’appropriation, qui comprend forcément une forme de désappropriation (et parfois des distorsions de la pensée de l’auteur-e…). De fait, si un-e juge considère (parce que des scientologues ou raëliens l’ont présenté comme tel) que mon travail est une « preuve », cela relève de sa responsabilité à lui/elle. Encore une fois, ce sera aussi sa grave erreur de baser son jugement sur ma thèse, un document qui devient alors de seconde main, plutôt que de me faire intervenir, de m’interroger et de lui permettre d’apporter les détails et nuances nécessaires qui, malheureusement, ne peuvent être systématiquement présents dans un document écrit. Idem pour un-e individu lambda, qui devrait directement lire les écrits scientologues/raëliens par exemple, et se faire sa propre opinion que de vous ou me lire avant eux. Mais j’ai l’impression que pour vous ça serait déjà « trop tard », comme si tou-te-s les lecteur-ice-s de Ron Hubbard étaient devenu-e-s scientologues ?
Il y a ensuite le financement de ma thèse, qui est quasi-exclusivement un auto-financement. J’ai tout de même obtenu une bourse régionale pour mes déplacements à l’étranger, qui m’a permis d’être défrayé pour un des trois stages raëliens, mais qui règle principalement mes frais de colloques et universités d’été. Et je remercie la scientologue qui m’a invité à la rencontre de l’IAS à Saint Hill en 2012 (pour des frais très importants que j’ai découverts quelques années après). Mais encore une fois, vous n’avez pas compris que je ne suis ni scientologue ni raëlien, et que mettre au même niveau et comparer le financement de ma recherche scientifique au financement de leur quête spirituelle est une absurdité.
S’agissant des sources, vous n’avez toujours pas compris non plus que je ne cherche pas à faire « la vérité » sur ce quoi que ce soit, ni à « croire » dur comme fer quelque porte-parole. Je ne suis ni policier, ni juriste, ni avocat, ni journaliste justicier. J’analyse des discours et des pratiques sociales, j’essaye de comprendre une logique ou un fait qui concerne certaines personnes en particulier et pas d’autres. Il n’y a aucune pertinence à écouter d’anciens membres, à lire des procès ou quelque autre document qui se trouverait sur Internet pour cette thèse-ci. Une thèse qui effectivement et dans une mesure précise, montrera que les « sectes » ne sont ni pour tout le monde, ni par essence, nocives comme vous prétendez qu’elles le sont. Vous n’avez toujours pas compris que je ne fais pas d’« enquête » pour révéler une quelconque « vérité » sur une « secte ». Si c’est votre travail tant mieux, gardez-le pour vous, car ce n’est pas le mien en tant que sociologue. Apprenez par exemple, que les minutes d’un procès et le procès lui-même ne deviendraient des sources de première main dans le seul projet d’étudier comment la justice traite un fait. En dehors de cette problématique, de ce projet de recherche très précis, les procès n’ont aucune utilité. En sociologie, j’ai appris à mesurer la pertinence des sources au regard de la problématique, et non pas à faire feu de tout bois ou un « montage de toute pièce » comme vous proposez de le faire, qui est douteux sur le plan scientifique de mon point de vue et celui de nombreux-euses pair-e-s.
Vous évoquez Régis Dericquebourg à plusieurs reprises, au titre de directeur de ma thèse. Et vous présumez que nous avons un lien très étroit, si étroit que je devrais me prémunir des prénotions de cette personne [sic]. S’agissant des prénotions d‘ailleurs, il faut dire j’en avais autant de favorables que de défavorables au regard des raëliens comme des scientologues. Et contrairement à ce que vous laissez penser, en amalgamant facilement les choses, je ne suis pas un Régis Dericquebourg bis. Nous avons de nombreux désaccords, que vous découvrirez aussi si vous continuez à me lire. Ceci dit, vous ne savez absolument rien de la manière dont fonctionne cette direction de thèse. Mais encore une fois, vous présumez, vous fantasmez sans aucune donnée empirique, si ce n’est les informations que vous avez glanées sur Internet. Apparemment Internet est une source d’information plus pertinente pour vous que les gens eux-mêmes… Or, vous auriez appris si vous aviez été capable d’un travail empirique digne de ce nom que Monsieur Dericquebourg n’est plus mon directeur de thèse. Je vous laisse le loisir d’apprendre (enfin) à vous renseigner comme il convient : à la source, à la première main, de manière empirique et non numérique, sans a priori, ni couverture ou passe-droit.
