Il faut tuer le cycle du renseignement – 2ème partie

« Nous allons marquer une pause. Notre programme reprend dans une minute…»

par Kristan Wheaton

Version originale : Sources & Methods

Traduit de l’anglais (américain) par AP

– Introduction et sommaire de cette série –

Mon intention aujourd’hui était de me plonger directement dans ma série d’articles consacrés au cycle du renseignement et au pourquoi nous devrions nous en débarrasser (enfoncez-lui un pieu dans le cœur étaient les termes exacts que je pense avoir employés…).

Toutefois, durant la fin de semaine [qui a suivi la publication originale de cet article – NdT], j’ai reçu un torrent de courriels et l’article a généré un certain nombre de commentaires. De sorte que, avant d’entrer dans le vif du sujet, il m’a semblé utile de réaliser une petite analyse scientifique de l’opinion en la matière.

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Il faut tuer le cycle du renseignement – 1ère partie

par Kristan Wheaton

Version originale : Sources & Methods

Traduit de l’anglais (américain) par AP

– Introduction et sommaire de cette série –

Il faut tuer le cycle du renseignement.

Je le pense vraiment.

Le « cycle du renseignement » – une représentation du fonctionnement du processus de renseignement – est un résidu de la Seconde Guerre mondiale qui a largement dépassé sa date limite de consommation. Il est devenu toxique. Aujourd’hui, il infecte plus qu’il n’informe. C’est moins un cycle qu’un cyclope : vieux, laid et destructeur.

Je veux le voir mort et enterré, anéanti, éradiqué.

Et franchement, peu m’importe ce qu’il nous faudra faire pour y parvenir. Retirons-le de tous les manuels de formation, supprimons-le de toutes les diapositives PowerPoint, effaçons-le de tous les sites web.

Tirons-lui une balle en argent, enfonçons-lui un pieu en bois dans le cœur, brûlons ses restes sans cérémonie et dispersons ses cendres.

Mon dieu, Kris, si vous nous disiez plutôt ce que vous ressentez vraiment…

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L’illusion technologique en sureté aéroportuaire – Le cas des détecteurs d’intention néfaste

ou
Comment perdre son esprit scientifique et gagner des budgets publics

En ce début d’année 2011, les autorités israéliennes ont annoncé la mise en place, à l’aéroport Ben-Gourion de Tel-Aviv, d’un nouveau système automatisé de contrôle pré-embarquement des passagers. Malgré sa technologie avancée, le système UniPass – actuellement en phase de test – vient renforcer un processus de contrôle centré sur des intervenants humains.

Tel n’est clairement pas le paradigme en Occident, où l’on cherche à tout prix à développer la panacée sécuritaire : la machine qui détecte les terroristes en lisant dans leurs funestes pensées.

L’affaire est tout ce qu’il y a de plus sérieux. Souvenons-nous que, dans les années 70, les services de renseignement américains étaient persuadés que les médiums et autres « psychics » pouvaient les aider à gagner la Guerre froide. Aussi avaient-ils financé des programmes d’espionnage via pouvoirs paranormaux !

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Al-Qaïda de la Péninsule arabique et l’aviation civile : la grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le bœuf

– Une analyse du dernier numéro de la revue Inspire

Inspire est une publication périodique réalisée par Al-Malahem Media Production, la branche médias de l’organisation terroriste Al-Qaïda de la péninsule arabique (AQPA). Cette revue est disponible en versions anglaise et arabe. Son troisième numéro constitue une édition spéciale (special issue) datée de novembre 2010 et consacrée en intégralité aux attentats manqués du 29 octobre dernier contre deux avions cargo de FedEx et d’UPS.

L’analyse de ce dernier numéro nous permet d’avancer que lesdits attentats n’étaient pas à proprement parler des actes terroristes mais bien plutôt une opération médiatique et de propagande (1). AQPA tente ici de dissimuler ses difficultés grandissantes à déjouer la sureté aérienne ; pour ce faire, elle affiche une confiance en soi démesurée et exagère sa dangerosité envers l’aviation civile internationale (2).

