L’illusion technologique en sureté aéroportuaire – Le cas des détecteurs d’intention néfaste

ou
Comment perdre son esprit scientifique et gagner des budgets publics

En ce début d’année 2011, les autorités israéliennes ont annoncé la mise en place, à l’aéroport Ben-Gourion de Tel-Aviv, d’un nouveau système automatisé de contrôle pré-embarquement des passagers. Malgré sa technologie avancée, le système UniPass – actuellement en phase de test – vient renforcer un processus de contrôle centré sur des intervenants humains.

Tel n’est clairement pas le paradigme en Occident, où l’on cherche à tout prix à développer la panacée sécuritaire : la machine qui détecte les terroristes en lisant dans leurs funestes pensées.

L’affaire est tout ce qu’il y a de plus sérieux. Souvenons-nous que, dans les années 70, les services de renseignement américains étaient persuadés que les médiums et autres « psychics » pouvaient les aider à gagner la Guerre froide. Aussi avaient-ils financé des programmes d’espionnage via pouvoirs paranormaux !

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Al-Qaïda de la Péninsule arabique et l’aviation civile : la grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le bœuf

– Une analyse du dernier numéro de la revue Inspire

Inspire est une publication périodique réalisée par Al-Malahem Media Production, la branche médias de l’organisation terroriste Al-Qaïda de la péninsule arabique (AQPA). Cette revue est disponible en versions anglaise et arabe. Son troisième numéro constitue une édition spéciale (special issue) datée de novembre 2010 et consacrée en intégralité aux attentats manqués du 29 octobre dernier contre deux avions cargo de FedEx et d’UPS.

L’analyse de ce dernier numéro nous permet d’avancer que lesdits attentats n’étaient pas à proprement parler des actes terroristes mais bien plutôt une opération médiatique et de propagande (1). AQPA tente ici de dissimuler ses difficultés grandissantes à déjouer la sureté aérienne ; pour ce faire, elle affiche une confiance en soi démesurée et exagère sa dangerosité envers l’aviation civile internationale (2).

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Avions cargo dans les turbulences terroristes – Une analyse à contre-courant

Le 29 octobre dernier, on apprenait la découverte, au Royaume-Uni et à Dubaï, de deux bombes dissimulées dans des cartouches d’encre pour imprimante. Expédiés depuis le Yémen, ces deux colis piégés devaient rallier Chicago par avion cargo quelques heures plus tard.

Depuis l’annonce de ces événements, la sécurité intérieure américaine et le secteur du transport aérien international ont encore resserré les contrôles à l’encontre des passagers et du fret. Ce double attentat manqué, qualifié dans les pays anglophones de ink bomb plot, a en effet été largement décrit comme l’événement terroriste le plus inquiétant depuis l’attentat du 25 décembre 2009 contre le vol 253 de Delta Airlines entre Amsterdam et Détroit. Dans une allocution, le président américain Barack Obama qualifiait les nouvelles visées d’al-Qaïda envers les avions cargo de « credible terrorist threat ».

Pourtant, ces sensationnalistes ardeurs politico-médiatiques doivent être grandement tempérées.

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Le ministère israélien des transports prend une décision de sécurité… non sécuritaire

Le Jerusalem Post révélait la semaine dernière que le ministère des transports israélien venait de contraindre la compagnie nationale El Al d’annuler la centaine de vols charter directs entre le Nigéria et Israël prévus pour la période des fêtes de fin d’année. Et aucune autre compagnie israélienne ne sera autorisée à assurer la liaison.

Cette décision, prise au vu des renseignements du service de sécurité du ministère des transports, a pour but d’éviter tout attentat, un an après la tentative du Nigérian Umar Farouk Abdul Muttalab, le 25 décembre dernier, de faire exploser le vol 253 de la NorthWest Airlines entre Amsterdam et Détroit.

Ce sont ainsi 28 000 pèlerins chrétiens du Nigéria qui devront trouver une alternative pour se rendre en Terre Sainte. Outre l’impact économique sur l’industrie du tourisme, cette décision administrative s’avère doublement inquiétante du point de vue de la sureté d’Israël.

Tout d’abord parce que, paradoxalement, cette décision accroit le risque d’attentat (1). Ensuite, parce qu’elle constitue un indice majeur de la dérive bureaucratique de l’État israélien (2).

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À quoi servent les chasseurs de l’armée qui escortent les avions de ligne ?

Le 15 mai dernier, un vol Hong-Kong-Vancouver de la Cathay Pacific a terminé son périple au-dessus de l’océan escorté par deux chasseurs CF-18 de l’Armée de l’air canadienne. Ceux-ci avaient été dépêchés en urgence par le NORAD (North American Aerospace Defence Command), après que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) avait fait état d’une menace d’attentat à la bombe à bord de l’avion de ligne.