Pour finir, j’ai de plus en plus l’impression que nous ne parlons pas des mêmes choses ; ce qui n’a finalement rien d’étonnant. Je vous laisse donc à votre travail, à votre CV, à votre méthode, à votre grande connaissance de l’Eglise de Scientologie et du Mouvement Raëlien, et à votre courage de lutter contre les « sectes » que paradoxalement vous investissez tant. Grand bien vous fasse. Quant à moi je retourne étudier ce qui ne vous intéresse pas, le non-sexe des thétans, entre autres.
Bien cordialement,
Guillaume Roucoux.
Monsieur Roucoux,
Condescendance, paternalisme, manichéen,… Que voilà un jargon peu scientifique !
À tout prendre, je préférais encore scientificité, axiologique et autorité empirique.
C’est comme la messe en latin avant Vatican II : quand on ne comprend pas, on peut toujours imaginer qu’il y a une signification profonde.
En droit aussi, nous avons des gros mots : emphythéose, surconfusion, téléologique,…
Ce n’est pas une raison pour les balancer à la figure de nos interlocuteurs, juste pour paraître « the smartest guy in the room», le plus « scientifique ».
De ce point de vue, vous m’avez mal lu : lorsque je fais référence aux sciences criminelles, ce n’est pas pour vous dire « Hey, moi aussi, je suis un scientifique ! », ce qui serait une belle ânerie. C’est simplement pour souligner qu’il ne suffit pas de se dire scientifique pour l’être.
Ce complexe de supériorité qui sourd de votre discours m’évoque furieusement une réplique de Rick Moranis dans Spaceballs, qui pourrait ici se lire : « Ma scientificité est plus grande que la tienne.»
(L’analogie est peu flatteuse ? Que voulez-vous, on a les références qu’on peut ; je ne lis pas Derrida dans le texte).
Scientificité.
Ah, cette nov-langue des sociologues de sous-préfecture, enfermant le discours dans un verbiage soigneusement balisé, sacrifiant ainsi toute velléité de réflexion sur l’autel de la pensée uniformisée.
N’est pas Bourdieu qui veut. Mais le langage standardisé permet de donner l’illusion qu’on fait partie du même club.
Que dire de la supérieure scientificité de J. Gordon Melton et de James R. Lewis quand, en mars 1995, dans les heures qui suivirent l’attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo, ces deux membres du CESNUR s’envolaient pour le Japon, tous frais payés par Aum Shinri-kyo ? Le but du voyage : prendre la défense de l’organisation et, en conférence de presse, hurler à la conspiration gouvernementale nippone.
Le point de vue situé et la non-recherche de l’objectivité au service d’un groupe terroriste, quel bel exemple d’utilisation de la supérieure scientificité de la sociologie des religions.
Ce qui m’amène au financement de vos recherches. Sur ce point, je me dois de vous remercier ; vous au moins avez le courage d’en parler (ce qui n’est pas le cas de vos confrères).
Aussi, nous savons maintenant que :
– vos séances de nudisme et vos douches au savon sans parabène chez les raëliens ont été en partie financées par de l’argent public,
– « une scientologue » a payé intégralement votre participation à un séminaire au siège européen de l’organisation. Vous reconnaissez vous-même que la somme correspondante était très importante. Mais à aucun moment vous n’imaginez que l’argent ait pu venir de plus haut.
Je ne peux que regretter que vous n’en disiez pas plus sur le financement de votre centaine d’heures d’audition de dianétique.
En effet, si l’on en croit les grilles officielles de tarifs de l’Église de scientologie, 8 packs de 12 heures 1/2 (soit 100 heures) d’audition coûtaient au total la coquette somme de :
– 27.296 $ US (2 x 13.648), en 2006 (http://www.xenu.net/archive/prices.html )
– environ 31.000 $ US en 2012 (20.011 livres : http://exscientologistsireland.org/wp/wp-content/uploads/2012/06/prices.jpg )
Si c’est payé avec votre argent, ce n’est plus de la recherche, c’est de l’abnégation…
Votre bourse d’argent public a-t-elle été mise à contribution ? (Dans ce cas, il ne doit plus en rester grand chose…)
Une providentielle scientologue vous a-t-elle fait gracieusement un cadeau de 31.000 US $ ? (Le doute m’étreint.)
L’Église de scientologie elle-même vous en a-t-elle fait cadeau ?
Si c’est le cas, vous n’êtes guère reconnaissant : vous lui refusez le droit d’utiliser votre future thèse comme preuve dans de futurs procès !
Écrivez sur-le-champ à David Miscavige, qui fera suivre au département juridique d’OSA International.
De vous à moi, je doute que cela fonctionne… C’est la dure loi du retour sur investissement.
