Dans les aéroports canadiens, le point de contrôle préembarquement déploie des appareils de haute technologique, particulièrement onéreux à implanter et à entretenir ; mais que l’on peut pourtant encore contourner.
La liste des exemples est longue ; aussi n’en citerai-je ici que deux, sur lesquels j’ai déjà écrits dans le cadre de ce blogue.
- Les fameux scanneurs corporels, tout d’abord. Au Canada, ces « scanneurs qui déshabillent » ne sont utilisés qu’au contrôle secondaire ; c’est à dire seulement lorsque le portique détecteur de métaux du contrôle primaire sonne l’alarme. Cette approche me semble contestable, comme je l’ai précédemment expliqué ici.
- Les détecteurs d’explosifs liquides, ensuite. Comme je le mentionnais dans un précédent article, ces appareils demeureront sans grand intérêt tant qu’une technologie efficace ne sera pas en place à toutes les lignes de contrôle préembarquement, dans tous les aéroports et tant que l’on ne les aura pas couplés systématiquement avec un scanneur corporel.
À la lecture de ces textes, on serait tenté de rétorquer : C’est oublier un important niveau de sureté supplémentaire : le contrôle aléatoire au point de fouille.
Non, je ne l’ai pas oublié. Malheureusement, dans les faits, cette mesure se révèle illusoire pour lutter efficacement contre le terrorisme aérien.
« Random security is bad security »
Prenons l’exemple des aéroports canadiens. Aujourd’hui, le contrôle aléatoire y est vraiment aléatoire, et non plus « à la tête du client ». Dans divers points de fouille à travers le pays, l’Administration canadienne de la sureté du transport aérien (ACSTA) a ainsi mis en place un système de tapis sélectionnant les voyageurs au hasard : avant d’entrer dans le point de fouille, chaque passager s’arrête sur un carré de caoutchouc placé au sol. Au bout de quelques secondes, sur un écran devant lui, apparaît une flèche. Dans la grande majorité des cas, elle indique le côté du contrôle préembarquement primaire classique. Mais parfois, la flèche indique l’autre côté : le voyageur est alors dirigé directement vers le contrôle secondaire et son scanneur corporel.
En la matière, la question essentielle est de savoir quelle est la fréquence de cet aléa. Autrement dit, ce contrôle aléatoire s’opère-t-il sur :
- 1 passager sur 5 ?
- 1 passager sur 10 ?
- 1 passager sur 50 ?
Mais en Amérique du Nord, les autorités de sureté des transports pratiquent la sécurité par l’obscurité : elles bâtissent un système dont l’efficacité repose entièrement sur des données qui doivent rester secrètes. La fréquence des contrôles aléatoires préembarquement fait partie de ces informations classifiées. Question de sécurité nationale. Sauf que… à peu près n’importe quel usager du transport aérien peut en prendre connaissance de manière tout-à-fait légitime.
Ainsi, avant d’entrer dans les points de fouille équipés de ces fameux tapis de sélection aléatoire, le passager lambda qui fait la file peut observer son fonctionnement. En attendant son tour, il peut ainsi tout à loisir :
- compter le nombre de passagers qui montent sur le tapis ;
- compter le nombre de passagers dirigés sur-le-champ vers le contrôle secondaire ;
- diviser le deuxième nombre par le premier.
On arrive ainsi à une fréquence d’environ 1/15 à 1/20, soit 5%.
Contrôler aléatoirement 1 passager sur 20 au point de contrôle préembarquement, est-ce suffisant pour assurer la sureté de l’aviation civile en dernier ressort ? Selon moi, la réponse est non. Pour vous en convaincre, j’ai imaginé un petit jeu, simple à réaliser.
Ce contrôle aléatoire préembarquement serait donc inutile ? En fait, non. Il est utile… pour les personnes malintentionnées. Car tant que les autorités de sureté des transports seront persuadées d’avoir là un système fiable, elles le laisseront en place. Et elles n’auront ni les ressources, ni les opportunités d’instaurer une solution véritablement efficace.
