Une évaluation des risques… sans risque

TerrorismeLe risque est l’éventualité qu’un évènement nuisible se produise dans le futur. Une évaluation du risque terroriste qui s’ajuste principalement en fonction d’évènements passés ne présente aucune pertinence.

Vendredi dernier, le cabinet international Aon, spécialisé dans les assurances et la gestion de risque, a publié son rapport annuel Terrorism and Political Violence Risk Map 2016.

Comme le mentionne le quotidien Les Échos, on est confronté, selon Aon, à une augmentation du risque terroriste global – la première depuis 2013.

Ce constat ne surprendra personne. Mais le problème est ailleurs.

En fait, ce document n’est pas censé être un constat. C’est une évaluation de risque. Car Aon fournit des produits d’assurances, donc pour se prémunir contre des risques… à venir (et non passés). Autrement dit, ce rapport est censé nous donner une idée des niveaux de risque dans un futur proche, en l’occurrence les 12 prochains mois.

Or, en tant que tel, ce rapport n’a pas grande valeur.

Pour nous en convaincre, il suffit de consulter les précédentes évaluations de Aon ; en l’occurrence, les cartes du site Aon Risk Map Portal consacrées spécifiquement aux risques de terrorisme et de violence politique  pour les années 2014, 2015 et 2016.

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que, par le passé, Aon n’a pas été très bon dans ses prévisions à l’égard de certains pays occidentaux.

Ainsi, pour le Canada, on constate que, début 2014, le niveau de risque terroriste était considéré comme négligeable. Mais en octobre de la même année, surviennent deux attentats, à St-Jean-sur-Richelieu (Québec) et à Ottawa (Ontario). De fait, dans les documents Aon de 2015, le niveau de risque terroriste au Canada a été monté à faible.

Concernant la France et la Belgique, on constate dans les documents Aon de 2014 :

  • en France, le niveau de risque terroriste était moyen ;
  • en Belgique, il était négligeable.

Après la publication du rapport, surviennent la tuerie du Musée juif de Bruxelles (24 mai), les attentats de Charlie Hebdo, de Montrouge et de l’HyperCasher (7, 8 et 9 janvier).

Aussi, dans le document Aon de 2015 :

  •  en France, le niveau de risque terroriste est toujours moyen ;
  • en Belgique, il est monté à faible.

Mais surviennent ensuite les attentats du Thalys (21 août), de Paris  (13 novembre) et de Bruxelles (22 mars).

Aussi constate-t-on par la suite, dans la toute récente évaluation Aon de 2016, que :

  • en France, le niveau de risque terroriste est toujours moyen.
  • en Belgique, il est monté à moyen.

Autrement dit, au cours de ces dernières années, Aon semble n’avoir fait ici qu’ajuster ces précédents rapports en fonction d’évènements survenus dans le passé. On pourra d’ailleurs faire le même constat en observant l’évolution des prévisions d’Aon pour d’autres pays du globe.

On me permettra donc d’émettre un doute sur la validité de sa dernière évaluation du risque terroriste.

À propos de Arnaud Palisson

Arnaud Palisson, Ph.D. fut pendant plus de 10 ans officier de police et analyste du renseignement au Ministère de l'intérieur, à Paris (France). Installé à Montréal (Canada) depuis 2005, il y a travaillé dans le renseignement policier puis en sureté de l'aviation civile. Il se spécialise aujourd'hui dans la sécurité de l'information et la protection des renseignements personnels.

Une réponse sur “Une évaluation des risques… sans risque”

  1. J espère que ce genre d’attentat servira de leçons et que on oubliera pas les victimes et leurs familles !

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