Vous refusez que l’on utilise votre thèse en justice ? Selon vous, la sociologie ne peut se comparer ni être considérée dans un autre champ d’études, comme le droit ?
Dans ce cas, expliquez-moi pourquoi le CESNUR compte dans ses rangs des juristes, qui sont accessoirement des avocats de mouvements dits sectaires, et qui transposent directement les conclusions des sociologues des religions dans le champ du droit pénal ?
N’étant pas sociologue, je ne pourrais pas comprendre la sociologie ? La question n’est vraiment pas là. En ce qui me concerne, je juge l’apport de la sociologie à l’aune des impacts qu’elle peut avoir sur l’issue d’un procès judiciaire. Le reste, pour moi, c’est de la littérature (sociologique, et je vous la laisse bien volontiers). Aussi, vous pouvez écrire ce que vous voulez sur le non-sexe des thétans, je n’y vois rien à redire (sauf à parler du financement de l’étude), car ce document ne risque pas d’être utilisé en justice par l’Église de scientologie. Il en ira tout autrement de votre thèse.
Mais vous n’en avez cure : à vous lire, on doit comprendre que, si la justice se laisse abuser par votre thèse ainsi présentée comme preuve, ce sera la faute du juge, cet incompétent non scientifique.
Un mot pour finir sur mon « janusisme ».
Vous commettez, soit dit en passant, un étonnant contresens en dénonçant :
Selon mes sources (elles sont certainement mauvaises, à vous en croire, mais bon, on fait ce qu’on peut avec ce qu’on a). Selon mes sources donc, Janus avait deux visages diamétralement opposés. De fait, il ne voyait pas seulement dans une unique direction mais, bien au contraire, dans deux directions opposées en même temps.
Ovide, dans Les fastes, ne le décrit-il pas ainsi :
Mais peut-être parlez-vous de Janus, le capitaine de la Division Ruine, pilote d’antirak dans l’épisode 7, saison 1 de Goldorak… [C’est la seule référence que j’ai trouvée qui corresponde à votre conception de Janus.]
Pour ce qui est de mon manque d’ouverture, puisque vous parlez de mon CV (je n’ai d’ailleurs pas compris pourquoi, mais bon, puisque nous sommes rendus là, autant continuer), je pense y faire montre d’une certaine diversité de contextes et de secteurs d’activité, loin des œillères dont vous voulez à tout prix m’affubler.
Vous me considérez de prime abord (bonjour, les prénotions…) comme ayant, quant à l’étude de l’Église de scientologie, la même (il)légitimité qu’un correspondant « sectes » de la DDASS de Guéret.
Vu mon cursus, mon parcours et ce que je balance de temps à autre sur l’administration française (notamment la MIVILUDES) relativement à son approche déplorable de la lutte contre les sectes, je pense mériter de ne pas être mis dans le même sac.
Mais il est tard ; et l’incompréhension touchant à son paroxysme, je vous laisse donc à l’étude du sexe des anges, à votre réalité alternative et à votre boite de chocolats.
Les limites de l’observation participante (la position de l’observateur modifiant la situation observée)
Je connais cela uniquement par le petit bout de la psychologie sociale.
En plus le coup du »village Potemkine » ne date pas d’hier.
@ThierryL
En effet. D’ailleurs, les « villages Potemkine », j’ai connu ça, lorsque j’ai visité trois républiques soviétiques en 1982.
Hors de question pour le touriste de sortir des sentiers balisés par les tour operators. Dans les villes comme à la campagne…
Et bizarrement, ce que l’on montrait aux touristes différait très largement de la réalité – celle qui s’est faite jour après la chute du Mur de Berlin.
Ce blog est tout bonnement excellent.
Lire de nouveau des choses censées et non-partisanes sur le sujet des sectes écrites par un cerveau bien fait, alors que depuis une petite dizaine d’années , et via la Fennechisation placardisante de la chose, le sujet est soigneusement relayé au dernier rang des préoccupations en France, cela fait quelque part le plus grand bien. Les thématiques abordées par ailleurs sur ce site me parlent tout autant (Cyber sécurité, terrorisme, etc).
Il devient de plus en plus difficile de trouver de telles lectures sur un internet abreuvé de paranoïa, dingueries, complotisme et grilles de lecture passionnées mais rarement passionnantes, quand il ne s’agit pas d’ennuyeux textes factuels ou autres discours dominants et lénifiants.
Bravo et merci à l’auteur !
Wow ! Vous me gênez !
Merci beaucoup.
Vous n’imaginez pas comme votre commentaire est apprécié.
J’ai parfois tellement l’impression de prêcher dans le désert.
Au plaisir de vous relire.