Quand on demande audit NORAD la raison d’un tel déploiement de force autour d’un appareil civil en plein vol, il répond par la bouche de sa porte-parole, le Major Holly Apostoliuk :

Considering the time available when information is received about a potential threat to an aircraft, one does not have time for a full investigation, and neither would anyone want us to do so. The point is, based on the information, to do all we can to ensure a safe landing of the aircraft.

On ne s’inquiéterait pas outre mesure de ce genre de déclaration à l’emporte-pièce si elle n’avait pas été malencontreusement confirmée par un professeur en science politique de l’Université Simon Fraser (Colombie-Britannique), le Pr Stuart Farson, que La Presse canadienne présente comme un « terrorism expert » :

I think it’s just being appropriately cautious. The guys at NORAD just don’t have the time to identify what the threat actually is. You have to take some sort of action.

« Vous devez agir, d’une manière ou d’une autre » ? Certes, mais pas n’importe comment. Or, en pareil cas, envoyer la chasse pour intercepter un avion de ligne ne présente pas la moindre utilité.

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De Times Square à la « No Fly List »

La récente tentative d’attentat à la voiture piégée sur Times Square, à New York, nous ramène brutalement – et étonnamment – à la question des no-fly lists. En effet, le 3 mai dernier, soit 53 heures après la découverte fortuite de l’engin explosif, l’auteur de l’attentat manqué était arrêté par les autorités, à bord d’un avion de la compagnie Emirates sur le point de décoller à destination de Dubaï.

On a déjà à peu près tout écrit et tout dit sur la regrettable incapacité du FBI et consorts a empêché le terroriste, Faisal Shahzad, de monter dans l’avion, alors que :

  1. il était inscrit sur la No fly list, la liste la plus restrictive parmi les quatre utilisées aux États-Unis pour assurer la sûreté aérienne,  (cf. ce précédent article, § 2.1)
  2. il était recherché pour un acte terroriste déjà commis (tout du moins tenté).

Ce qui doit ici davantage retenir notre attention est ailleurs. Ainsi, on constatera tout d’abord que si Faisal Shahzad a été arrêté avant le décollage, c’est grâce à une procédure mise en place juste après le 11-Septembre : celle-ci impose à toutes les compagnies aériennes d’adresser aux Douanes américaines le manifeste de leurs vols (depuis ou vers les États-Unis) 30 minutes avant le départ de l’avion. Continuer la lecture de « De Times Square à la « No Fly List » »

Les leçons du vol 253 – La faillite du système des bases de données du renseignement

[Deuxième volet de l’étude consacrée à l’attentat manqué contre le vol 253]

Avant l’attentat manqué du 25 décembre 2009 contre le Vol Amsterdam-Détroit, la communauté américaine du renseignement avait collecté plusieurs informations pertinentes concernant l’implication terroriste d’Abdul Mutallab. Ce que l’on reproche principalement aujourd’hui à l’Administration, c’est son incapacité à relier les points (connecting the dots), à repérer et à arrêter Abdul Mutallab avant qu’il ne monte dans l’avion.

S’agit-il de nouvelles affres du cloisonnement entre les agences, quelques semaines après le massacre de Fort Hood (qui a mis en évidence le non-partage d’information entre l’Armée américaine et le FBI) ? Ou faut-il y voir un procès d’intention, diligenté par des politiciens médiatisés, spécialistes du « y-avait-qu’à-fallait-qu’on » ?

Après le 11 septembre 2001, la preuve fut faite que les agences de renseignement travaillaient en silo, sans partager l’information de sécurité nationale. On a alors instauré en 2005 l’Office of the Director of National Intelligence (ODNI) qui supervise les seize agences fédérales de renseignement. En son sein, a été créé le National Counter Terrorism Center (NCTC), dont la tâche est précisément de mettre en relation les informations pertinentes détenues par des agences différentes.

Mais en instaurant ces nouveaux organismes, l’Administration Bush a également créé un monstre bureaucratique qui a bien vite rendu inopérants les avantages techniques qu’aurait pu avoir ce changement majeur. L’affaire du vol 253 est symptomatique de cette bureaucratie. (…)

Les leçons du vol 253 – L’attentat manqué et la menace terroriste

Le 25 décembre 2009, peu avant midi (HNE) à bord du vol 253 de la NorthWest Airlines, un individu a tenté de faire détoner une charge explosive, quelques minutes avant l’atterrissage à Détroit (Michigan). À bord de l’Airbus A330, se trouvaient 289 personnes.

L’explosif n’a pas détoné mais s’est enflammé. Un passager assis à proximité s’est alors jeté sur l’individu. Aidé de membres de l’équipage, il a maitrisé le terroriste et éteint le feu.

Deux jours plus tard, Janet Napolitano, Secrétaire d’État à la sécurité intérieure, déclarait sur CNN :

One thing I’d like to point out is that the system worked. (…) The whole process of making sure that we respond properly, correctly and effectively went very smoothly.

Elle précisait le même jour sur ABC :

Now once this incident occurred, everything went according to clockwork.

