La semaine dernière, à Paris, s’achevait le procès en appel de deux organisations de scientologie, condamnées en première instance pour escroquerie en bande organisée et exercice illégal de la pharmacie. La décision est attendue pour février 2012. L’affaire a connu son lot de déboires. On a beaucoup parlé des diverses exceptions d’inconstitutionnalité soulevées en vain par les avocats de l’Église de scientologie parisienne. On a en revanche un peu moins évoqué les successifs désistements des victimes qui s’étaient constituées partie civile. C’est regrettable, car l’influence de la scientologie sur les anciens adeptes constitue une question essentielle.
Délit d’abus de faiblesse : la Mission antisectes française part à la dérive
Ce n’est pas de l’acharnement mais bien plutôt l’actualité qui m’amène à consacrer un second article critique à l’encontre de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), quelques jours à peine après celui-ci.
En septembre dernier, le Ministère de la Justice français, assisté de la Miviludes, a publié une nouvelle circulaire sur les sectes (une de plus !) à destination des magistrats. Ce n’est pas un hasard du calendrier : nous entrons présentement dans le procès en appel de deux organisations de scientologie condamnées en première instance à Paris, en 2009.
Ce procès est exemplaire : il a abouti au prononcé d’amendes pénales très élevées mais surtout à des condamnations d’entités de la Scientologie en tant que de personnes morales pour escroquerie aggravée en bande organisée. Une première.
Croyiez-vous que la Miviludes allait capitaliser sur ce succès en passe d’être confirmé en appel ? Pensiez-vous que la Chancellerie allait œuvrer pour rappeler aux magistrats tout l’intérêt de recourir, en matière sectaire, à des incriminations claires, bien établies en jurisprudence, telles que l’escroquerie ?
Que nenni. Les deux institutions ont préféré mettre en avant, pour la énième fois, l’abus de faiblesse de l’article 223-15-2 du Code pénal. Il s’agit pourtant d’un chef d’accusation qui n’a jamais rien donné devant les tribunaux en termes de lutte contre les sectes. Continuer la lecture de « Délit d’abus de faiblesse : la Mission antisectes française part à la dérive »
Immunité légale de la Mission antisectes française : un passeport pour l’immobilisme
Le 17 octobre dernier, l’Assemblée nationale adoptait la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives. Bénéficiant d’une procédure accélérée, la proposition de loi est aujourd’hui devant le Sénat, où elle attend d’être adoptée définitivement après une seule lecture par chacune des deux chambres du Parlement.
Perdu après 115 autres articles sans aucun rapport, l’article 94 A dispose :
Les membres de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires ne peuvent être recherchés, poursuivis, arrêtés, détenus ou jugés en raison des opinions qu’ils émettent dans le rapport annuel remis au Premier ministre dans l’exercice de leurs fonctions.
Autrement dit, voici les membres de la Mission antisectes française, la Miviludes, protégés par une immunité légale pour leurs opinions émises dans le cadre des rapports annuels de la Mission.
L’aberrante loi française interdisant de dissimuler son visage en public – Le cas « Anonymous »
Lundi dernier entrait en vigueur en France la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public. Elle punit d’une peine contraventionnelle (amende de 150 €) toute personne présente sur la voie publique avec le visage masqué ou voilé.
Il a été beaucoup écrit sur le sujet et il ne s’agit pas ici d’enfoncer des portes ouvertes, mais d’apporter un éclairage sur des sujets peu ou pas traités dans l’actualité.
Cette loi a été votée dans le but d’interdire le port du niqab (ou voile intégral du visage). Sa récente adoption est interprétée par certains comme une réaction de la majorité présidentielle aux sondages créditant le Front National (extrême droite) de scores impressionnants lors des prochaines élections présidentielles de 2012.
Je peux certes comprendre que l’on interdise le port du voile intégral dans les interactions sociales officielles. Ainsi, on ne saurait évidemment faire témoigner une femme voilée devant un tribunal : comment peut-on s’assurer que la personne à la barre est bien celle qui doit témoigner ? On ne saurait laisser voter un individu qui masque son visage. Comment être sûr que la personne qui glisse son bulletin dans l’urne est bien l’électeur ?
Sectes et formation professionnelle – Quand les institutions canadiennes font les mêmes erreurs que les françaises
En 2006, le Conseil scolaire catholique franco-nord de l’Ontario (CSCFN) avait passé des contrats pour plusieurs sessions de formation en pédagogie émotionnelle avec l’Académie de plaisirologie et d’intelligence émotionnelle (APIE). L’année suivante, la direction du conseil apprenait que l’APIE était dirigée par un évêque et deux prêtres de la religion raëlienne. Le CSCFN décidait alors de mettre fin unilatéralement auxdits contrats et avertissait d’autres conseils scolaires de l’Ontario de ne pas faire affaire avec cette firme, en raison de l’obédience religieuse de ses formateurs.
