Le 4 juin dernier, chez nos voisins du Sud, la Chambre des Représentants a voté la Transportation Security Administration Authorization Bill. Ce texte, qui doit encore être entériné par le Sénat, vise à encadrer légalement les pratiques et attributions de la TSA. Or, à cette occasion, la chambre basse du parlement américain a voté un amendement des plus regrettables consacré aux nouveaux scanneurs à ondes millimétriques testés par la TSA depuis plusieurs mois dans divers aéroports du pays.
Nous avons rappelé il y a quelques semaines la problématique de ces scanneurs que d’aucuns qualifient d’appareils de « fouille à nu virtuelle ». Et nous avons également souligné les limites des arguments avancés par les partisans de son interdiction dans les aéroports. Car, aussi chers et intrusifs que l’on puisse les considérer, ces scanneurs à ondes millimétriques présentent pour le moins l’intérêt considérable de repérer des objets dangereux que les portiques traditionnels ne détectent pas.
Si l’on n’est guère surpris que les parlementaires américains aient remis le couvert pour combattre les « scanneurs qui déshabillent », on reste en revanche abasourdi par la teneur de cet amendement, adopté à une majorité de près des trois quarts.
En effet, si cette loi devait être entérinée par le Sénat, ces appareils fort décriés ne seraient plus autorisés pour le contrôle pré-embarquement primaire, mais uniquement pour le contrôle secondaire (c’est à dire le contrôle visant à déterminer pour quelle raison la personne a échoué au contrôle primaire).
Cette motion qui se veut respectueuse de vos droits et libertés se révèle doublement – et gravement – illogique.
1 – Tout d’abord, les Représentants en faveur de ce texte vouent aux gémonies ces nouveaux scanneurs en ce qu’ils constituent, selon eux, une violation éhontée de votre intimité en tant que personne humaine. Jusque là, rien de bien sidérant.
Mais si d’aventure vous faites bipper le portique traditionnel du contrôle primaire, soudainement, vous entrez de plain-pied dans la caste des sous-hommes, ceux qui n’ont plus droit à leur intimité. En effet, si vous êtes Monsieur ou Madame Toulemonde et que vous avez oublié d’ôter votre ceinture à boucle métallique avant de passer sous le portique, vous devenez instantanément un paria, dont la « fouille à nu virtuelle » n’offusque plus les Représentants.
2 – Plus ridicule encore : si vous êtes un terroriste, soyez rassuré. Vous pourrez continuer à franchir le contrôle pré-embarquement les poches pleines d’armes à feu en matériau composite ou de couteaux en céramique. En effet, dès lors que vous ne faites pas bipper le portique traditionnel du contrôle primaire, les Représentants américains semblent estimer que vous ne présentez pas le moindre danger pour l’aviation civile…
Il est clair que cette incohérence est la résultante de tractations en coulisses entre Représentants démocrates, républicains progressistes et lobbyistes de l’industrie de la sécurité. Mais à trop vouloir ménager la chèvre et le chou, les résidents de l’aile Sud du Capitole n’ont apparemment pas compris qu’ils renforçaient l’effet pervers des dispositifs de sûreté de l’aviation civile : alourdir toujours davantage le passage à l’aéroport de Mr GoodGuy, sans pour autant entraver celui de Mr BadGuy.
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À propos de Arnaud Palisson
Arnaud Palisson, Ph.D. fut pendant plus de 10 ans officier de police et analyste du renseignement au Ministère de l'intérieur, à Paris (France). Installé à Montréal (Canada) depuis 2005, il y a travaillé dans le renseignement policier puis en sureté de l'aviation civile. Il se spécialise aujourd'hui dans la sécurité de l'information et la protection des renseignements personnels.