Certes. Mais quid de l’efficacité du système avant l’attentat ? Mme Napolitano fut bien contrainte de reconnaitre explicitement le lendemain que, en l’occurrence, le système n’avait pas fonctionné. (2)

En revanche, Mme Napolitano a fait preuve d’un triomphalisme déplacé lorsqu’elle a déclaré, lors de l’interview de CNN :

He [the terrorist] was stopped before any damage could be done.

laissant entendre que tout est bien qui finit bien.

Cet optimisme de façade cache évidemment un malaise bien plus profond au sein de la Sécurité intérieure étatsunienne en général et de sa sureté du transport aérien en particulier. La tentative du 25 décembre pose un certain nombre de questions. À commencer par les circonstances de l’attentat du vol 253 et le contexte de la menace contre l’aviation civile. (…)

Une motion qui protège l’intimité des terroristes et autres vilains usagers des aéroports

Le 4 juin dernier, chez nos voisins du Sud, la Chambre des Représentants a voté la Transportation Security Administration Authorization Bill. Ce texte, qui doit encore être entériné par le Sénat, vise à encadrer légalement les pratiques et attributions de la TSA. Or, à cette occasion, la chambre basse du parlement américain a voté un amendement des plus regrettables consacré aux nouveaux scanneurs à ondes millimétriques testés par la TSA depuis plusieurs mois dans divers aéroports du pays.

Nous avons rappelé il y a quelques semaines la problématique de ces scanneurs que d’aucuns qualifient d’appareils de « fouille à nu virtuelle ». Et nous avons également souligné les limites des arguments avancés par les partisans de son interdiction dans les aéroports. Car, aussi chers et intrusifs que l’on puisse les considérer, ces scanneurs à ondes millimétriques présentent pour le moins l’intérêt considérable de repérer des objets dangereux que les portiques traditionnels ne détectent pas.

Si l’on n’est guère surpris que les parlementaires américains aient remis le couvert pour combattre les « scanneurs qui déshabillent », on reste en revanche abasourdi par la teneur de cet amendement, adopté à une majorité de près des trois quarts.

En effet, si cette loi devait être entérinée par le Sénat, ces appareils fort décriés ne seraient plus autorisés pour le contrôle pré-embarquement primaire, mais uniquement pour le contrôle secondaire (c’est à dire le contrôle visant à déterminer pour quelle raison la personne a échoué au contrôle primaire).

Cette motion qui se veut respectueuse de vos droits et libertés se révèle doublement – et gravement – illogique.

1 – Tout d’abord, les Représentants en faveur de ce texte vouent aux gémonies ces nouveaux scanneurs en ce qu’ils constituent, selon eux, une violation éhontée de votre intimité en tant que personne humaine. Jusque là, rien de bien sidérant.

Mais si d’aventure vous faites bipper le portique traditionnel du contrôle primaire, soudainement, vous entrez de plain-pied dans la caste des sous-hommes, ceux qui n’ont plus droit à leur intimité. En effet, si vous êtes Monsieur ou Madame Toulemonde et que vous avez oublié d’ôter votre ceinture à boucle métallique avant de passer sous le portique, vous devenez instantanément un paria, dont la « fouille à nu virtuelle » n’offusque plus les Représentants.

2 – Plus ridicule encore : si vous êtes un terroriste, soyez rassuré. Vous pourrez continuer à franchir le contrôle pré-embarquement les poches pleines d’armes à feu en matériau composite ou de couteaux en céramique. En effet, dès lors que vous ne faites pas bipper le portique traditionnel du contrôle primaire, les Représentants américains semblent estimer que vous ne présentez pas le moindre danger pour l’aviation civile…

Il est clair que cette incohérence est la résultante de tractations en coulisses entre Représentants démocrates, républicains progressistes et lobbyistes de l’industrie de la sécurité. Mais à trop vouloir ménager la chèvre et le chou, les résidents de l’aile Sud du Capitole n’ont apparemment pas compris qu’ils renforçaient l’effet pervers des dispositifs de sûreté de l’aviation civile : alourdir toujours davantage le passage à l’aéroport de Mr GoodGuy, sans pour autant entraver celui de Mr BadGuy.

Le terroriste ultime

Pour être qualifié de terroriste, il n’est PAS nécessaire qu’un attentat soit motivé par une quelconque idéologie.

La loi canadienne doit, sur ce point, être modifiée.

Heath Ledger n’a pas démérité de son Oscar posthume. Dans Le chevalier noir (2008), il campe un Joker proprement fascinant. Il est vrai que les deux scénaristes ont su conférer au personnage une profondeur qui fait date. Après le fou rigolard des BD classiques, le prince du crime timbré du film de Tim Burton, puis le génie du mal des comics de Frank Miller, le Joker du film de Christopher Nolan incarne désormais le terroriste ultime, celui qui agit sans obéir à la moindre idéologie.

D’aucuns relèveront ici une contrevérité. En effet, dans l’inconscient collectif, un terroriste agit nécessairement dans le but d’imposer un nouveau pouvoir temporel ou spirituel.

Mais est-ce vraiment nécessaire ?

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