Une sureté efficace sans renseignement ?

Par Amotz Brandes

Version originale : Good Security without Intel?

Traduit de l’anglais (américain) par AP

Une organisation de sureté peut-elle travailler efficacement sans recourir à du renseignement fourni par des organismes à l’externe ? La réponse est un oui retentissant. Souvent, les organismes de sureté dépendent des agences gouvernementales pour la fourniture d’informations [sensibles]. Par exemple, la Transportation Security Administration (TSA) se fie au Terrorist Screening Center du FBI pour produire la liste d’interdiction de vol [No-Fly List] et la liste de sélection de contrôle secondaire. Le renseignement fourni par une institution gouvernementale peut évoquer la possibilité d’un attentat, identifier une personne digne d’intérêt ou révéler un mode opératoire terroriste. La diffusion de ce renseignement peut être aussi bien générale que spécifique. Mais, qu’il concerne l’identité d’un ennemi potentiel, des indicateurs de suspicion ou un mode opératoire, ce renseignement, certes bienvenu, s’avère limité par nature.

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Vidéo Youtube sur l’inefficacité des scanneurs corporels d’aéroport – La TSA incapable de réagir

Mine de rien, c’est une crise majeure qu’est en train de traverser la Transportation Security Administration (TSA).

Son instigateur : un jeune ingénieur américain, Jonathan Corbett.

Son crime : la semaine dernière, il a publié sur YouTube une vidéo qu’il a tournée lui-même au point de fouille de deux aéroports américains. Il y montrait la facilité déconcertante avec laquelle on peut tromper les scanneurs corporels de la TSA et faire monter dans un avion de ligne des objets ou substances dangereux pour l’aviation civile : il a cousu à la main une poche latérale sur sa chemise et y a glissé une boite métallique ; l’objet n’a pas été détecté par le scanneur corporel de l’aéroport de Fort Lauderdale, ni par celui de Cleveland… En l’espace d’une semaine, cette vidéo a été visionnée 1.750.000 fois !

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Contrôle aléatoire préembarquement : une dangereuse illusion de sureté

Dans les aéroports canadiens, le point de contrôle préembarquement déploie des appareils de haute technologique, particulièrement onéreux à implanter et à entretenir ; mais que l’on peut pourtant encore contourner.

La liste des exemples est longue ; aussi n’en citerai-je ici que deux, sur lesquels j’ai déjà écrits dans le cadre de ce blogue.

  • Les fameux scanneurs corporels, tout d’abord. Au Canada, ces « scanneurs qui déshabillent » ne sont utilisés qu’au contrôle secondaire ; c’est à dire seulement lorsque le portique détecteur de métaux du contrôle primaire sonne l’alarme. Cette approche me semble contestable, comme je l’ai précédemment expliqué ici.
  • Les détecteurs d’explosifs liquides, ensuite. Comme je le mentionnais dans un précédent article, ces appareils demeureront  sans grand intérêt tant qu’une technologie efficace ne sera pas en place à toutes les lignes de contrôle préembarquement, dans tous les aéroports et tant que l’on ne les aura pas couplés systématiquement avec un scanneur corporel.

À la lecture de ces textes, on serait tenté de rétorquer : C’est oublier un important niveau de sureté supplémentaire : le contrôle aléatoire au point de fouille.

Non, je ne l’ai pas oublié. Malheureusement, dans les faits, cette mesure se révèle illusoire pour lutter efficacement contre le terrorisme aérien.

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L’obsession technologique des autorités américaines – Le syndrome de la chaussure piégée

Jeudi dernier, une dépêche de l’AFP faisant état du discours prononcé le jour même, à Las Vegas, par Mme Janet Napolitano, Secrétaire à la sécurité intérieure des États-Unis, devant un parterre de gestionnaires de l’industrie du transport et du tourisme.

Elle y a déclaré que les bombes dissimulées dans les chaussures constituent encore et toujours une menace pour l’aviation civile. Elle a ajouté que son ministère cherche  activement une solution technologique à ce problème. Mais qu’en attendant, les voyageurs devront continuer à ôter leurs chaussures pour les faire scanner au point de contrôle préembarquement des aéroports.

Et d’asséner péremptoirement :

It’s a technological problem.

Cette petite phrase, totalement erronée, est lourde de sens. Elle révèle que, pour les autorités américaines, la sureté de l’aviation civile est avant tout, encore et toujours, une question de technologie : Continuer la lecture de « L’obsession technologique des autorités américaines – Le syndrome de la chaussure piégée »

Le Congrès américain fustige encore le profilage de sureté, mais ne le comprend toujours pas

Qu’on l’appelle profilage de sureté, behavior pattern recognition ou évaluation comportementale de la menace, l’empirique et efficace système de sureté qui nous vient d’Israël subit des attaques récurrentes.

Le principal reproche qui est formulé à son encontre est que cette méthode de détection des malfaisants, telle que pratiquée notamment à l’aéroport Ben-Gourion de Tel Aviv, ne serait en fait ni plus ni moins que du profilage racial.