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Avions cargo dans les turbulences terroristes – Une analyse à contre-courant

Le 29 octobre dernier, on apprenait la découverte, au Royaume-Uni et à Dubaï, de deux bombes dissimulées dans des cartouches d’encre pour imprimante. Expédiés depuis le Yémen, ces deux colis piégés devaient rallier Chicago par avion cargo quelques heures plus tard.

Depuis l’annonce de ces événements, la sécurité intérieure américaine et le secteur du transport aérien international ont encore resserré les contrôles à l’encontre des passagers et du fret. Ce double attentat manqué, qualifié dans les pays anglophones de ink bomb plot, a en effet été largement décrit comme l’événement terroriste le plus inquiétant depuis l’attentat du 25 décembre 2009 contre le vol 253 de Delta Airlines entre Amsterdam et Détroit. Dans une allocution, le président américain Barack Obama qualifiait les nouvelles visées d’al-Qaïda envers les avions cargo de « credible terrorist threat ».

Pourtant, ces sensationnalistes ardeurs politico-médiatiques doivent être grandement tempérées.

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Les leçons du vol 253 – La faillite du système des bases de données du renseignement

[Deuxième volet de l’étude consacrée à l’attentat manqué contre le vol 253]

Avant l’attentat manqué du 25 décembre 2009 contre le Vol Amsterdam-Détroit, la communauté américaine du renseignement avait collecté plusieurs informations pertinentes concernant l’implication terroriste d’Abdul Mutallab. Ce que l’on reproche principalement aujourd’hui à l’Administration, c’est son incapacité à relier les points (connecting the dots), à repérer et à arrêter Abdul Mutallab avant qu’il ne monte dans l’avion.

S’agit-il de nouvelles affres du cloisonnement entre les agences, quelques semaines après le massacre de Fort Hood (qui a mis en évidence le non-partage d’information entre l’Armée américaine et le FBI) ? Ou faut-il y voir un procès d’intention, diligenté par des politiciens médiatisés, spécialistes du « y-avait-qu’à-fallait-qu’on » ?

Après le 11 septembre 2001, la preuve fut faite que les agences de renseignement travaillaient en silo, sans partager l’information de sécurité nationale. On a alors instauré en 2005 l’Office of the Director of National Intelligence (ODNI) qui supervise les seize agences fédérales de renseignement. En son sein, a été créé le National Counter Terrorism Center (NCTC), dont la tâche est précisément de mettre en relation les informations pertinentes détenues par des agences différentes.

Mais en instaurant ces nouveaux organismes, l’Administration Bush a également créé un monstre bureaucratique qui a bien vite rendu inopérants les avantages techniques qu’aurait pu avoir ce changement majeur. L’affaire du vol 253 est symptomatique de cette bureaucratie. (…)

Les leçons du vol 253 – L’attentat manqué et la menace terroriste

Le 25 décembre 2009, peu avant midi (HNE) à bord du vol 253 de la NorthWest Airlines, un individu a tenté de faire détoner une charge explosive, quelques minutes avant l’atterrissage à Détroit (Michigan). À bord de l’Airbus A330, se trouvaient 289 personnes.

L’explosif n’a pas détoné mais s’est enflammé. Un passager assis à proximité s’est alors jeté sur l’individu. Aidé de membres de l’équipage, il a maitrisé le terroriste et éteint le feu.

Deux jours plus tard, Janet Napolitano, Secrétaire d’État à la sécurité intérieure, déclarait sur CNN :

One thing I’d like to point out is that the system worked. (…) The whole process of making sure that we respond properly, correctly and effectively went very smoothly.

Elle précisait le même jour sur ABC :

Now once this incident occurred, everything went according to clockwork.

Certes. Mais quid de l’efficacité du système avant l’attentat ? Mme Napolitano fut bien contrainte de reconnaitre explicitement le lendemain que, en l’occurrence, le système n’avait pas fonctionné. (2)

En revanche, Mme Napolitano a fait preuve d’un triomphalisme déplacé lorsqu’elle a déclaré, lors de l’interview de CNN :

He [the terrorist] was stopped before any damage could be done.

laissant entendre que tout est bien qui finit bien.

