Lutte contre les sectes – Pour un changement de modèle stratégique – 5/5

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5. Pourquoi prioriser la lutte contre les organisations sectaires nuisibles

Lorsque nous avons développé le spectre des dérives sectaires, nous avons constaté que deux d’entre elles – les citoyens souverains et les groupes jihadistes – font l’objet d’un suivi par des services spécifiques de l’État. Ces deux catégories seront donc retirées de l’équation dans les prochains développements.

Les autres catégories sont susceptibles d’être suivies par les acteurs traditionnels de la lutte contre les « dérives sectaires » :‌ Miviludes, Caimades, autres services de police judiciaire, brigades de gendarmerie, Service central du renseignement territorial

Dans cette dernière partie, nous allons voir pourquoi, selon moi, ces acteurs traditionnels devraient – du moins dans un premier temps – focaliser leur action quasi-exclusivement sur les « organisations sectaires nuisibles.»

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Lutte contre les sectes – Pour un changement de modèle stratégique – 4/5

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4. (Re)définir la « secte » comme organisation sectaire nuisible

4.1. Pourquoi définir la « secte »

Au Canada, la lutte contre le crime organisé est d’abord l’œuvre d’équipes de policiers et d’analystes en renseignement criminel ayant une spécialisation sur une “souche de criminalité” (une catégorie de groupes délinquants) : crime organisé d’origine italienne, motards violents, groupes autochtones, groupes est-européens, gangs de rue, etc. Ces souches de criminalité sont clairement établies et définies.

Ainsi, pour la souche Gangs de rue, dans un article universitaire, plusieurs spécialistes rappelaient qu’une bonne définition commune du terme gang de rue :

« 1) favorise des estimations exactes des activités liées aux gangs à l’échelle nationale, provinciale et municipale ;

2) renforce notre capacité d’établir des comparaisons régionales ;

3) permet de documenter les facteurs de risque associés aux activités liées aux gangs dans des administrations précises ;

4) est utile pour documenter le montant du financement public requis pour s’attaquer aux problèmes liés aux gangs dans des administrations précises ;

5) habilite les responsables de l’application de la loi des différentes administrations à communiquer dans la même « langue » et à acquérir une compréhension commune des gangs, des membres de gang et des actes criminels liés à un gang ; et

6) rehausse la qualité des enquêtes sur les gangs auxquelles participent les services de police de différentes régions.

À cela on pourrait ajouter qu’une bonne définition opérationnelle pourrait permettre d’estimer l’effet sur ces groupes des efforts de prévention et de répression.»

Ces considérations s’appliqueraient tout autant à la lutte contre les « sectes » : combattre des organisations criminelles dont l’objet est de tromper et d’assujettir des personnes sur le fondement d’activités de nature religieuse nécessite de la part des autorités un engagement adapté. Au préalable, il faut que les forces l’ordre sachent convenablement nommer et définir l’adversaire.

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Lutte contre les sectes – Pour un changement de modèle stratégique – 3/5

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3. Le spectre des « dérives sectaires »

Derrière la notion de « dérive sectaire » se cache en réalité une multitude de groupes, de courants de pensée, de causes à défendre et d’objectifs stratégiques à atteindre.

On proposera tout d’abord une typologie de ces « dérives » (3.1.).

En nous concentrant sur quatre d’entre elles, on constatera que pour certaines, à but politique, la réponse sociale la plus adaptée consiste à recourir à des services spécialisés – et non à des institutions traditionnellement engagées dans la lutte contre les « dérives sectaires » (3.2.).

La comparaison des catégories organisations sectaires et médecines alternatives mettra en évidence les différences dans les types d’exactions commises et dans la réponse adaptée des autorités à leur encontre. Ce qui introduira l’idée d’une nécessaire priorisation de l’action des pouvoirs publics sur un type de « dérive sectaire » (3.3).

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Lutte contre les sectes – Pour un changement de modèle stratégique – 2/5


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2. La notion de « dérive sectaire »

Les pouvoirs publics français s’inquiètent du phénomène sectaire depuis un demi-siècle. Mais ils ont longtemps été réticents à définir la « secte.»

Au tournant des années 2000, le terme « secte » est supplanté par celui de « dérive sectaire.» Cette opportune pirouette lexicale permet aux diverses administrations concernées de repousser aux calendes l’énoncé d’une définition de leur champ d’études et d’action.

C’est finalement neuf ans après sa création que la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) propose une définition de son pré carré.

Mais au lieu de circonscrire son domaine de compétence, cette définition va au contraire l’étendre très largement ; et conduire ainsi les pouvoirs publics à toujours plus diluer leurs ressources et affaiblir leurs efforts dans leur lutte contre les « dérives sectaires.»

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Lutte contre les sectes – Pour un changement de modèle stratégique – 1/5



1. Un constat. Une suggestion.

C‘est un époque de pandémie, de fausses informations, de complotisme, de rejet massif du consensus scientifique et de «gourous 2.0.»

Et un terme est continuellement sur les lèvres de tous les observateurs du phénomène : la « dérive sectaire.»