Autrement dit, tant qu’il sera employé, un tel contrôle aléatoire constituera selon moi une vulnérabilité importante dans le système de sureté de l’aviation civile.
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À propos de Arnaud Palisson
Arnaud Palisson, Ph.D. fut pendant plus de 10 ans officier de police et analyste du renseignement au Ministère de l'intérieur, à Paris (France). Installé à Montréal (Canada) depuis 2005, il y a travaillé dans le renseignement policier puis en sureté de l'aviation civile. Il se spécialise aujourd'hui dans la sécurité de l'information et la protection des renseignements personnels.
Quand on regarde tout l’arsenal technologique installé dans nos aéroports, la première question que nous nous posons, c’est le pourquoi de tout cela, et pour quelle finalité ? Mais, ayant vécu les attentats du 11 septembre 2001, ma réponse est naturellement qu’il s’agit d’éviter que se reproduise ce type d’évènement, et plus clairement empêcher un éventuel détournement d’avion. Je peux comprendre alors que tous ces moyens techniques très onéreux et par ailleurs justifiés sont appuyés par des actions de contrôle qui sont une façon assez symbolique de démontrer le pouvoir de l’État. Alors, de quelle manière sont utilisés tous ces moyens ? Et quelle est leur efficacité ? A y regarder de près, on a le sentiment que tout converge vers un même but, appliquer les procédures, ce qui se traduit en filigrane par l’affirmation symbolique du pouvoir de l’État. On envoie ainsi un message aux passagers du style : « Si vous voulez voyager, vous devez accepter le contrôle, et en silence S.V.P !!» Tout ceci apparaît un peu comme un rite de soumission à l’autorité ; On demande aussi au personnel de respecter les procédures et de les appliquer de manière stricte, et rien n’est fait pour évaluer la pertinence des procédures ainsi appliquées. Je suppose que ceci est fait sous la recommandation de l’OACI dans le cadre de la convention de Chicago ; et , tout le monde fait son boulot. Bien sûr que le risque zéro n’existant pas, au moins, on aura montré que quelque chose aura été fait. En réalité, on sait bien qu’au niveau de la Sûreté aéroportuaire, toute cette agitation à travers la multiplication des contrôles reste néanmoins illusoire. Mais ,au bout du compte, c’est peut-être une façon de rassurer la population en montrant que l’on a les moyens de garder la maîtrise de la situation. On nous rappelle par cette inflation de contrôles que la première mission de l’État, c’est de protéger sa population ; et à travers ceux-ci, l’État met tout en œuvre pour la sûreté aux aéroports, » À l’impossible, nul n’est tenu » Si quelque chose de terrible arrive, ce sera au – dessus de ce qui était possible d’envisager . Revenons à la vraie question de base : Est-ce que tous ces contrôles sont efficaces ? La réponse, c’est bien sûr que non !! Mais, avec tout ce qu’on voit, rien ne pourra pointer l’État d’un doigt accusateur, il aura fait au mieux de ses possibilités. Mais alors, où se situe la solution ? On peut penser qu’avec le peu d’expérience que nous avons à ce jour, celle-ci peut se situer à trois niveaux :
1. D’abord, la sécurité, c’est l’affaire de tous !!! Et on n’arrêtera pas de le répéter : Une Sûreté efficace devrait être un accord entre les passagers et l’équipage d’un aéronef ; ceci sous-entend une riposte si on constate un comportement visiblement anormal (réf : Vol 253 Amsterdam/Détroit)
2. Dans sa mission de protection des personnes et des biens l’État met en place des moyens techniques et des contrôles auxquels les passagers doivent se soumettre et cela passe par un rituel qui ne se négocie pas , bien qu’enfin de compte cela finisse par une prise en charge des passagers par eux-mêmes ( En fait, chaque passager ici a le sentiment qu’il est contrôlé individuellement, mais , en réalité, c’est l’ ensemble des passagers qui l’est)