Cet optimisme de façade cache évidemment un malaise bien plus profond au sein de la Sécurité intérieure étatsunienne en général et de sa sureté du transport aérien en particulier. La tentative du 25 décembre pose un certain nombre de questions. À commencer par les circonstances de l’attentat du vol 253 et le contexte de la menace contre l’aviation civile. (…)

De l’efficacité de la lutte antisectes en France

Si l’on en croit les journaux, la lutte contre les sectes en France est principalement l’œuvre de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes). Cet organisme, placé sous la tutelle directe du Premier Ministre, a été créé en 2002 sous le gouvernement Raffarin. Il a pris le relais de la Mission interministérielle de lutte contre les sectes (MILS), créée en 1998, par le gouvernement Jospin.

En l’espace de onze ans, cet organisme éminemment politique s’est révélé incapable de mettre en place une stratégie en la matière. Pour reprendre une terminologie gaullienne, la Miviludes est un machin administratif situé à des années-lumière des réalités du terrain (1). Dans son dernier rapport annuel, la Mission envisage certes sa prochaine évolution, mais en restant désespérément axée sur le système administratif (2). Refusant une réorientation vers le judiciaire, elle passe à côté de la véritable solution à la lutte contre les sectes, le renseignement criminel, qui pourrait pourtant bientôt émerger des services spécialisés de la Police française (3).

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Quel avenir pour les programmes registered-traveler ?

Aussi regrettable que soit une faillite pour les dirigeants et les employés d’une compagnie, la crise économique aura eu au moins un effet positif en matière de sûreté de l’aviation civile : elle a contraint la société Verified Identity Pass à fermer ses portes cette semaine, emportant dans son sillage le programme CLEAR. Derrière cette dénomination, se trouvait le chef de file des programmes registered traveler, dédiés au passage accéléré au contrôle pré-embarquement. Sur 21 grands aéroports américains qui proposaient de telles facilités, CLEAR trustait 18 sites.

C’est un coup dur pour les différents programmes du genre, lancés  il y a quelques années sous la férule de l’administration américaine, notamment à la Transportation Security Administration (TSA).

Qu’est-ce donc qu’un programme registered traveler ? Imaginons que vous êtes un homme d’affaires et prenez l’avion 50 fois par an. Il peut vous être pénible de devoir attendre dans la file pour passer au portique et au contrôle à rayons X avant d’entrer en zone stérile. La TSA a donc introduit dans de nombreux aéroports américains le judicieux système Black Diamond qui consiste à répartir le flot de passagers selon trois files différentes, selon que vous êtes plus ou moins familiarisé avec les processus de contrôle pré-embarquement.

Mais cela ne suffit encore pas au businessman que vous êtes, vous qui ne pouvez accepter d’attendre dix minutes dans le même espace que la plèbe. Aussi, contre une somme forfaitaire (entre 130 et 200 $ par an), vous souscrivez à un programme registered traveler et acquérez alors le droit de passer au contrôle pré-embarquement en empruntant une ligne particulière dans laquelle vous subirez un contrôle allégé. Vous n’aurez pas à enlever vos chaussures ni à ôter votre veste avant de passer dans le portique de détection métallique.

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Contrôle pré-embarquement : strip-tease ou palpation ?

Le 6 février dernier, la télévision suisse romande diffusait un reportage consacré aux nouvelles technologies de contrôle pré-embarquement.

Concis mais efficace. Ainsi, la reporter suisse voue ainsi aux gémonies le nouveau scanneur à ondes millimétriques, tandis qu’elle pare de toutes les vertus le Smart Corridor.

Vous voici devant une nouvelle manifestation du syndrome du journaliste-qui-comprend-rien-à-rien-mais-qui-sait-tout-sur-tout.

Petite analyse contradictoire.

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