Sectes – L’allégorie du berger revue et corrigée – 4. ̷₄

Sommaire de cette série

4 – Mise en application du modèle de la bergerie


Le modèle de la bergerie se propose, sur une base objective :

  • de détecter les églises délinquantes ;

  • et, parmi elles, de distinguer entre les églises radicales et les églises malveillantes.

Pour en faire la démonstration, nous prendrons ici comme exemples deux nouveaux mouvements religieux particulièrement controversés : les Témoins de Jéhovah (4.1) et l’Église de scientologie (4.2).

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Sectes – L’allégorie du berger revue et corrigée – 3. ̷₄

Sommaire de cette série

3 – Églises radicales et églises malveillantes


On rencontre traditionnellement deux acceptions concurrentes du mot « secte » :

  • dans son sens étymologique, la secte est un groupe issu d’une organisation religieuse dont il s’est coupé (du latin secare) pour suivre (du latin sequi) une version alternative du dogme et/ou un autre leader ;
  • au sens péjoratif, la secte est un nouveau mouvement religieux controversé, qui présenterait un danger pour les individus et la société.

Mais quels sont les critères objectifs et pertinents qui permettent de faire la distinction entre les deux acceptions ?

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Sectes – L’allégorie du berger revue et corrigée – 2. ̷₄

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2 – Une nouvelle représentation :
le modèle de la bergerie

Quand au mouton bêlant la sombre boucherie
Ouvre ses cavernes de mort,
Pâtres, chiens et moutons, toute la bergerie
Ne s’informe plus de son sort. (…)

André Chénier, Ïambes


Voilà des décennies que l’on représente le rapport entre un gourou et ses adeptes par l’allégorie du berger. Au-delà du lieu commun, cette représentation simpliste présente trois défauts majeurs :

  • elle crée une dichotomie stricte : dans une communauté religieuse, on est soit berger, soit mouton ;
  • elle tend à considérer tous les bergers sur un pied d’égalité, d’un groupe religieux à un autre (qu’il soit ou non dangereux) ; alors que tous les chefs de communauté religieuse ne se valent pas ;
  • elle ne fait aucune distinction parmi les adeptes, quels que soient leur rôle, leurs activités et leurs comportements au sein du groupe.

Il s’avère donc essentiel de modifier le modèle du berger afin qu’il puisse donner une vision plus nuancée des organisations religieuses et mieux rendre compte de leur éventuel degré de dangerosité.

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Sectes – L’allégorie du berger revue et corrigée – 1. ̷₄

Pour expliquer simplement la relation entre un gourou et ses adeptes, on a coutume de s’en remettre à l’allégorie du berger. Si ce modèle présente quelques vertus en victimologie, il est à proscrire dès lors que l’on s’intéresse aux mouvements religieux sous l’angle du droit criminel.

Dans cette série d’articles, je propose une profonde refonte de ce modèle, afin de mieux appréhender la dangerosité sociale du gourou et de son organisation.


Sommaire de cette série :

  1. Gourou et adeptes, une responsabilité partagée ? Vraiment ?!
  2. Une nouvelle représentation : le modèle de la bergerie
  3. Un modèle pour distinguer églises radicales et églises malveillantes
  4. Mise en application : Témoins de Jéhovah et Église de scientologie

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Les critères de la secte utilisés par la MIVILUDES : une erreur d’interprétation des travaux de la DCRG

Pour définir ce qu’est une secte, la MIVILUDES recourt à une approche empirique : les fameux critères de dangerosité, issus des travaux de feue la Direction centrale des renseignements généraux (DCRG).

Problème : cette approche repose sur une grossière erreur d’interprétation, commise par une commission parlementaire en 1995 et que personne dans la haute administration n’a jamais cherché à corriger. Autrement dit, depuis plus de quinze ans, la MIVILUDES définit la secte et la dérive sectaire de façon totalement erronée…

Dès 1996, les services du Premier Ministre français considèrent la surveillance des sectes comme une cause nationale. C’est en effet à cette date que l’Hôtel Matignon crée l’Observatoire interministériel sur les sectes. Lequel sera remplacé en 1998 par la Mission interministérielle de lutte contre les sectes (MILS), puis par la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES) fin 2002.

Quinze ans plus tard, force est de constater que cette dernière n’a jamais été capable de tenir son rang. La lecture du dernier rapport annuel de la MIVILUDES m’a une nouvelle fois plongé dans des abimes de consternation. Les raisons de se lamenter ne manquent pas. Il serait présomptueux de prétendre toutes les expliquer ici. Toutefois, il est assez facile de donner au lecteur une idée de l’ampleur du problème.