Cette argumentation est pour le moins absurde, quand on sait que si un aéroport dans le monde ne pratique pas le profilage racial, c’est bien celui de Tel Aviv. En effet, les Israéliens savent pertinemment que le profilage racial ne fonctionne pas. Car c’est dans cet aéroport qu’a eu lieu, en 1972, le pire attentat terroriste jamais commis contre l’aviation civile israélienne : descendant d’un vol Air France en provenance de Rome, trois terroristes avaient récupéré leurs bagages (des étuis à violon…) et en avaient extirpé des mitraillettes et des grenades. En l’espace de quelques secondes, le commando avait fait 26 morts et 79 blessés. Continuer la lecture de « Le Congrès américain fustige encore le profilage de sureté, mais ne le comprend toujours pas »

Aéroport de Francfort : un attentat terroriste inquiétant, pourtant bien vite oublié

Le 2 mars dernier, sur la rampe des arrivées de l’aéroport international de Francfort (Allemagne), un homme est monté à bord d’un autocar qui s’apprêtait à convoyer une vingtaine de soldats américains. Il a sorti un pistolet et fait feu à plusieurs reprises, tuant ainsi deux militaires et en blessant deux autres.

La finalité terroriste de l’agresseur est aujourd’hui clairement établie : Arid Uka, 21 ans, musulman d’origine kosovare résidant en Allemagne, a agi de la sorte pour condamner à sa manière la présence de l’armée américaine en Afghanistan. Les soldats ciblés arrivaient en effet du Royaume-Uni et s’apprêtaient à rallier par la route la base américaine de Rammstein d’où ils s’envoleraient pour l’Afghanistan.

Ce qui frappe le plus dans cette attaque jihadiste, c’est la faiblesse de la couverture médiatique qui lui a été accordée. Une semaine après les faits, les médias internationaux n’évoquaient déjà plus l’événement ; et ce, avant même que ne surviennent le tsunami japonais et la crise libyenne

Pourtant, malgré les apparences, l’attentat de Francfort mérite une attention particulière. Il cumule en effet quatre éléments préoccupants ayant trait à la menace terroriste globale (1) comme spécifique aux aéroports occidentaux (2).

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Scanneurs à liquide dans les aéroports européens – Hypocrisie ou cécité ?

Ces dernières semaines, on parle de plus en plus du prochain relâchement de la restriction sur les LAG (liquides, aérosols et gels) au contrôle préembarquement dans les aéroports européens. Le New York Times vient d’ailleurs d’y consacrer un article.

En effet, d’ici deux mois (le 29 avril exactement), les passagers transitant par un aéroport de l’Union européenne seront autorisés à transporter des produits LAG achetés dans une boutique hors-taxes d’aéroport ou à bord d’un avion de ligne ; et ce, sans avoir à les faire scanner au point de fouille.

On se souvient que cette restriction sur les LAG trouve son origine dans un complot fomenté au Royaume-Uni en 2006 par des terroristes islamistes. Il s’agissait pour eux de faire exploser quasi-simultanément en vol au moins sept avions de ligne assurant la liaison entre l’Angleterre et l’Amérique du Nord (États-Unis et Canada) à l’aide d’explosifs liquides.

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Droit syndical à la TSA – L’arbre qui cache la forêt

ou
Quand la paix sociale au sein d’une administration vaut plus que la sécurité et l’intérêt du public

Dans le domaine des décisions erronées, la Transportation Security Administration (TSA) américaine n’a décidément pas son pareil. Le 29 janvier dernier, son chef, John Pistole, annonçait qu’il mettait fin au Screening Partnership Program (SPP). Ce projet pilote visait à permettre à certains aéroports de faire réaliser le contrôle pré-embarquement des passagers par des agents de sécurité privée.

En effet, partout ailleurs, dans près de 440 aéroports américains, ce sont des agents de la TSA, donc du secteur public fédéral, qui officient aux portiques.

John Pistole vient de rayer d’un trait de plume péremptoire l’expansion de ce programme, qui reste en vigueur dans seulement 16 aérodromes – dont les plus notables sont les aéroports internationaux de San Francisco et Kansas City.

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L’illusion technologique en sureté aéroportuaire – Le cas des détecteurs d’intention néfaste

ou
Comment perdre son esprit scientifique et gagner des budgets publics

En ce début d’année 2011, les autorités israéliennes ont annoncé la mise en place, à l’aéroport Ben-Gourion de Tel-Aviv, d’un nouveau système automatisé de contrôle pré-embarquement des passagers. Malgré sa technologie avancée, le système UniPass – actuellement en phase de test – vient renforcer un processus de contrôle centré sur des intervenants humains.

Tel n’est clairement pas le paradigme en Occident, où l’on cherche à tout prix à développer la panacée sécuritaire : la machine qui détecte les terroristes en lisant dans leurs funestes pensées.

L’affaire est tout ce qu’il y a de plus sérieux. Souvenons-nous que, dans les années 70, les services de renseignement américains étaient persuadés que les médiums et autres « psychics » pouvaient les aider à gagner la Guerre froide. Aussi avaient-ils financé des programmes d’espionnage via pouvoirs paranormaux !

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Al-Qaïda de la Péninsule arabique et l’aviation civile : la grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le bœuf

– Une analyse du dernier numéro de la revue Inspire

Inspire est une publication périodique réalisée par Al-Malahem Media Production, la branche médias de l’organisation terroriste Al-Qaïda de la péninsule arabique (AQPA). Cette revue est disponible en versions anglaise et arabe. Son troisième numéro constitue une édition spéciale (special issue) datée de novembre 2010 et consacrée en intégralité aux attentats manqués du 29 octobre dernier contre deux avions cargo de FedEx et d’UPS.

L’analyse de ce dernier numéro nous permet d’avancer que lesdits attentats n’étaient pas à proprement parler des actes terroristes mais bien plutôt une opération médiatique et de propagande (1). AQPA tente ici de dissimuler ses difficultés grandissantes à déjouer la sureté aérienne ; pour ce faire, elle affiche une confiance en soi démesurée et exagère sa dangerosité envers l’aviation civile internationale (2).

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