3. In fine, tous ces contrôles de sûreté ne se résument plus qu’au maintien de l’ordre, et n’ont plus le caractère de mesures de prévention antiterroriste. Et puis,on le sait bien, les scanneurs, les détecteurs d’explosifs et les fameux tapis de sélection aléatoire ne pourront pas empêcher les personnes mal intentionnées d’accéder facilement dans la zone stérile. Nos contrôles resteront donc quelque part , un peu hasardeux ; ainsi, il ya tout lieu de penser que si les aéroports n’ont pas connu ces dernières années de nouvelles attaques, raisonnablement cela ne viendrait pas des infrastructures, mais plutôt du travail en amont ; Et le travail en amont, c’est ce long et méticuleux travail d’enquêtes et de renseignements de terrain qui est mené dans l’ombre par des personnes compétentes ; il ya aussi ce développement de la coopération entre les services de renseignements et de la qualité des personnes qui s’ investissent, sans oublier leur organisation bien huilée.. En réalité, c’est le travail que font les enquêteurs qui constitue la vraie sûreté, et non pas tous ces contrôles qui peuvent apparaissent plutôt comme du marketing par son rituel qui est destiné plus au passagers qu’aux potentiels agresseurs décidés et déterminés à frapper. On pourra dire que dans le meilleur des cas ; le fait que les contrôles soient assez visibles pourra indiquer où ne pas frapper, ou peut-être par pur hasard, les décourager. Il nous reste alors à espérer que, si c’est cette voie qui apporte des résultats significatifs, pourquoi pas l’utiliser à fond !!!
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je voudrais savoir pourquoi ma fille a été contrôlée alors qu’elle passée sous le portique détecteur et que toutes ses affaires ainsi que son animal de compagnie sont passés au scanner? on lui a parlé de « contrôle aléatoire » . Comment faire pour se plaindre, car au-delà de cela, les agents ont été très désagréables, figurez-vous que c’était à elle-même de ranger ses propres affaires après les fouilles; ils ont touché avec des mains sales non gantées à toute sa lingerie (donc, à son intimité) sans délicatesse et par surcroît, sans s’excuser lorsqu’ils ont constaté qu’elle ne transportait RIEN DE SUSPECT! belle civilité… !!! La frustration est double car à aucun moment ces messieurs n’ont compati à l’humiliation injustifiée qu’a subie ma fille? comment expliquer cela? Où se plaindre?
Je déduis de votre adresse courriel que vous résidez en France. Votre fille a-t-elle été contrôlée au départ d’un aéroport français ? Si oui, il y a clairement des manquements à la règle. L’utilisation de gants est en effet obligatoire pour la fouille des effets personnels et les palpations de sécurité.
Quant au passage de l’animal de compagnie dans le scanneur, j’avoue ma surprise… On parle bien du scanneur à bagages au point de fouille ?
En ce qui concerne le fait que les agents étaient désagréables et sans empathie, cela est dû malheureusement à la nature du travail répétitif et – pour tout dire – souvent dépourvu de sens. En effet, que votre fille ait été contrôlée sur une base aléatoire est tout-à-fait plausible. La réglementation européenne oblige à de tels contrôles pour un passager sur dix. De fait, en instituant cette « régularité aléatoire », les agents ont conscience que leurs fouilles ne servent à rien. Et au fil des mois, leur comportement s’en ressent. Cela ne les excuse en rien, mais donne une explication.
Pour ce qui est des plaintes, la première chose à considérer est l’aéroport dans lequel la situation s’est produite. Il faut ensuite déterminer quelle entreprise de sécurité est chargée du contrôle préembarquement dans cet aéroport. C’est à cette entreprise qu’il faut adresser les plaintes.