Mais les trois disciples de Claude Vorilhon n’en sont pas restés là et ont porté l’affaire devant le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario. Le 10 décembre dernier, la juridiction rendait la seule décision qui s’imposait en l’espèce : elle a condamné le Conseil scolaire pour discrimination religieuse :
« Sur la base des documents déposés par les parties, le Tribunal conclut qu’il y a eu discrimination selon l’article 3 du Code [des droits de la personne], et ce, au motif de la croyance. L’intimé a mis fins a (sic) des contrats de service en raison de la croyance des requérants.»
Témoins de Jéhovah – Vers une reconnaissance cultuelle générale en France
Le 21 septembre dernier, à Strasbourg, la Cour européenne des droits de l’homme a déclaré recevable une requête introduite par la branche française des Témoins de Jéhovah qui estime être victime de discrimination dans l’Hexagone. L’intérêt de cette requête est en réalité d’ordre fiscal (…)
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Sondage IPSOS sur les sectes : coup de projecteur sur un coup d’épée dans l’eau
Les 24 et 25 septembre dernier, l’institut de sondage français IPSOS a réalisé une enquête auprès d’un échantillon d’un petit millier de Français. Elle consistait en une demi-douzaine de questions relatives aux sectes. Nombre de médias de l’Hexagone ont fait état de ce sondage. Mais en se contentant de paraphraser une dépêche de l’AFP , la presse contribue à diffuser encore davantage une perception largement biaisée du phénomène sectaire en France.
Tout d’abord, l’IPSOS demande aux sondés :
- s’ils ont entendu parler de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) et
- s’ils savent précisément ce dont il s’agit.
L’institut de sondage regroupe sous un même pourcentage ceux qui répondent oui à au moins une question. Ainsi, 26 % disent connaitre la Miviludes, un chiffre que l’on peut qualifier d’acceptable.
Toutefois, ce rapprochement réalisé par l’IPSOS est fallacieux et révèle une faille méthodologique. En effet, il existe une différence colossale entre connaitre un organisme de nom et savoir exactement quelles sont ses attributions. Continuer la lecture de « Sondage IPSOS sur les sectes : coup de projecteur sur un coup d’épée dans l’eau »
Le négationnisme sectaire entre par la porte de derrière
À peine avais-je terminé la rédaction de mon précédent billet consacré à l’Église de scientologie que je tombais sur un article du magazine Psychologies consacrée à l’organisation controversée.
Loin de moi l’idée de vouloir commenter toute l’actualité média sur le sujet. Mais cet article illustre parfaitement l’une des critiques que je formulais à propos du reportage TV Scientologie – La vérité sur un mensonge. J’expliquais en effet que les journalistes y avaient commis l’erreur de focaliser sur les témoignages d’anciens adeptes, au détriment d’une approche plus objective. Au lieu de simplement dire que les adeptes ont été trompés, il est toujours préférable de démontrer pourquoi et comment la secte trompe ses adeptes.
Ce n’est pas là une vue de l’esprit. Ce n’est pas jouer sur les mots. Cette distinction est essentielle. Centrer son propos sur les témoignages d’anciens adeptes n’est pas seulement inadapté. C’est surtout une démarche journalistique néfaste car elle offre aux sectes et à ses défenseurs une voie royale pour battre en brèche les arguments avancés.
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Une critique du reportage « Scientologie – La vérité sur un mensonge »
Résidant hors de France, je viens seulement de découvrir le reportage de Jean-Charles Deniau et Madeleine Sultan, Scientologie – La vérité sur un mensonge, (France 2, 27 mai 2010) que j’attendais de voir avec impatience.
En effet, il y a de cela plus d’un an, j’avais été en contact suivi avec les deux journalistes pour participer à ce documentaire. M. Deniau et Mme Sultan comptaient en effet beaucoup sur mon expertise professionnelle et universitaire pour renouveler l’approche sur la Scientologie. Très intéressé par la proposition, j’ai finalement dû renoncer à l’aventure.
Nul n’est indispensable et je ne doutais pas que Madeleine Sultan et Jean-Charles Deniau trouveraient d’autres intervenants pour leur faire dépeindre la Scientologie sous un jour, sinon neuf, tout du moins contrastant avec le tout-venant journalistique consacré au sujet. À l’issue des projections de presse, les médias n’avaient d’ailleurs pas tari d’éloges sur le reportage.
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De l’efficacité de la lutte antisectes en France
Si l’on en croit les journaux, la lutte contre les sectes en France est principalement l’œuvre de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes). Cet organisme, placé sous la tutelle directe du Premier Ministre, a été créé en 2002 sous le gouvernement Raffarin. Il a pris le relais de la Mission interministérielle de lutte contre les sectes (MILS), créée en 1998, par le gouvernement Jospin.
En l’espace de onze ans, cet organisme éminemment politique s’est révélé incapable de mettre en place une stratégie en la matière. Pour reprendre une terminologie gaullienne, la Miviludes est un machin administratif situé à des années-lumière des réalités du terrain (1). Dans son dernier rapport annuel, la Mission envisage certes sa prochaine évolution, mais en restant désespérément axée sur le système administratif (2). Refusant une réorientation vers le judiciaire, elle passe à côté de la véritable solution à la lutte contre les sectes, le renseignement criminel, qui pourrait pourtant bientôt émerger des services spécialisés de la Police française (3).