Proposition de loi sur les thérapies de conversion sexuelle : le diable se cache dans les détails


Le 2 juin dernier, était déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale française une Proposition de loi interdisant les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne.

Son auteure, la députée Laurence Vanceunebrock (LREM) était déjà la co-rapporteure en 2019 d’un mission d’information de l’Assemblée sur le même thème.

Cette proposition de loi intéresse particulièrement les observateurs du phénomène sectaire, puisqu’un certain nombre de groupes religieux radicaux ont recours aux thérapies de conversion.

L’inquiétude dont se prévaut la députée est légitime. Et il ne fait guère de doute que cette proposition de loi sera entérinée par la représentation nationale. En effet, qui au Parlement pourrait cautionner de telles pratiques moyenâgeuses et refuser de voter ce texte ?

Et pourtant, la proposition pose problème ; non pas quant à la pertinence de son objectif, mais quant aux moyens qu’elle se propose d’utiliser, au nom de cet objectif.

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« Cryptage » n’est pas un gros mot – 4 ̷₄

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4 –  Le cryptage, à quoi ça sert ?


La distinction entre le chiffrement réversible et le cryptage n’est pas une question de calcul cryptographique. Dans les deux cas, on a besoin d’une clé de chiffrement pour chiffrer l’information. La différence réside dans les modalités d’utilisation du chiffrement et dans le but recherché par le chiffreur.

Le chiffrement réversible présente un intérêt évident dans la vie de tous les jours. Il permet d’assurer la confidentialité d’une information, autrement dit de veiller à ce que cette information ne soit accessible qu’aux seules personnes autorisées à en prendre connaissance. Cela suppose que ces personnes autorisées puissent en prendre connaissance. On ne peut pas, en effet, communiquer de façon récurrente en utilisant du chiffrement irréversible : cela nécessiterait que les interlocuteurs (et eux seulement) soient capables de décrypter rapidement les messages qui leur sont adressés. Le chiffrement doit ici être réversible.

Toutefois, il existe des cas dans lesquels le chiffrement doit ne pas pouvoir être inversé. Continuer la lecture de « « Cryptage » n’est pas un gros mot – 4 ̷₄ »

« Cryptage » n’est pas un gros mot – 3 ̷₄

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3 – Le cryptage, un chiffrement non réversible


Le mot cryptage produit sur les gardiens du dogme informatique le même effet qu’un crissement de craie sur un tableau noir. Leur réaction est immédiate et immuable : le cryptage, ça n’existe pas.

Et d’échafauder une dialectique reposant sur de bien faibles arguments lexicaux (3.1) et sur l’idée erronée selon laquelle le cryptage ne peut pas exister parce que l’on ne peut pas chiffrer sans clé (3.2).

3.1 – Un argumentaire lexical usé jusqu’à la corde

3.1.1 – « Cryptage » n’existe pas dans la langue française ؟

À en croire les mollahs des DSI, cryptage n’est pas un mot de la langue française parce qu’il n’existe pas dans le dictionnaire de l’Académie française.

Photo détournée de « La Télé des Inconnus » (1990)

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« Cryptage » n’est pas un gros mot – 2 ̷₄

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2 – Rendre à l’information sa forme intelligible –
Déchiffrement et décryptage


Pour retrouver l’information en clair à partir de sa forme chiffrée, deux possibilités se présentent :

      • le déchiffrement – que l’on réalise lorsque l’on dispose de la clé ad hoc – ;
      • et le décryptage – que l’on tente lorsque l’on n’en dispose pas.

Notons que la langue française marque clairement la distinction fondamentale entre déchiffrement et décryptage. Il n’en va pas de même dans la langue anglaise, laquelle utilise :
– les verbes to encrypt , cipher et encipher pour traduire chiffrer (##),
– les verbes to decrypt et to decipher pour traduire indistinctement (ou respectivement !) déchiffrer et décrypter (##).

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« Cryptage » n’est pas un gros mot – 1 ̷₄

Sommaire de cette série :

    1. Qu’est-ce que le chiffrement ?
    2. Rendre à l’information sa forme intelligible – Déchiffrement et décryptage
    3. Le cryptage, un chiffrement non réversible
    4. Le cryptage, à quoi ça sert ?

Le mot cryptage n’est pas un barbarisme. Il ne désigne pas non plus un impossible chiffrement sans clé. Le cryptage, c’est du chiffrement, mais dans certaines circonstances. La distinction présente un intérêt dans le domaine du renseignement et des enquêtes informatiques. 