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Témoins de Jéhovah et transfusions sanguines – La jeune fille et la mort (6/6)

Sommaire de cette série

6 –  Le rapport du coroner occulte la menace

Le 14 novembre dernier, le coroner Luc Malouin a remis son rapport sur le décès d’Éloïse Dupuis. Ce document officiel vient confirmer ce que l’on savait déjà : la jeune femme est morte des suites de son refus des transfusions sanguines.

Pour le reste, le rapport du coroner est un florilège d’erreurs (6.1), aux regrettables conséquences (6.2), qui détourne l’attention de la vraie problématique : la responsabilité des Témoins de Jéhovah dans cette affaire, notamment au pénal, sur le fondement de l’homicide involontaire coupable (6.3).

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Témoins de Jéhovah et transfusions sanguines – La jeune fille et la mort (5/6)

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5 – Un certain manque de courage du côté de l’hôpital

Contraintes létales sur les adeptes, pressions sur le personnel médical, lobbyisme auprès des autorités,… 

Le refus des transfusions sanguines par l’organisation des Témoins de Jéhovah est la funeste manifestation d’une radicalité religieuse. Les médecins et l’administration des hôpitaux doivent prendre la mesure de l’enjeu. Et agir en conséquence.

Pourquoi l’Hôtel-Dieu de Lévis n’a-t-il pas pris les dispositions médicales et légales qui s’imposaient pour sauver la vie d’Éloïse Dupuis ?

Pour le journaliste Paul Journet, les médecins ont fait tout ce qui était en leur pouvoir :

Depuis les « estrades », on peut penser que les médecins n’en font pas assez pour protéger les patients contre eux-mêmes. Ce serait toutefois oublier qu’ils sont les premiers à être troublés par ces cas désespérants, et aussi qu’ils ont les mains liées par la jurisprudence.

Eh bien, depuis mon estrade, je pense que les médecins n’en ont pas fait assez pour protéger Éloïse Dupuis. Car ce n’était pas d’elle-même qu’il fallait la protéger ; mais de son église.

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Témoins de Jéhovah et transfusions sanguines – La jeune fille et la mort (4/6)

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4 – La responsabilité des Témoins de Jéhovah en tant que groupe

Remettre en cause la légitimité de la mort d’Éloïse Dupuis, c’est estimer que, au-delà de la responsabilité individuelle de la jeune femme,  l’organisation des Témoins de Jéhovah a joué un rôle funeste dans cette affaire. Ce que confirme l’analyse des faits à la lumière du dogme jéhoviste.

De nombreuses voix influentes s’accordent pour dire que la responsabilité de ce drame repose sur les seules épaules de la victime, qui aurait choisi de mourir plutôt que de renier sa religion.

J’estime pour ma part que cette vision erronée nie la dangerosité intrinsèque des Témoins de Jéhovah dans ce genre d’affaires (4.1). Dans le cas d’Éloïse Dupuis, il fallait rechercher la responsabilité du groupe religieux, en relevant les éléments subjectifs (4.2) et objectifs (4.3) de la crainte qu’il a inspirée chez la jeune femme, en exerçant ou en menaçant d’exercer sur elle un abus d’autorité, en vertu de l’article 1403 du Code civil du Québec.

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Témoins de Jéhovah et transfusions sanguines – La jeune fille et la mort (3/6)

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3 – La validité du refus des transfusions

Remettre en cause la légitimité de la mort d’Éloïse Dupuis, c’est se demander si son refus des transfusions sanguines était juridiquement valide.

Sans prétendre à l’exhaustivité, on présentera ici les éléments du droit positif québécois qui auraient dû conduire les médecins, voire un juge, à examiner avec attention le refus de la jeune femme – et à conclure à son invalidité.

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Témoins de Jéhovah et transfusions sanguines – La jeune fille et la mort (2/6)

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2 – La liberté religieuse n’est pas absolue

Si un citoyen s’immole par le feu en place publique pour protester contre la persécution religieuse dont est victime son église, doit-on le regarder brûler jusqu’à ce que mort s’ensuive, sous prétexte qu’il exerce ainsi sa liberté religieuse ?

Si un citoyen s’immole par le feu en place publique pour protester contre la politique fiscale qui a anéanti son entreprise, doit-on le regarder brûler jusqu’à ce que mort s’ensuive, sous prétexte qu’il manifeste ainsi ses convictions politiques ?

Pour une raison que la raison ignore, nombre de commentateurs de l’affaire Éloïse Dupuis répondraient différemment à ces deux questions (cf. article précédent). Il semble en effet que, pour eux, la liberté religieuse s’impose avec une telle force, une telle évidence, qu’ils refusent à l’État toute ingérence en la matière et ce, même lorsque la vie humaine est en jeu.

La liberté religieuse est-elle plus importante que les autres libertés fondamentales ? Échappe-t-elle nécessairement au contrôle de la loi et du juge ?

Non et non, bien évidemment.

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