Popularisée par la Mission interministérielle éponyme, cette notion est-elle bien utile dans la lutte contre ces formes d’obscurantisme ? Le modèle des « dérives sectaires » développé par ceux qui les combattent ne serait-il pas plutôt contre-productif ?

Car en englobant sous un même vocable un champ d’exactions diverses et variées, les pouvoirs publics sont induits à traiter simultanément l’intégralité du domaine des « dérives sectaires » ; ce faisant, ne diluent-ils pas leurs ressources (en temps, en argent, en personnel) – et donc leur efficacité ?

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« Cryptage » n’est pas un gros mot – 4 ̷₄

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4 –  Le cryptage, à quoi ça sert ?


La distinction entre le chiffrement réversible et le cryptage n’est pas une question de calcul cryptographique. Dans les deux cas, on a besoin d’une clé de chiffrement pour chiffrer l’information. La différence réside dans les modalités d’utilisation du chiffrement et dans le but recherché par le chiffreur.

Le chiffrement réversible présente un intérêt évident dans la vie de tous les jours. Il permet d’assurer la confidentialité d’une information, autrement dit de veiller à ce que cette information ne soit accessible qu’aux seules personnes autorisées à en prendre connaissance. Cela suppose que ces personnes autorisées puissent en prendre connaissance. On ne peut pas, en effet, communiquer de façon récurrente en utilisant du chiffrement irréversible : cela nécessiterait que les interlocuteurs (et eux seulement) soient capables de décrypter rapidement les messages qui leur sont adressés. Le chiffrement doit ici être réversible.

Toutefois, il existe des cas dans lesquels le chiffrement doit ne pas pouvoir être inversé. Continuer la lecture de « « Cryptage » n’est pas un gros mot – 4 ̷₄ »

« Cryptage » n’est pas un gros mot – 2 ̷₄

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2 – Rendre à l’information sa forme intelligible –
Déchiffrement et décryptage


Pour retrouver l’information en clair à partir de sa forme chiffrée, deux possibilités se présentent :

      • le déchiffrement – que l’on réalise lorsque l’on dispose de la clé ad hoc – ;
      • et le décryptage – que l’on tente lorsque l’on n’en dispose pas.

Notons que la langue française marque clairement la distinction fondamentale entre déchiffrement et décryptage. Il n’en va pas de même dans la langue anglaise, laquelle utilise :
– les verbes to encrypt , cipher et encipher pour traduire chiffrer (##),
– les verbes to decrypt et to decipher pour traduire indistinctement (ou respectivement !) déchiffrer et décrypter (##).

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« Cryptage » n’est pas un gros mot – 1 ̷₄

Sommaire de cette série :

    1. Qu’est-ce que le chiffrement ?
    2. Rendre à l’information sa forme intelligible – Déchiffrement et décryptage
    3. Le cryptage, un chiffrement non réversible
    4. Le cryptage, à quoi ça sert ?

Le mot cryptage n’est pas un barbarisme. Il ne désigne pas non plus un impossible chiffrement sans clé. Le cryptage, c’est du chiffrement, mais dans certaines circonstances. La distinction présente un intérêt dans le domaine du renseignement et des enquêtes informatiques. 

Il y a quelques semaines, j’ai eu sur Twitter une discussion (i.e. un dialogue de sourds) avec un professionnel de l’informatique au sujet du mot cryptage. Véritable tarte à la crème de la sécurité de l’information, le débat sur ce mot n’en finit pas de noircir des pages. Pour résumer grossièrement, dans cette bataille rangée, deux camps s’opposent :

  • les professionnels hardcore de l’informatique qui, à l’image de mon contradicteur, estiment que :
  • les autres (comprenez les noobs), qui utilisent le terme cryptage – le plus souvent comme synonyme du mot chiffrement. C’est notamment le cas de certains journalistes scientifiques.
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Sectes – L’allégorie du berger revue et corrigée – 4. ̷₄

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4 – Mise en application du modèle de la bergerie


Le modèle de la bergerie se propose, sur une base objective :

  • de détecter les églises délinquantes ;

  • et, parmi elles, de distinguer entre les églises radicales et les églises malveillantes.

Pour en faire la démonstration, nous prendrons ici comme exemples deux nouveaux mouvements religieux particulièrement controversés : les Témoins de Jéhovah (4.1) et l’Église de scientologie (4.2).

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Sectes – L’allégorie du berger revue et corrigée – 3. ̷₄

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3 – Églises radicales et églises malveillantes


On rencontre traditionnellement deux acceptions concurrentes du mot « secte » :

  • dans son sens étymologique, la secte est un groupe issu d’une organisation religieuse dont il s’est coupé (du latin secare) pour suivre (du latin sequi) une version alternative du dogme et/ou un autre leader ;
  • au sens péjoratif, la secte est un nouveau mouvement religieux controversé, qui présenterait un danger pour les individus et la société.

Mais quels sont les critères objectifs et pertinents qui permettent de faire la distinction entre les deux acceptions ?

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