Il faut tuer le cycle du renseignement – 13ème et dernière partie

La vue d’ensemble

par Kristan Wheaton

Version originale : Sources & Methods

Traduit de l’anglais (américain) par AP

– Introduction et sommaire de cette série –

En fin de compte, que vous acceptiez ou non ce nouveau modèle de processus du renseignement, il est évident que l’antique cycle du renseignement doit être éliminé. Peu importe que vous le fassiez avec les honneurs ou – comme je le recommande – avec des explosifs. À ce stade de mes développements, ce devrait être clair : le cycle   doit disparaître.

Pour résumer, on rappellera que le cycle du renseignement achoppe sur au moins trois plans :

  • on ne parvient pas à définir ce qu’il est, ni même ce qu’il n’est pas ;
  • il ne correspond pas à la façon dont fonctionne le renseignement au XXIème siècle ;
  • il ne nous aide nullement à expliquer nos processus aux décideurs que nous assistons.

Les efforts réalisés en vue de le corriger n’ont pas abouti. Pire encore, ce constat est entièrement entériné par ceux qui ont étudié le rôle et les impacts du cycle.

J’ajouterai que c’est à la communauté des professionnels du renseignement (j’y inclus les universitaires qui étudient le sujet) qu’il appartient de se débarrasser du cycle. Parce que personne d’autre ne s’en souciera. Mais aussi parce que cette communauté affiche un score quasi-parfait de résistance aux recommandations provenant de l’extérieur.

Alors oui, l’interrègne sera difficile. Les décideurs que nous assistons, les professionnels avec qui nous travaillons et les étudiants que nous formons vont tous vouloir des réponses ; et des bonnes – et ils y ont droit. Dans un premier temps, ces réponses arriveront lentement. En fait, au départ, il se pourrait que nous nous limitions en quelque sorte à « enseigner la controverse ».

Mais on espère qu’avec le temps, le besoin d’une nouvelle vision du processus du renseignement engendrera une curiosité intellectuelle ; et au gré d’un processus de création/destruction, quelque chose de plus robuste en émergera. Un modèle amélioré, à l’épreuve des chocs pour les 60 prochaines années. J’ai déjà pris les paris sur la question ; mais je serais bien content si la communauté du renseignement reconnaissait au moins qu’elle doit s’affranchir de ses contraintes historiques ; si elle reconnaissait le chant des sirènes, se bouchait les oreilles et mettait les voiles dans une nouvelle direction – n’importe quelle autre direction.

Parce que rien ne peut être pire que de continuer à prétendre que le monde n’a pas changé depuis les années 1940. Rien ne peut être pire que de continuer à perdre des heures et des heures à expliquer et à tenter de justifier quelque chose qu’on aurait dû éradiquer depuis bien longtemps. Bref, rien ne peut être pire que de continuer à nous mentir à nous-mêmes.

À propos de Kristan Wheaton

Kristan Wheaton, J.D., est maitre de conférences à l’Institute for Intelligence Studies de la Mercyhurst University à Erie, Pennsylvanie (États-Unis). Ancien analyste du renseignement pour l’US Army, il fut notamment chef analyste pour l’Europe, au sein de la Direction du renseignement de l’US European Command, à Stuttgart.