ACE, un projet de prédictions statistiques en renseignement

Par Amotz Brandes

Version originale : « ACE » – chameleonassociates.comhttp://ow.ly/eaoLn

Traduit de l’anglais (américain) par AP

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L’IARPA (Intelligence Advanced Research Projects Activity) est en quelque sorte le cousin en renseignement de la DARPA [Defence Advanced Research Projects Activity – NdT]. L’un de ses projets d’étude, baptisé ACE (Aggregative Contingent Estimation) entre dans sa deuxième année (il est prévu pour durer 4 ans). L’idée fondamentale de ce projet est que, via les statistiques, on peut accroitre la crédibilité d’une prédiction relative à un grand événement (comme un changement de régime politique ou une attaque terroriste), dès lors que cette prédiction implique un grand nombre d’analystes. Est-ce que les opinions ainsi agrégées de milliers d’analystes issus de 17 agences peuvent alerter ou prédire des événements globaux et ce, de façon plus précise que ne le ferait une poignée d’analystes super-pointus ? Ce sont de telles stratégies d’externalisation ouverte [crowdsourcing – NdT] que l’IARPA met à l’épreuve, à des fins de sécurité nationale.

En tant qu’apôtre du profilage prédictif, je suis en accord avec les visées prédictives du projet. Il est certes préférable de prévoir plutôt que de simplement réagir. Par ailleurs, intuitivement, je trouve intéressante l’idée de compiler des opinions et des données issues d’un grand nombre d’experts provenant d’horizons différents.

Après tout, au cours de l’Histoire, il est advenu que des esprits brillants s’assemblent en grand nombre et parviennent à des résultats extraordinaires. Et avec la technologie d’aujourd’hui, la collaboration est plus aisée que jamais.

En outre, il arrive parfois que des experts non officiellement reconnus, positionnés légèrement en retrait par rapport à un problème, en aient une meilleure compréhension, précisément en raison de cette distanciation.

Parmi les exemples d’incidents que les analystes n’avaient pas prévus, on trouve la chute de l’URSS, le 11-Septembre et le Printemps arabe. Je soupçonne néanmoins qu’une poignée d’analystes spécialisés avaient prédit ces événements, avant qu’ils ne surviennent et ce, avec une certaine précision.

Dans le cas de la récente tragédie survenue dans un cinéma d’Aurora (Colorado), dès le mois de juin, le psychiatre du tireur fou, à l’Université du Colorado, avait des inquiétudes concernant James Holmes ; il en avait fait part à l’équipe d’évaluation de la menace de l’établissement. Mais pour toute une série de raisons, aucune action n’avait été prise.

Dans les mois qui ont précédé le 11-Septembre, un grand nombre de rapports en provenance de diverses agences de renseignement de sécurité et de contreterrorisme – américaines comme étrangères – avaient été remis aux autorités. Ils les informaient de l’imminence d’une attaque d’Al-Qaïda en sol américain, à l’aide d’avions utilisés comme missiles.

Alors bien sûr, il est toujours plus facile de faire des prédictions après coup. Et personne ne possède de boule de cristal. Mais lorsque de telles alertes ont retenti, pourquoi ne les a-t-on-pas entendues ? Je soupçonne une multitude de raisons. Parmi elles, le fait que certaines prédictions ont pu sembler tirées par les cheveux. Des prévisions non orthodoxes ou émanant de profanes ont généralement moins de valeur. Et donner du crédit à une telle alerte peut s’avérer embarrassant ou difficile ; en effet, il n’existe quasiment aucun mécanisme de réponse adéquat, pour le cas où cette alerte se révélerait fondée.

Je ne discute pas le fait qu’il puisse être bénéfique de développer des outils quantitatifs toujours plus solides. Mais je pense vraiment qu’il y a une place pour un élément qualitatif, visant à apprendre quand prêter attention et comment répondre à une alerte ; et il mérite tout autant l’attention de la communauté scientifique.

À propos de Amotz Brandes

Amotz Brandes est un vétéran de l’Unité spéciale de reconnaissance et de renseignement de l’Armée israélienne. Il a ensuite été, durant quatre ans, agent de sureté pour la compagnie aérienne israélienne El Al, à Los Angeles. Il est aujourd’hui directeur associé au sein de la compagnie Chameleon Associates, spécialisée dans la formation-conseil en sureté et le renseignement privé.