Il y a quelques semaines, j’ai eu sur Twitter une discussion (i.e. un dialogue de sourds) avec un professionnel de l’informatique au sujet du mot cryptage. Véritable tarte à la crème de la sécurité de l’information, le débat sur ce mot n’en finit pas de noircir des pages. Pour résumer grossièrement, dans cette bataille rangée, deux camps s’opposent :

  • les professionnels hardcore de l’informatique qui, à l’image de mon contradicteur, estiment que :
  • les autres (comprenez les noobs), qui utilisent le terme cryptage – le plus souvent comme synonyme du mot chiffrement. C’est notamment le cas de certains journalistes scientifiques.
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Sectes – L’allégorie du berger revue et corrigée – 4. ̷₄

Sommaire de cette série

4 – Mise en application du modèle de la bergerie


Le modèle de la bergerie se propose, sur une base objective :

  • de détecter les églises délinquantes ;

  • et, parmi elles, de distinguer entre les églises radicales et les églises malveillantes.

Pour en faire la démonstration, nous prendrons ici comme exemples deux nouveaux mouvements religieux particulièrement controversés : les Témoins de Jéhovah (4.1) et l’Église de scientologie (4.2).

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Sectes – L’allégorie du berger revue et corrigée – 3. ̷₄

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3 – Églises radicales et églises malveillantes


On rencontre traditionnellement deux acceptions concurrentes du mot « secte » :

  • dans son sens étymologique, la secte est un groupe issu d’une organisation religieuse dont il s’est coupé (du latin secare) pour suivre (du latin sequi) une version alternative du dogme et/ou un autre leader ;
  • au sens péjoratif, la secte est un nouveau mouvement religieux controversé, qui présenterait un danger pour les individus et la société.

Mais quels sont les critères objectifs et pertinents qui permettent de faire la distinction entre les deux acceptions ?

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Sectes – L’allégorie du berger revue et corrigée – 2. ̷₄

Sommaire de cette série

2 – Une nouvelle représentation :
le modèle de la bergerie

Quand au mouton bêlant la sombre boucherie
Ouvre ses cavernes de mort,
Pâtres, chiens et moutons, toute la bergerie
Ne s’informe plus de son sort. (…)

André Chénier, Ïambes


Voilà des décennies que l’on représente le rapport entre un gourou et ses adeptes par l’allégorie du berger. Au-delà du lieu commun, cette représentation simpliste présente trois défauts majeurs :

  • elle crée une dichotomie stricte : dans une communauté religieuse, on est soit berger, soit mouton ;
  • elle tend à considérer tous les bergers sur un pied d’égalité, d’un groupe religieux à un autre (qu’il soit ou non dangereux) ; alors que tous les chefs de communauté religieuse ne se valent pas ;
  • elle ne fait aucune distinction parmi les adeptes, quels que soient leur rôle, leurs activités et leurs comportements au sein du groupe.

Il s’avère donc essentiel de modifier le modèle du berger afin qu’il puisse donner une vision plus nuancée des organisations religieuses et mieux rendre compte de leur éventuel degré de dangerosité.

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Sectes – L’allégorie du berger revue et corrigée – 1. ̷₄

Pour expliquer simplement la relation entre un gourou et ses adeptes, on a coutume de s’en remettre à l’allégorie du berger. Si ce modèle présente quelques vertus en victimologie, il est à proscrire dès lors que l’on s’intéresse aux mouvements religieux sous l’angle du droit criminel.

Dans cette série d’articles, je propose une profonde refonte de ce modèle, afin de mieux appréhender la dangerosité sociale du gourou et de son organisation.


Sommaire de cette série :

  1. Gourou et adeptes, une responsabilité partagée ? Vraiment ?!
  2. Une nouvelle représentation : le modèle de la bergerie
  3. Un modèle pour distinguer églises radicales et églises malveillantes
  4. Mise en application : Témoins de Jéhovah et Église de scientologie

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Les critères de la secte utilisés par la MIVILUDES : une erreur d’interprétation des travaux de la DCRG

Pour définir ce qu’est une secte, la MIVILUDES recourt à une approche empirique : les fameux critères de dangerosité, issus des travaux de feue la Direction centrale des renseignements généraux (DCRG).

Problème : cette approche repose sur une grossière erreur d’interprétation, commise par une commission parlementaire en 1995 et que personne dans la haute administration n’a jamais cherché à corriger. Autrement dit, depuis plus de quinze ans, la MIVILUDES définit la secte et la dérive sectaire de façon totalement erronée…

Dès 1996, les services du Premier Ministre français considèrent la surveillance des sectes comme une cause nationale. C’est en effet à cette date que l’Hôtel Matignon crée l’Observatoire interministériel sur les sectes. Lequel sera remplacé en 1998 par la Mission interministérielle de lutte contre les sectes (MILS), puis par la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES) fin 2002.

Quinze ans plus tard, force est de constater que cette dernière n’a jamais été capable de tenir son rang. La lecture du dernier rapport annuel de la MIVILUDES m’a une nouvelle fois plongé dans des abimes de consternation. Les raisons de se lamenter ne manquent pas. Il serait présomptueux de prétendre toutes les expliquer ici. Toutefois, il est assez facile de donner au lecteur une idée de l’ampleur du problème.

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