Les zombies sèment la pagaille au ministère de la sécurité publique

Organiser des exercices de mesures d’urgence sur un scénario d’invasion de zombies n’est pas dilapider l’argent du contribuable. C’est une façon intelligente de dynamiser, de motiver et de mieux former les différents intervenants.

Formation par le jeu

La semaine dernière s’est tenu à Québec un colloque organisé sous l’égide du ministère québécois de la sécurité publique au cours duquel on donnait diverses formations en gestion des mesures d’urgence. À l’origine, l’un de ses ateliers devait consister en un exercice de table de 3 jours simulant une invasion de zombies.

Le ministre québécois de la sécurité publique, M. Stéphane Bergeron, s’était insurgé que l’on puisse gaspiller des fonds publics pour monter des projets aussi puérils, en précisant (toutes les occasions sont bonnes) que cette initiative avait été lancée par le précédent gouvernement :

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Moi, sincèrement, si on m’avait posé la question (avant), j’aurais dit : il y a-tu moyen de trouver autre chose… Mais manifestement, il semble que mon prédécesseur était très à l’aise avec la thématique des zombies.

Et le ministre de faire pression sur les organisateurs du rassemblement pour supprimer cet atelier. L’invasion de zombies a finalement laissé la place à un scénario d’inondation.

Peu de voix (à part celle-ci) se sont élevées dans la presse pour soutenir que le scénario zombie était une bonne initiative. En revanche, on ne compte plus les journalistes et chroniqueurs qui ont salué la décision du ministre. Des zombies ?! Ben voyons donc… Les réactions les plus nettes en ce sens demeurent certainement celles du Journal de Montréal et du Journal de Québec.

CDC-ZombiesÀ aucun moment, il n’est venu à l’esprit de ces détracteurs qu’il y avait une raison derrière cette nouvelle approche de la simulation de sécurité civile. Ont-ils cherché à savoir pourquoi le très sérieux Center for Disease Control and Prevention (CDC) américain, le gouvernement du Canada et celui de la Colombie-Britannique capitalisent sur le succès planétaire de films et de séries TV consacrés aux morts-vivants pour organiser des campagnes de prévention et des exercices de gestion des mesures d’urgence ?

Explorer la thématique zombie en matière de sécurité civile n’est pas une lubie de fonctionnaire mentalement attardé. C’est au contraire une façon intelligente et efficiente de dynamiser les formations et entrainements dans ce domaine. Car, de leur propre aveu, les organisateurs de tels exercices ont aujourd’hui le plus grand mal à motiver leurs participants. Exercices de table et mises en situation sur le terrain sont davantage considérés comme un mal nécessaire, sans aucun enjeu ni défi. Introduire un scénario de zombie, c’est réveiller un landerneau engoncé dans ses mornes habitudes.

Mais c’est aussi bien d’autres choses. Car quiconque a vu des films comme Dawn of the Dead ou même un seul épisode de l’excellente série The Walking Dead a bien compris que ce ne sont pas les zombies en eux-mêmes qui sont intéressants, mais les conséquences de leur irruption.

À côté d’une invasion de zombies, gérer les conséquences d’un attentat terroriste ressemble à une promenade de santé.

Dans une infrastructure essentielle comme un aéroport, une gare ferroviaire, une centrale nucléaire, ou même dans un centre commercial, un exercice d’urgence sur un scénario d’invasion de zombies présente des atouts considérables.

Tout d’abord, c’est l’occasion de faire travailler ensemble, de façon coordonnée, des organisations, institutions et agences de domaines très différents, dans le but de solutionner des problèmes variés et complexes :

  • Sûreté : les zombies s’attaquent aux humains pour les tuer. Mais en plus, pour assurer leur propre survie, les humains s’attaquent entre eux.
  • Sécurité : la panique engendrée cause des accidents, des blessés, des bris structurels.
  • Gestion des urgences : il faut gérer les réserves de nourriture et de médicaments, organiser l’intervention des secours,…
  • Santé publique : par la morsure ou par la contamination de l’eau, les zombies transmettent aux vivants une grave maladie contagieuse qu’il faut endiguer rapidement.

Dans les exercices de sécurité civile aujourd’hui, quels autres scénarios présentent autant de défis ? À côté d’une invasion de zombies, gérer les conséquences d’un attentat terroriste ressemble à une promenade de santé.

Autre avantage non négligeable : le thème du scénario étant à la base irréaliste, il y a beaucoup moins d’opportunités pour une seule organisation de tirer la couverture à elle. Combien de fois a-t-on vu telle ou telle institution se vanter d’avoir mieux performé à l’exercice que l’agence d’à côté ? J’attends avec impatience d’entendre les représentants de telle ou telle agence se vanter en haut lieu de mieux gérer les invasions de zombies…

Alors, zombies or not zombies? La réponse tombe sous le sens. Les contribuables peuvent être rassurés : avec de telles initiatives, les services d’urgence sont plus motivés et mieux préparés à parer aux catastrophes. Autrement dit, jouer avec les morts-vivants en sécurité civile, c’est utiliser les fonds publics d’une bien meilleure façon.

À propos de Arnaud Palisson

Arnaud Palisson, Ph.D. fut pendant plus de 10 ans officier de police et analyste du renseignement au Ministère de l'intérieur, à Paris (France). Installé à Montréal (Canada) depuis 2005, il y a travaillé dans le renseignement policier puis en sureté de l'aviation civile. Il se spécialise aujourd'hui dans la sécurité de l'information et la protection des renseignements personnels.

3 réponses sur “Les zombies sèment la pagaille au ministère de la sécurité publique”

    1. Effectivement.
      Mais comme scénario d’exercice des mesures d’urgence, c’est un peu radical 🙂

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